Racaille, moche et méchant: autopsie d’une manière d’être

[Avertissement liminaire] Les gens dont je parle ne sont pas dans leur intégralité des pourritures finies, mais il faut se dire les choses: leur pacte avec la street les a matrixé. Bien profond. Sa mère.

Luc, calme et volupté
8 min readMar 1, 2017

Si on a un minimum le sens de l’observation et qu’on a pris les transports en commun en Ile-de-France au cours des années 2000–2010, on l’a tous vu… ce “jeune de cité” (ou assimilé) de 16–22 ans, regarder avec agressivité son reflet dans la vitre du wagon alors qu’il est simplement en train de réajuster sa capuche. Oui… lawiss avec ses panoplies à base de hauts de marques à gros logos, de joggings, de air max et de chaussettes blanches. Sauf les soirs de date/chicha/Châtelet-les-Halles où il a l’impression d’avoir vaincu le game parce qu’il a opté pour un jean délavé, troué, cheap et éventuellement hors de prix… la faute à un imaginaire colonisé par les clips de rap, les cages d’escaliers et la télé-réalité ; mention spéciale aux clips de rap mainstream qui, à de rares exceptions près, sont des programmes pavloviens destinés à fédérer des “frères” de hass autour de valeurs communes (sectarisme, illettrisme, incivilités, consumérisme).
Question: c’est normal de rester moche dans la tess toute sa vie et d’avoir une D.A* qui pue sa mère?
*D.A. ça veut dire “direction artistique” (univers esthético-poétique, attitude non verbale, ondes = “créneau” dans lequel se situe une personne).

Ma thèse du jour est extrêmement simple : un type qui se présente H24 au monde dans cet accoutrement de galérien, passé 18–19 ans, alors qu’il n’est ni rappeur, ni éducateur sportif, ni coursier à vélo… n’est pas un individu ; probablement beaucoup de choses (un chien de la casse, un sujet de droit, une grosse merde, une caricature, etc.), mais pas un individu… tavu. Et vraiment, c’est tragique de voir tant de “mômes” souscrire à tous les diktats à la con de la street et s’transformer en pitbulls dont les schémas de pensées se résument à je-suis-un-thug-wallah-wesh et autres sisi-tu-connais-refré.

Dans ce “contexte” extrêmement sain, j’avoue garder une distance affective vis-à-vis du petit numéro de majorettes (“PasDeJusticePasDePaix” sur fond de fumigènes et de lyrisme cheap) dont certains militants opportunistes semblent actuellement faire la cause de leur vie ; distance affective, pour ne pas dire “battage de c…” [Interruption soudaine]
- Interlocuteur de base (inflexion de voix d’un journaliste de l’inquisition tah Jean-Jacques Bourdin) : Attends, attends, attends… C’est une manière détournée de parler de l’affaire Théo? Tu te désolidarises?
- Me (surpris d’avoir été interrompu) : Euh, on peut en parler si tu veux mais là je ne me focalise pas sur son cas individ…
- Interlocuteur de base (me coupant la parole, encore) : Si, si! Assume ce que tu sous-entends!
- Me : Assumer quoi? De penser qu’à un moment donné, il faut arrêter de voir la vie en rose ou de se planquer derrière des “hashtag ergo sum”? De déplorer qu’il y aura toujours les mêmes fdp dans les hautes sphères et les mêmes mecs issus de quartiers populaires -et de l’immigration- qui, à l’âge adulte, continueront à s’habiller comme des collégiens en échec scolaire et à passer à côté de la vraie vie?
- Interlocuteur de base (avec la conviction de tenir un “scoop”): C’est pas le sujet! Réponds à propos de l’affaire Théo!
- Me (il est con ou quoi, sa mère!) : Mais, en vrai, toi tu veux quoi à m’parler sur ce ton? D’une, c’est pas toi qui décides ce qu’est ou n’est pas le sujet. De deux, tu m’excuseras de considérer qu’il n’y a pas de plus-value à ce que je paraphrase le témoignage de tel ou tel jeune passé à tabac par des psychopathes assermentés… Excuse-moi de ne pas être dans un investissement émotionnel au premier degré, et de m’interroger sur les motivations profondes des émeutiers dès lors que le protagoniste lui-même se rend bien compte que tout ce bordel dessert la cause! Excuse-moi de vouloir mettre toute cette merde en perspective et de considérer qu’un fils de pute en uniforme ou en jogging, c’est la même merde… Excuse-moi d’essayer d’avoir une vision du machin à 360 degrés!
- Interlocuteur de base (toujours aussi obtus): Comment ça “à 360 degrés”? Arrête de noyer le poisson!
- Me (thug life): Ouais, à trois cent soixante degrés. Réponds à cette question: pourquoi tout le monde est Théo et personne n’est Madiara? Ouais, Madiara… T’es pas au courant que le 30 janvier (ndlr: 2017), un lycéen de 17 ans s’est fait poignarder pendant sa pause déjeuner? A 17 ans, à quatre jours des vacances scolaires, à cause d’une rivalité territoriale… Je le connaissais pas, ce petit, mais ça m’a touché! Pourquoi ils disent rien les Omar Sy et les pseudo-justiciers made in Skyrock? C’est pas un drame de crever à 17 ans, à six mois de passer son bac? Pourquoi tout le monde s’en fou? Il n’y a pas de quoi être ébranlé, peut-être? Toi qui es si bon et si altruiste… toi qui veux à tout prix m’entendre dire JeSuisThéo, pourquoi tu n’es pas Madiara, fils de pute? Parce que ce sont des négros de son âge qui l’ont tué? C’est pour ça qu’il ne mérite pas de hashtag?
- Interlocuteur de base (K.O. debout) : Euhh…
[Fin de l’interruption]

Voilà, c’était la rubrique faits divers.

Maintenant, on peut en revenir à nos moutons (et leur dress code stéréotypé de négros-rebeus grégaires).
Bon, je le confesse d’entrée, je ne suis pas omniscient et ne connais pas le background de chacun des intéressés… mais une certitude émerge, quels que soient les cas de figure : être un intégriste de la street-panoplie/street-attitude équivaut à se tirer une balle dans le pied aux yeux de la société. Toute personne portant un minimum ses couilles dans l’analyse le reconnaîtra: on a, dans ces cas de figure, plus l’impression d’avoir affaire à des rebuts stéréotypés qu’à des êtres humains. Cause/Conséquence. CQFD. C’est réducteur-caricatural-blablabla, mais c’est comme ça.

Sérieux, c’est quoi le projet? (Where is the “sursaut d’orgueil”, wesh?)
Il faut vraiment être de mauvaise foi (ou un décérébré sans logique ni empathie) pour exiger que chaque personne qui croise une meute de jeunes en survêtement dans une ruelle sombre se dise à elle-même: “Ohh mais dis donc! Peut-être que mon pouls augmente brusquement parce que je suis victime de préjugés xénophobes!… [rire nerveux] Mais suis-je bête? Moi aussi je suis Théo, j’ai signé la pétition après tout [re-rire nerveux] .” C’est si compliqué que ça d’intégrer qu’on vit dans une société sur-saturée d’informations et que ce type de D.A. jouit d’une sinistre réputation dans l’inconscient collectif?

Pas de galère le jogging si le flow est aussi doux

[Nota bene: Remplacer son survêtement du Chelsea FC par une chemise Zara hyper cintrée à col mao et boutonnée jusqu’à la glotte N’EST PAS une évolution positive ; c’est une déclaration de guerre à l’élégance et un aveu de non-sérénité absolu (traduction implicite: “Aujourd’hui, je fais de la surenchère car je veux que tout le monde remarque que je suis au max! Pourvu que personne ne se rende compte que je ne suis ni naturel ni cohérent et que je ressemble objectivement à un parvenu low-cost…”)]

Je sais… mon propos conforte les méchants racistes dans leurs préjugés et porte gravement atteinte au principe de présomption d’innocence. Mais il n’y a aucune malveillance à trouver tragique que des femmes portent pendant 9 mois des rejetons qui font ensuite le choix de moisir ad vitam aeternam dans des accoutrements de rebelles sans cause (être né pauvre et avoir x ou y carences affectives n’est pas un chèque en blanc pour s’habiller en kéké immature, s’autodétruire et faire chier la société jusqu’à son incarcération). Il faut aller te faire enculer si ça te choque mais il n’y a aucune malveillance à mépriser des cassos interchangeables qui se complaisent dans le rôle d‘ortie parmi les orties que la société leur a donné à la naissance ; cassos interchangeables qui se prennent pour des Marlo Stanfield en puissance sous prétexte qu’à la tombée de la nuit, ils apostrophent à la queue leu-leu des proies faciles à base de “Eh toi tu m’as fixé chelou wesh… Tu crois je suis qui?… Viens on va casser un tête!”.
[Traduction de “casser un tête” = se bagarrer en un contre un.
Traduction de “casser un tête” dans sa bouche à lui = “toi vs. lui*]
*(+ ses 5–6 potes, dont certains ont des flashs de vodka et des béquilles dans les mains)

Figées dans leur mythologie personnelle faite de barrettes de shit et de bayes sombres, nos amies les cailleras considèrent que la valeur d’un être humain est indexée au prix de sa doudoune et à la circonférence de ses biceps. Aussi, plutôt que de s’extraire de leur merde par tous les moyens nécessaires (en ouvrant les yeux sur eux-mêmes et sur le monde via des questionnements intimes du style “to be or not to be?”), ces trous du cul préfèrent se claquemurer dans une vision remixée de la réalité et aboyer à longueur de pamphlets sans style ni syntaxe que la société ne les aime et qu’ils sont des martyrs… A croire que la vie est une longue crise d’adolescence.
Résultat des courses: ils sont has been à tout juste 20 ans (si ce n’est avant).
ALORS QUE s‘ils s’aimaient vraiment, ils :
- auraient compris depuis longtemps que leur style vestimentaire les stigmatise,
- seraient à-même de s’exprimer décemment dans leur langue maternelle (”wesh“ et ”wallah“ ne sont pas des conjonctions de coordination),
- ne snaperaient pas H24 chacun de leurs faits et gestes,
- ne considéreraient pas que c’est “la base des bases” d’aller manger devant Beinsport ou BFM TV de la viande de rat cancérigène, des frites surgelées et des condiments écœurants à base de sucre et d’huile de palme dans des endroits appelés “grecs”… même si c’est hallal,
- j’en passe, mais flemme.

Ouais, “flemme…”, parce qu’en fin de compte le monde se divise en deux catégories: ceux décident de se pimper à la Martin Eden (i.e. “mettre place les pièces du puzzle”, apprendre de leurs erreurs et de celles des autres, mobiliser du temps, de l’énergie et de l’intelligence pour acquérir des skills), et ceux qui finissent assfuck -au figuré- parce qu’ils ne font rien pour tirer leur épingle du jeu. Grand bien leur fasse de persévérer leur rôle de vaches à lait de multinationales qui vendent 80€ TTC des maillots de foot confectionnés par des enfants en Asie du Sud-Est, de mettre des Balenciaga noires avec des chaussettes blanches et de prendre pour mentor n’importe quel orang-outan sans talent sous prétexte qu’il a des millions de vues Youtube… Bsahtek. C’est “la liberté”, une valeur essentielle. Par contre, elle a un corollaire (la responsabilité: un “truc” qui a fait partie intégrante de l’existence de pas mal d’hommes dignes de ce nom, de Sénèque à Tupac Shakur), mais “nique sa mère!…”, je n’épiloguerai pas là-dessus.

MORALE DE L’HISTOIRE = Être aware de l’image qu’on renvoie à la société est normal, a fortiori quand on a une revanche à prendre sur elle.

Cogito ergo sum,
Repose en paix Madiara.

Il est tragique de penser que peu de gens “sont en possession de leur âme” avant de mourir. (…). La plupart des gens ne sont pas eux-mêmes. Leurs pensées sont les opinions de quelqu’un d’autres, leurs passions une citation, et leur vie est une imitation. O. Wilde, De Profundis

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