Capitalisme, socialisme et démocratie III : Plaidoirie en faveur du Capitalisme par son plus grand défenseur

Marie la rêveuse éveillée
25 min readMay 2, 2023

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Après ce clash d’anthologie entre 2 économistes légendaires, penchons-nous sur la portion la plus célèbre de l’ouvrage, Le Capitalisme peut-il survivre?

C’est dans cette section que Schumpeter va défier Marx sur son propre terrain, en proposant une théorie alternative de l’effondrement inexorable du Capitalisme, système miné à long terme par les contradictions qui lui sont inhérentes…

On peut résumer la position de Schumpeter ainsi, le Capitalisme ne mourra pas de ses échecs mais sera plutôt victime de son succès..

Notre économiste va donc prendre un malin plaisir à déconstruire les arguments courants sur la fragilité à long terme du capitalisme sur le plan économique…mais pour concéder en contrepartie la vulnérabilité de ce système sur le plan purement sociologique

Mais si Schumpeter s’amuse à supplanter Marx, le rôle de prophète ne l’intéresse pas, et il pose d’emblée les limites de sa démarche. Son objectif est simplement de mettre en lumière des tendances qui, si elles se poursuivaient en l’état, aboutiraient à la chute du système

Son message demeure celui d’un économiste et non d’un oracle, il n’y a nulle nécessité de son point de vue, à ce que les choses se déroulent ainsi… Il nous livre un pronostic, pas la destiné caché du Monde…

En premier lieu, s’il y a une chose qui frappe avec Joseph d’entrée de jeu dans ce chapitre, c’est pourtant sa prescience puisqu’il nous dévoile des réflexions sur la croissance qui n’ont rien perdu de leur actualité, alors que le livre date des années 40

En effet, il détruit instantanément l’illusion que constitue le focus sur les ressources physiques ou la dimension purement quantitative de la production.

“…il n’existe en effet aucun processus statistique adéquat pour exprimer la différence entre une automobile 1900 et une voiture 1940, ou pour traduire la mesure dans laquelle a fléchi le prix des autos par unité d’utilité.”

On peut faire le parallèle avec les réflexions superficiels affirmant que les révolutions technologiques majeures comme l’invention du téléphone ou de l’automobile appartiennent au passé et que leur équivalent récent ne sont que des améliorations à la marges sur des produits déjà existants.

C’est rester aveugle à la réalité qu’entre le téléphone à l’ancienne et le téléphone portable actuelle, il n’y a pas un monde mais pratiquement un univers…

A se laisser berner par la continuité apparente, nous oublions que ce sont pratiquement deux appareils différents au vu des possibilités qu’ils déploient comme de leur impact économique et sociétale…

Les mêmes qui ridiculise le côté terre à terre du futur concret au sein duquel nous nous mouvons, persiflant sur l’absence de voitures volantes, oublie très vite qu’ils ont littéralement le monde entier…dans le creux de leur main…

“…le rendement économique d’un lingot d’acier ou d’une tonne de charbon, même si leur qualité physique n’a pas changé, est un multiple de ce qu’il était soixante ans auparavant.”

Comme le disait si bien Alexandre Delaigue, l’humanité a eu accès au même ressources depuis l’âge de pierre, ce qui a changé, c’est nos connaissances sur les usages possibles de ces mêmes ressources..

L’Uranium, simple polluant néfaste si on en soupçonne seulement l’existence dans les âges anciens, prend une toute autre valeur quand notre science peut se concrétiser sous la forme de centrale nucléaire…

Il n’est guère étonnant que Schumpeter, Hérault des vertus de l’innovation constante, ait eu ce genre d’intuitions… Pour ceux qui veulent creuser la questions, on renvoie à l’ouvrage lumineux de David Warsh

Schumpeter fait également preuve d’une finesse indéniable quand il souligne les angles morts des statistiques de production.

“Les produits nouveaux ne sont pas représentés, ou le sont incomplètement par un indice qui, nécessairement, doit être fondé sur les marchandises de bases et sur les produits intermédiaires.

En outre, même si nous avions les moyens de mesurer les variations du rendement technologiques de l’industrie, une telle mesure ne nous fournirait par encore une notion adéquate de ce que signifie de tels progrès .au point de vue de la dignité ou de l’intensité ou de l’agrément de la vie humaine, toutes choses que les économistes des générations antérieures condensaient sous l’intitulé “satisfaction des besoins”.

Certes, l’ouvrier moderne peut acquérir des biens que Louis XIV aurait été enchanté d’obtenir, sans pouvoir le faire, par exemple des appareils modernes de prothèse dentaires.

Dans l’ensemble néanmoins, les achèvements capitalistes n’auraient guère pu procurer de satisfaction supplémentaire important réellement à une personne disposant d’un budget aussi considérable que le Roi Soleil

On peut admettre qu’un gentilhomme aussi solennel n’aurait guère attaché d’importance à la faculté de se déplacer plus rapidement

L’éclairage électrique n’améliore pas grandement le confort de quiconque est assez riche pour s’acheter un nombre suffisant de chandelles et pour rémunérer des domestiques pour les moucher.

Les tissue bon marché de laine, de coton et de rayonne, les chaussures et automobiles en série, représentent des fruit caractéristiques de la production capitalistes, or en règle général, de tel progrès technique n’ont guère améliorés le sort des riches.

La Reine Elisabeth possédait des bas de soie. L’achèvement capitaliste n’a pas consisté spécifiquement à procurer aux reines davantage de ces bas, mais à les mettre à la portée des ouvrières d’usine, en échange de quantité de travail constamment décroissante.

Une telle évolution a tenu au fait que la machine capitaliste constitue, en dernière analyse, un mécanisme de production en masse, donc nécessairement synonyme de production pour les masses cependant que, en remontant l’échelle des revenus individuels de plus en plus élevés, nous constatons qu’une proportion croissante de leur pouvoir d’achat est consacré à acquérir des services personnels et des marchandises confectionnés à la main dont les prix sont largement fonction des taux des salaires.“

Le revers positif de la maladie des coût de Baumol. Un phénomène que Mises avait également relevé de son côté d’ailleurs…

Comme on peut s’y attendre, Schumpeter encastre cette analyse d’une amélioration continuelle du niveau de vie des masses au sein des société capitaliste dans le cadre de la pierre angulaire de son analyse de ce système, la destruction créatrice…

Et c’est à travers ce même prisme qu’il va déchiffrer les cycles économiques qui font osciller ce système sur le temps long. Autant de phases des révolutions industrielles que ce système va générer de manière endogène…

Les termes que j’emploie n’ont rien d’innocent, puisqu’il n’est pas exagéré d’affirmer que Schumpeter raisonnait déjà, avec des décennies d’avance, au sein du paradigme de la croissance endogène

Pour les néophytes, cela signifie que pour Schumpeter, le progrès scientifique et technologique, le fameux facteur X de Solow, n’est plus une manne céleste extérieur (donc exogène) au système économique, qui va la digérer et en extraire le suc…

L’angle adéquat sera plutôt de comprendre que c’est le système socio-économique qui va générer de lui même ce progrès technologique… ou plutôt, encourager continuellement à la génération et la mise en pratique de nouvelles idées…car les idées sont la vraie source de richesse

Once again, Schumpeter, dans la lignée de l’école autrichienne à la périphérie de laquelle il se situe, conçoit le capitalisme comme un système dynamique. C’est la rupture continuelle d’équilibre qui importe avant tout…

Les révolutions industrielle remodèlent périodiquement la structure de l’industrie, en introduisant de nouvelle méthode de production (usine mécanisée, usine électrifiée, synthèse chimique, etc…)de nouveaux biens (réseaux ferroviaires, automobiles, appareils électriques…), de nouvelles formes d’organisation (société anonyme, fusions de sociétés…) de nouvelles sources d’approvisionnement, de nouvelles routes commerciales, de nouveaux marchés…

Ce process d’expansion correspond à la phase de boom…qui s’enchainera ensuite à l’élimination des éléments périmés de la structure économique, les phases de dépressions, permettant au système de se restructurer et d’allouer les ressources à un meilleur usage…

A chaque fois, les révolutions entraineront une avalanche de biens de consommations qui approfondiront et élargiront le courant du revenus réel, même si initialement, elles provoquent, des troubles, des pertes, du chômage…

D’où le terme de destruction créatrice, l’amélioration des structures de productions, et donc des biens de consommations disponibles pour les masses, suppose de vivre dans une forme d’instabilités permanente

Que ça soit en raison de la destruction des formes de productions obsolète pour qu’elles soient supplantés par des alternatives plus performantes, ou le fait que ces alternatives seront les heureuses élues d’un process de tâtonnement qui aboutira à beaucoup de cul de sac

Il s’agit néanmoins de mettre en perspective cette destruction inhérente au système, avec les effets à long terme d’une croissance continue, qui, si elle demeure constante, aboutira à une élévation du niveau de vie supérieure à elle d’une redistribution à court terme.

Reste une question clé, celle du chômage généré par ce système… “Cependant, qu’il soit durable ou temporaire, qu’il empire ou non, le chômage, on ne saurait le contester, est et a toujours été un fléau.

Toutefois, je considère que la tragédie réelle ne consiste pas dans le chômage en soi, mais dans le chômage aggravé par l’impossibilité de subvenir adéquatement aux besoins des chômeurs sans compromettre les conditions du progrès économique ultérieur…

En effet, de toute évidence, la souffrance et la dégradation-la destruction de valeurs humaines-que nous associons au terme chômage (mais non le gaspillage de ressources productives inutilisées) seraient largement éliminés et le chômage cesserait pratiquement d’être un objet d’effroi, si la vie des chômeurs n’étaient plus sérieusement affectés par la perte de leur emploi.”

Si les sociétés capitalistes du passé (Schumpeter pense au XIXéme siècle en l’espèce) n’avaient pas pu s’offrir le luxe d’offrir une assurance publique aux chômeur pour maintenir leur dignité, elles ont entretemps atteint le degré de développement économique suffisant pour cela

Raisonnement que Schumpeter étend à l’abolition du travail des enfants, les conditions d’hygiènes des quartiers pauvres, les taudis où s’entassaient les forçats de la faim, le soin des vieillards, etc…

Les législations sociales et la mise en place d’un Etat providence, du point de vue de Schumpeter sont, là encore endogène au développement des sociétés capitalistes plutôt qu’exogène, comme on a coutume de le croire…

De fait, c’est tout le sel et toute la subtilité de la position de Schumpeter que c’est un défenseur infatigable du capitalisme, mais ce n’est pas pour autant un libéral orthodoxe (nous auront amplement l’occasion de le comprendre…)

Les connexions entre Capitalisme et innovation, la destruction créatrice…

Toute la défense du Capitalisme par Schumpeter repose sur la connexion qu’il a établit entre ce système socio-économique et la croissance. S’agissant de la pierre angulaire de son apologie, il va falloir s’assurer que la fondation est solide.

“A la différence des seigneurs féodaux, la bourgeoisie industrielle et commerçante a grandi par son succès dans les affaires. La société bourgeoise a été coulé dans un moule purement économique.

Ses fondations, ses poutres, ses lanternes sont toutes composées de matériaux économiques. La façade du bâtiment est tourné vers le côté économique de la vie. Les primes et les amendes sont exprimés en termes pécuniaires.”

Une classe sociale au sein de laquelle l’ascension et le déclassement sont déterminés et motivés par l’économie. Au fur et à mesure de l’essor de cette classe, sa hiérarchie sociale comme sa hiérarchie des valeurs vont quitter la périphérie pour trôner au centre.

Si les capitalistes en eux même existent depuis des millénaires, le propre du Capitalisme est précisément d’être un système où cette catégorie d’individu forme la classe dominante, faisant résonner sa tonalité sur l’ensemble du corps social.

Et plus cette classe rencontrera le succès, plus elle drainera en son sein les individus les plus compétents, intelligents et innovateurs au sein des autres classe sociales, magnétisé par la possibilité de participer à la loterie du marché…

Une loterie qui compensera son faible nombre de gagnants par le montant des gains qu’elle fait miroiter au reste des joueurs de la partie de Poker. En effet, pour Schumpeter, les inégalités ne sont pas un effets pervers du capitalisme mais son moteur même…

La rente que procure une position dominante, qui par définition suppose d’être en position de supériorité sur le reste de la compétition, ce sera l’aiguillon qui incitera à l’innovation constante dans l’espoir d’acquérir un avantage décisif dans la course aux armements économique

Toute carotte se complétant par son bâton, l’angoisse du déclassement dans l’éventualité où une Nemesis de longue date où un jeune loup se taille un embryon de monopole, détournant les consommateurs, ce sera le fouet qui poussera les moins ambitieux à ne pas rester indolents

On pourrait dire que pour Schumpeter, c’est cette émulation imposé à l’ensemble des acteurs économiques qui justifie le différentiel de prestige et de revenu des chanceux au sommet de la pyramide, non pas leur mérite individuel.

L’économiste reconnaissant sans problème qu’à court terme, les plus méritants peuvent se retrouver éjecté au bas de l’échelle par le mouvement, et les incompétents propulsé au sommet par Dame Fortune

Il n’y a néanmoins pas besoin d’une providence digne de Leibniz pour que le système fonctionne, l’essentiel est que le mécanisme aiguillonne dans la bonne direction sur le long terme.

Un entrepreneur enchainant systématiquement les mauvaises décisions d’investissements finira inexorablement sur le carreau, à force de dilapider ses capitaux ou de faire fuir les investisseurs comme les consommateurs…

Néanmoins une objection s’impose naturellement. Ce système de sélection (des individus en position dominante) comme d’émulation du corps social récompense-t-il ou non les contributions au bien commun?

C’était bien sûr l’opinion des économistes classiques, pour qui la course au profit et la levée de toute restrictions (le fameux “laissez faire, laissez passer”) aboutissait à un accroissement généralisé des richesses de la société dans son ensemble. (la fameuse “main invisible”)

Il est intéressant de noter que Schumpeter concède sans problème à son ainée Marx la justesse de sa critique à l’égard des classiques, raisonnant à partir de leur situation sociale spécifique qu’ils idéalisaient et dont ils tiraient des généralisation sans esprit critique.

Malgré tout, que les classiques aient eu des angles morts de par leur position sociale et leurs intérêts de classe, et que leur analyses aient pu être colorés par les préjugés de leur milieu est une chose, mais ça n’invalide pas la totalité de leur grille de lecture pour autant

Du point de vue de l’analyse économique, le principal mérite des classiques consiste en ce qu’ils ont réfuté, en même temps que bien d’autre erreurs grossières, la notion naïve d’après laquelle, en société capitaliste, du seul fait qu’elle est axée sur le motif du profit doit nécessairement aller à l’encontre des intérêts des consommateurs, ou encore, pour nous exprimer en terme différents, que la conquête de l’argent détourne nécessairement la production de ses objectifs sociaux ou enfin, que les profits privés, tant en eux même que par la déformation corrélative du processus économique, se traduiraient toujours par une perte nette pour le public, à l’exception des individus qui les encaissent et représenteraient par conséquent un gain net susceptible d’être moissonné par des mesures de socialisations”

Réfutation qui pourrait paraître banale à toute économistes (même si bien sûr, de nombreuses nuances serait à apporter) mais qui garde toute son actualité comme son acuité dans la mesure où les mêmes idées fausses continuent de planer, plus ou moins implicitement…Formant l’axiome ou l’impensée de bon nombre de théories et d’analyses politiques…

Du point de vue de Schumpeter, la situation des classique est la même que celle de Marx, des intuitions percutantes, quand bien même leur démonstration comme leur arguments ne suivent pas toujours, et peuvent même se révéler être des châteaux de cartes avec le recul

Une fois de plus, et ceux qui ont lu cette série d‘articles’ depuis le début ne vont pas s’en étonner, Schumpeter va reprocher aux classique (Marshall et Wicksell compris) de raisonner dans un cadre statique, celui de l’équilibre général en concurrence pure et parfaite

Alors même qu’Adam Smith avait relevés, dès le départ, l’opposition bien réelle entre les intérêts du public et ceux de chaque branches productrices. Les fameuses conspirations contre le consommateur potentielles à chaque dîner d’affaire…

Les classiques tendaient en effet à voir dans le monopole l’exception regrettable (et qui serait éliminé à terme) tandis que la concurrence pure et parfaite tendait à être la règle…la réalité à le mauvais goût de fonctionner assez souvent en sens inverse, note Schumpeter

Mais que la concurrence pure et parfaite soit condamné à demeurer un idéal, et le monopole une réalité récurrente, ce n’est pas nécessairement une mauvaise chose pour l’économiste justement…

Précisément parce que la course au monopole, et à la rente que procure cette position dominante, est le moteur de l’innovation. (Cf cet article lumineux d’Alexandre Delaigue qui restitue magistralement la question de la rente, plus délicate qu’il n’y paraît)

Quoiqu’il en soit, le modèle pertinent pour décrypter le capitalisme n’est pas la concurrence parfaite, mais justement la concurrence imparfaite ou concurrence monopolistique…

En bref, une modélisation de l’économie en guerre de tous contre tous pour la position décisive plutôt qu’une configuration idéal où aucun acteur du marché ne dispose d’un pouvoir suffisant pour influencer les prix à son avantage au détriment des autres…

Pour saisir les subtilités de l’argumentaires déployés par Schumpeter, il ne faut pas se focaliser sur le prix. Une firme qui offre des produits de qualité supérieure à celle de ses concurrente pour le même prix est en position de force…

Idem si son avantage réside dans un meilleur réseau de distribution de ses produits, une plus grande célérité à honorer ses commandes, une meilleure publicité (capacité à informer le consommateur), une réputation de qualité bâties sur ses succès passées, etc…

Conformément à l’intuition clé de Marx, le capitalisme est un process évolutif constant, qui ne va pas encourager ses acteurs à jouer fair play dans le cadre de la concurrence, mais au contraire les pousser à briser le libre jeu de la concurrence…

Process qui pourra générer du gaspillage social à court terme (ressources consacrés à la publicité, brevets rachetés aux firmes plus performantes par les acteurs en place pour être stérilisé, lobbying pour détourner la législation, etc…)

Grande est la tentation de confondre la forêt avec l’arbre, de juger le système à un fragment, (une entreprise en monopole, un cartel en oligopole ) ou à un stade temporaire donnée…mais c’est sur l’ensemble, et le long terme qu’on peut juger de son efficience…

Et comme Schumpeter l’a observé, cette course constante à l’avantage décisif génère bien une course constante à l’innovation, la baisse des coûts de production et l’amélioration de la qualité de cette dernière

D’autant plus que la concurrence n’a pas besoin d’être effective pour exister, sous la forme d’une menace latente… un acteur, local, national ou global, qui abuserait de sa position au delà d’une certaine ligne, va rendre plus attractive la possibilité de le détrôner…

Si Schumpeter n’est pas le créateur du concept de Destruction créatrice, cet honneur revenant à Sombart, c’est néanmoins celui qui a mené l’exploration la plus approfondi des implications de la notion, en plus d’en montrer la fécondité…

Et c’est ce qui fait d’ailleurs toute la spécificité comme la pertinence de sa perspective, et donne son sel unique à sa défense du Capitalisme. Pointer que les conditions de concurrence pure et parfaite ne sont pas réunies cesse d’être un argument pertinent dans cette optique

Car la situation de concurrence imparfaite n’est pas seulement la réalité effective du mode de production capitaliste, c’est aussi son moteur et la clé de son efficience…

Et quand on a compris l’ouragan perpétuel que génère cette course aux armements permanente auquel il est impossible de se soustraire en régime capitaliste, beaucoup de phénomènes prennent un sens nouveau à l’analyse…

“Investir à long terme quand les conditions se modifient rapidement (et, notamment quand elles changent ou peuvent changer à tout moment sous le choc de techniques ou de produits nouveaux) constitue un exercice aussi hasardeux que celui consistant à tirer sur une cible, non seulement indistinctes, mais encore mobile-et qui plus est, se déplaçant par saccades.

Par suite, il devient nécessaire de recourir à des procédés de protection tels que brevets, maintien temporaire des secrets de fabrication ou dans certains cas, contrats de long terme conclu à l’avance.”

Ainsi, moult pratiques qui peuvent faire grincer les dents des économistes ou susciter des pointements de doigts rageur de la part des anticapitalistes peuvent se comprendre comme des formes d’assurance garantissant la rentabilité d’un investissement face à l’ouragan perpétuel

D’autant plus qu’il n’est pas toujours possible de mettre en place des mécanismes assurantielles respectant les règles du jeu de la concurrence économique.

Schumpeter prend l’exemple du risque d’une guerre contre lequel les firmes doivent se prémunir, et donc répercuter d’une manière ou d’une autre dans leur calcul de coût, et au final sur le prix qu’elles exigent du consommateur…

L’exemple de la propriété intellectuelle est d’ailleurs pertinent. Au premier abord, on peut voir ça comme un racket exercé en construisant des barrières artificiels autour d’une ressource, la connaissance, qui devrait être à la libre disposition de tous…

Et c’est l’erreur de raisonner en situation statique, comme si les ressources étaient fixes de toute éternité, que le changement était bannis et qu’il ne fallait pas se poser la question de la production de la ressource en premier lieu…

A ce sujet, on ne peut que renvoyer aux réflexions de Nozick sur la propriété intellectuelle qui sont complémentaires à celle de Schumpeter

Pour clarifier, parce que le sujet est intéressant, parmi la multitude de problématique évoquées par Robert dans Anarchie, Etat et Utopie, il y a la question de la légitimité de la propriété, ou plutôt de l’appropriation originelle…

Pas simplement au niveau individuel, du reste, puisque comme il le pointe lui même, la question de légitimité de l’appropriation des ressources se pose aussi à l’échelle d’une communauté, y compris une communauté nationale.

Pour se faire, il se réapproprie, si je puis dire, les intuitions posé par John Locke, en les approfondissant.

Et cela inclut la question de la propriété intellectuelle. Nozick utilise principalement l’analogie suivante, supposons que nous sommes dans un désert, que quelqu’un trouve une méthode pour détecter des sources d’eau imperceptible jusque là, et qu’il se fasse payer pour ces quantités d’eau supplémentaires qui n’étaient pas disponibles à la consommation avant la découverte de sa méthode.

As-t-il confisqué une ressource qui devrait être disponible pour tous? Non, puisque sans sa méthode, la ressource en question serait hors de portée pour tout le monde. Il n’a donc pas volé quelque chose qui existait sans lui…

La méthode aurait-elle pu être découverte par quelqu’un d’autre? De fait, oui… et c’est le point de Nozick, plus le temps passe, plus la probabilité augmente que quelqu’un aurait fait la découverte indépendamment dans une réalité alternative où notre inventeur n’existe pas.

Nous avons donc, à la fois une légitimation de la propriété intellectuelle, et du fait que sa légitimité est limité dans le temps. Passé un certain cap, quelqu’un aurait nécessairement fait la découverte, et elle cesse donc d’appartenir à celui qui l’a découverte de fait.

Une légitimisation d’autant plus intéressante qu’elle ne se fait pas sur des bases utilitaristes, comme c’est le cas de la plupart des tentatives de justifier la propriété intellectuelle. Et pour cause, en dehors de ses réflexions sur le libéralisme, la principale contribution de Nozick au débat philosophique est sa critique de l’utilitarisme.

Mais bref, pour en revenir ) Schumpeter, les superbénéfices (en d’autres termes, la rente) générés par une restriction artificielle de la production (par les cartels, le refus de la sacro-sainte concurrence ou la sous-utilisation de ses ressources) sont une récompense, donc une incitation et les barrières à l’entrée, institutionalisées ou informelles, une garantie pour l’entrepreneur que les fruits de sa prise de risque et de ses investissements ou sacrifices ne se perdront pas dans le sable pour appartenir à tout le monde et donc personne…

Si le capitalisme peut donc aboutir à une utilisation sous-optimal des ressources, voir à leur gaspillage à court terme (pensons à l’éternel débat sur la publicité), ce n’est pas là dessus qu’il faut juger de son efficience mais sur sa capacité à accroitre les ressources à terme

Pour reprendre l’analogie de Schumpeter, les voitures roulent plus vite si elles sont pourvue de freins que si elles en sont dépourvues. Et on pourrait également mentionner les remarques de Aron par rapport aux privilèges de certains groupes sociaux (les fameux acquis sociaux)

Les privilèges, qu’il s’agisse de ceux d’une firme ou d’un corps de métiers, peuvent en effet se comprendre comme des assurance ou des protections face à une société qui, par sa nature même, est condamnée à être instable de manière endogène…

Notons que Schumpeter ne s’oppose pas au principe de la lutte contre les pratiques déloyales et l’encouragement à la concurrence, puisque les pratiques anticoncurrentielles peuvent aboutir à restreindre ou ralentir l’innovation…

Son but est simplement de montrer les mille nuances établissant la complexité de la problématique. La ligne entre le bonne et la mauvaise rente pouvant s’avérer des plus floues (et ce, sans même invoquer les problématiques de justice sociale qui en rajouterait une couche)

Conclusion de l’analyse schumpetérienne du Capitalisme comme des pratiques monopolistiques générés par la concurrence imparfaite…

Conclusion de l’analyse schumpetérienne du Capitalisme comme des pratiques monopolistiques générés par la concurrence imparfaite…

Tacle perfide mais réglementaire, notre économiste ne manque pas d’adresser une pique venimeuse à ceux qui critique les capitalistes freinant l’innovation ou la diffusion de méthodes novatrices en dehors de leurs fiefs, pour rentabiliser leurs investissements passés, tout en prenant des poses de tragédienne quand il s’agit de dénoncer la casse sociale généré par le process de destruction créatrice quand des firmes ou des corps de métiers obsolètes sont balayés, générant chômage et déclassement…

C’est un autre facteur à intégrer, le ralentissement de la diffusion du progrès technique dans le système de production (à l’échelle large) peut être une bonne chose, les acteurs n’endurant pas forcément l’instabilité de leurs conditions de vie inhérentes au changement constant

Schumpeter demeure un électrons libre des plus inclassable, sa pensée au demeurant fort nuancée, prenant un malin plaisir à louvoyer à travers les frontières habituellement tracées…

En effet, le prophète de la destruction créatrice n’hésite pas à défendre les monopole contre le fétichisme de la concurrence “…la monopolisation élargissant la zone d’influence des meilleurs têtes en réduisant celle des médiocres”.

Mais c’est une défense qui ne prend son sens qu’à l’arrière plan d’une valorisation de la course à l’innovation, moteur du progrès, des mille nuances à intégrer pour comprendre le fonctionnement du réseau des chaines de productions…

En effet, nul besoin de succomber au sophisme bien connu de la sunk cost fallacy, le refus de considérer que la valeur de ses anciens sacrifices est nul, pour considérer qu’il est parfois plus rationnel de conserver un temps les anciennes méthodes et appareils productifs que de se précipiter dans la reconstruction de toute la chaine en mode table rase. La problématique serait d’ailleurs la même pour un planificateur en régime socialiste.

Mais surtout, Schumpeter raisonne dans une conception élargie de la concurrence, où la menace de la concurrence potentielle à long terme peut s’avérer bien plus efficace que la concurrence effective à court terme…

Il est assez plaisant de voir Schumpeter fusiller en quelques lignes les éternelles vieilles lunes qui sont dégainés, encore de nos jour, pour nous expliquer la croissance et donc l’élévation du niveau de vie se serait faite toute seul, indépendamment du capitalisme par la seule action du temps. Ce qui est d’une imbécilité sans nom, A fortiori quand on dispose d’outils intellectuels plus raffinés pour analyser les mécanisme de la croissance, comme du progrès technique…On renvoie, une fois de plus, à l’ouvrage de Warsh.

Pour conclure cette section, on peut dire qu’en Schumpeter, Marx a rencontré un adversaire posthume à sa mesure, et si le clash avait eu lieu de son vivant, aurait sans doute rendu la monnaie de sa pièce à sa Nemesis en terme de respect

En effet, Schumpeter ne s’est pas contenté de souligner et d’approfondir les fêlures dans l’analyse de son rival, mais a carrément proposé une alternative en mesure de combler le vide laissé par l’effondrement du système marxiste, sa propre analyse du Capitalisme

Une analyse selon laquelle le capitalisme ne pouvait se concevoir qu’à travers une conception dynamique et évolutive, la rupture révolutionnaire des équilibres en place étant bien plus représentative de ce régime que l’équilibre général théorisé par les classiques

Joignant l’injure à l’insulte, Schumpeter appuie sa défense sur le capitalisme réel, avec toutes les nuances de gris de la concurrence imparfaite et de l’essor des entreprises géantes plutôt que sur un capitalisme idéal.

Réalisant le tour de force de réaliser une Apologie crédible de ce système en établissant sa connexion symbiotique avec la croissance…néanmoins, Schumpeter joue dans la même cour que Marx, et en tant que tel, sait que l’économie ne peut se concevoir en vase clos…

Nous l’avions évoqué en introduction, mais Schumpeter partageait la conclusion de Marx malgré les divergences majeures sur le raisonnement qui y aboutissait… Le Capitalisme tendait inexorablement vers sa propre autodestruction…

Une autodestruction qui prenait la forme d’un boom chez Marx, celui de la crise finale, mais se manifestera comme le murmure lancinant d’une lente décrépitude chez Schumpeter, celui de l’érosion graduelle des fondements idéologiques nécessaires au bon fonctionnement de ce système

Erosion qui sera bien endogène et non la résultante de facteur de perturbation externe…

Le Capitalisme comme Civilisation

Schumpeter avait bien conscience que le Capitalisme ne se limitait pas à un système économique mais constituait une civilisation à part entière, c’est sur cette dimension qu’il s’agit à présent de se pencher…

Pour commencer, notre économiste va contraster deux type de société/mentalité, qu’il qualifie schématiquement de primitive et de rationaliste.

Les premières sociétés seront structurées autour de groupes sociaux plus restreint, dont les membres tendent à connaître mutuellement par rapport au caractère impersonnel et anonyme des grandes sociétés.

En second lieu, ces groupes tendront à user de la pensée magique, que Schumpeter qualifiera principalement de manière négative par un dédain pour la logique, notamment le principe de non-contradiction et si la pensée magique s’appuie sur l’expérience jusqu’à un certains point (un rituel qui échouerait systématiquement au but visé ne perdurerait pas) elle insère dans le tissus de cette expérience des entités ou des influences émanant de source non empirique

Par contraste, les groupes ou individus agissant de manière rationaliste, face à une situation donné, essaieront d’en tirer le meilleur parti en s’appuyant, autant que faire se peut, sur leur propre lumière…

En agissant en conformité avec les règle de cohérence que nous groupons sous le nom de logique, et en s’appuyant sur des hypothèses satisfaisant les deux critères suivants :

  1. Que leur nombre soit réduit au minimum
  2. Qu’elles puissent s’exprimer en termes d’expériences potentielles

Levons tout de suite un malentendu, il ne s’agit pas pour Schumpeter de faire un manichéisme type Primitif vs Civilisation, Obscurantisme vs Pensées des lumières

De fait, la mentalité qu’il qualifie de primitive se portent fort bien dans nos sociétés supposés avancées (comme il le fait remarquer malicieusement, il suffit d’écouter n’importe quel discussion autour de la politique pour s’en convaincre) mais la pensée magique peut fort bien revêtir les oripeaux de sa consœur rationaliste. Un bref coup d’œil sur les superstitions diverses et variés qu’ont a jadis traduit dans le langage de la science “objective” suffit à le démontrer…

La différence est néanmoins réelle, et la pensée rationaliste aura ceci d’amusant qu’elle peut vite déborder en dehors du cadre strict de la démarche scientifique pour impacter l’ensemble du corps social…

Puisque l’ensemble de nos idées collectives peuvent se voir interroger et soumise à un processus de rationalisation. Ex Comment se justifie l’existence des rois, des papes, de la dîme, de la propriété, de la subordination?

De manière intéressante, Schumpeter considère que la racine de la Rationalité en général demeure la rationalité économique, la pression économique est la matrice de la logique puisque c’est le secteur de l’existence où l’attitude irrationnel est la plus couteuse…

Pour reprendre l’exemple humoristique de Schumpeter, si un de nos ancêtre mettait la main sur un bâton, le brisait en deux par accident et essayait de mettre en pratique la croyance suivante, les deux parties se joindront à nouveau si je répète une incantation 9 fois de suite

Mettons “Offre et demande” ou encore “Planification et contrôle”, on peut s’attendre à ce que la croyance en question ne survive guère longtemps à son échec, et que notre primitif hypothétique essaiera plutôt de trouver le moyen de réparer son arme.

Réajustement de la solidité de nos croyance qui sera légèrement plus lent à la détente quand l’objectif des incantations ne sera plus de réparer un bâton mais d’assurer la victoire au combat, le retour de l’être aimé ou décharger notre conscience du poids d’un remords…

A partir de là, on peut facilement comprendre comment le Capitalisme et le Rationalisme sont interconnectés et peuvent se nourrir mutuellement, dans la perspective de Schumpeter…

Puisque, comme il l’a souligné à plusieurs reprises, le Capitalisme va accentuer le focus sur les conceptions et les motivations d’ordre économique, les déplaçant de la périphérie au centre…

Qui plus est, le capitalisme va se réapproprier l’antique institution de la monnaie pour en métamorphoser la nature par l’ajout d’une nouvelle fonction, l’élever à la dignité d’une unité de compte et en faire un instrument rationnel du calcul des coûts et profits

Le pouvoir de clarification et de précisions arithmétique de ces nouveaux outils vont imprimer une impulsion vigoureuse dans la logique de l’entreprise, avant de coloniser graduellement toutes les dimensions de l’existence humaine “en rationalisant les outils et les philosophies de l’homme, ses pratiques médicales, sa vision de l’univers cosmique, sa vision de l’existence, en fait tout ce qui le préoccupe, y compris ses notions d’esthétique et de justice et ses aspirations spirituelles.”

Le Rationalisme est indissociable d’une certaines formes d’individualisme mettant en question, à plus ou moins brèves échéances, les institutions sociales et les croyances leur servant de sous-bassement… Toute sommées de justifier leur existence à celui supposé s’y soumettre

Un individualisme rationaliste qui ne s’est pas développé parallèlement à l’essor de la classe bourgeoise/marchande, cette dernière constituant précisément le milieu de sa naissance comme de son développement…

D’autant plus que cet essor s’accompagnera de nouvelles possibilités d’ascension sociale, l’essentiel de la mobilité sociale se faisant surtout entre les élites, et les rares voies d’évasion à sa condition (carrière militaire et Eglise demeurant limité)

En conséquence, les talents comme les intelligences seront progressivement siphonné par cette classe, la seule à leur offrir des opportunités d’améliorations de leur conditions, de conquête d’indépendance voir de participation au pouvoir

Considérons le développement de la science moderne et la longue liste de ses applications. Il saute aux yeux que les avions, les réfrigérateurs, la télévision et ainsi de suite sont les fruits de l’économie de profit. Par ailleurs, bien qu’un hôpital moderne ne soit pas en général exploité lucrativement, il n’en est pas moins le produit du capitalisme, non seulement, encore un coup, parce que le capitalisme fournit la volonté créatrice et les moyens matériels mais encore, et ceci va beaucoup plus loin, parce que le rationalisme capitaliste a fourni les habitudes d’esprit grâce auxquelles ont été développés les méthodes appliquées dans ces hôpitaux.Joseph Schumpeter

Les sous-produits et externalités positives du Rationalisme capitaliste ne se cantonne d’ailleurs pas aux Sciences, à la médecine et à l’hygiène, mais intègre également les développements esthétiques depuis les artistes de la renaissance jusqu’aux expressionnistes contemporains

Bien évidemment (et de manière analogue à Walter Lippmann), Schumpeter ne manque pas de souligner que la tolérance comme les libertés des sociétés contemporaines sont également produit du Capitalisme…

“Les extrémistes peuvent bien proclamer que les masses implorent d’être libérés de leur souffrance intolérable et agitent leur chaînes dans les ténèbres du désespoir, mais soyons sérieux, il n’a jamais existé autant de liberté de corps et d’esprit pour tous…Jamais autant de facilité à tolérer et même à financer les ennemis de la classe dirigeante, jamais autant de sympathie agissante à l’égard des souffrances réelles et imaginaires…jamais autant de bonne volonté à assumer les charges sociales que dans la société capitaliste moderne, et il n’est pas de démocratie connue,(en dehors des communautés rurales), qui ne soit développé dans le sillage du capitalisme tant ancien que moderne.” Schumpeter

De plus, les réformes institutionnelles en faveurs des masses (qui bénéficiaient déjà de la hausse généralisé du niveau de vie généré par la croissance) ne sont pas exogènes mais bien endogène au capitalisme lui même…

“Le processus capitaliste rationalise le comportement et les idées, et ce faisant, chasse de nos esprits, en même temps que les croyances métaphysiques, les notions romantique et mystique de toute nature. Ainsi, il remodèle non seulement les méthodes propre à atteindre nos objectifs mais encore les objectifs finaux eux même.

La libre pensée (au sens de matérialisme moniste, de laïcisme et d’acceptation pragmatique du monde tel qu’il est de notre côté de la tombe) dérive de cette refonte, non certes en vertu d’une nécessité logique, mais néanmoins très naturellement. D’une part, notre sens héréditaire du devoir, privé de sa base traditionnelle, se concentre sur des conceptions utilitaires relatives à l’amélioration de l’humanité qui (à vrai dire très illogiquement) paraissent résister à la critique rationaliste mieux que la crainte de Dieu

D’autre part, la même rationalisation de l’âme enlève aux droits de classe de toute nature leur prestige hyperempirique. Telles sont donc les facteurs, associés à l’enthousiasme typiquement capitaliste pour l’efficacité et le service (entités complétement différentes de celles que ces termes auraient évoqué dans l’esprit d’un chevalier typique de l’ancien temps) qui nourrissent la volonté sociale dans le sein de la bourgeoisie elle même. Le féminisme, phénomène essentiellement capitaliste, illustre encore plus clairement notre thèse”

Analyses qui ne manquera pas de faire grincer pas mal de dents du côté des féministes radicales…

Dans tout les cas, cela offre un contraste rafraichissant avec les éternels discours puérils qui considèrent tout les aspects positifs de nos sociétés comme exogène au capitalisme, ou comme une manne céleste qui se serait développé ex nihilo d’elle même en toute spontanéité…

Mais les lecteurs et lectrices les plus rusées pourront néanmoins comprendre, à ce stade, où se situe la contradiction interne du Capitalisme pour son plus grand avocat…

Cependant, pour en revenir à l’argumentaire de Schumpeter, dans la continuité des réflexions précédentes, il ne manquera pas de souligner que le désenchantement du monde rationaliste et le focus sur les activités économique accoucheront d’un âge anti héroïque par excellence, le pacifisme, l’injonction à moraliser les relations internationales, et le mépris attaché aux prouesses martiales seront donc également produits de l’évolution capitalisme et de l’individualisme bourgeois.

Il serait d’ailleurs intéressant de noter le parallèle entre les réflexions de Schumpeter et celle d’Alexis de Tocqueville sur l’adoucissement des mœurs généré par les sociétés démocratiques, bourgeoise, individualiste, rationaliste et anti héroïque

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Marie la rêveuse éveillée
Marie la rêveuse éveillée

Written by Marie la rêveuse éveillée

Une personne qui s'égare souvent parce qu'elle passe son temps à se chercher...

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