Sexed up II : La sexualisation comme process de stigmatisation et pas seulement d’objectivation

Marie la rêveuse éveillée
17 min readApr 8, 2023

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Les engrenages s’ajustent naturellement l’un à l’autre dans cette culture du viol, qui est indissociable du patriarcat…

A partir du moment où la sexualité masculine est posé comme une bombe à retardement ou une flaque d’essence prête à s’embraser si on joue avec des allumettes à proximité, cela aboutit naturellement à une inversion de la culpabilité

Ce n’est pas l’agresseur qu’on interroge (et qu’on juge) mais bel et bien sa victime, qui devra démontrer qu’elle n’a pas invité son agresseur à la prendre comme cible, que ça soit par sa tenue, son attitude, ses mots, ou même son histoire personnelle et sa réputation

Ne pas vouloir d’un rapport sexuel ou faire l’objet de sollicitation d’ordre sexuel n’est pas une condition suffisante, encore faut-il ne pas d’être mise en position d’être la victime, y compris en faisant le nécessaire pour faire comprendre son refus ou son absence de désir

On l’a évoqué, le simple fait pour une femme d’avoir une tenue féminine peut être perçu comme un signal qu’elle “cherchait” à susciter l’attention des hommes pour finir dans leur lit…

Alors même qu’il y a une multitude de raisons pour laquelle une femme pourrait choisir une tenue marquée comme féminine, y compris pour répondre aux injonctions de la société qui ne se limitent pas au jeu de séduction

Une femme peut choisir de se vêtir de manière féminine pour susciter l’attention des hommes, ou pour des raisons esthétiques, une affirmation de genre (particulièrement pour les femmes trans), une passion pour la mode, etc…

On notera que sur ce sujet, bon nombre de “féministes” autoproclamés sont les idiotes utiles du patriarcat qui avale le hameçon, la ligne et la canne à pèche, quand elles condamnent toute expression de genre féminine, y compris et surtout vestimentaire

D’autant plus que ce n’est qu’une manifestation de plus du sexisme oppositionnel, consistant à établir masculin et féminin comme deux catégories opposés termes à termes sur tout les points, et à dévaloriser le second au profit du premier…

Il est ainsi courant d’associer les expressions de féminité (tenue, maquillage) du côté de l’artificiel, du conditionnement et de l’ornemental, opposé au naturel… Raisonnement qui se pulvérise facilement…

TOUTE tenue, masculine, féminine, ou unisexe relevant du domaine de l’artificiel, du conditionnement social, et de l’ornemental…

Notons d’ailleurs que cette sexualisation/dévalorisation de toute expression de genre féminine ne s’applique pas seulement aux femmes…mais également à tout homme qui aurait le malheur d’arborer des marqueurs sociaux associés à la féminité…

Puisqu’on ne manquerait pas de lui attribuer des mobiles fétichistes ou pervers pour expliquer cette déviation par rapport aux lignes implicites (et contingentes/arbitraire) que trace la société…

C’est du reste une conséquence logique… Si on cantonne les femmes au rôles d’objets sexuels devant signaler sa désirabilité, toute expression de genre féminine sera ipso facto sexualisé…

Etat de fait que Simone de Beauvoir comme Monique Wittig avait d’ailleurs constaté en leurs temps…Les femmes ne sont pas simplement le sexe faible opposé au sexe fort, elles sont le sexe tout court, car c’est l’identité/rôle/fonction à travers laquelle elle sont perçu

On en revient à la distinction Marqué/Non marqué. Les individus marqués sont coloré par la caractéristiques qui nous a poussé à les marquer en premier lieu, caractéristique qui deviendra le prisme à travers laquelle seront lu tout leurs faits et gestes

Dans nos sociétés, les femmes sont marquées comme objet sexuel, et toutes leurs personnes, tenue, faits, gestes, motivations, histoire, sera constamment ramené à ça. C’est le cœur du process de sexualisation

Et c’est dans la continuité de cette culture du viol/socialisation patriarcale que toutes les caractéristiques attribuées à la sexualité féminine seront utilisées comme stigmate et marque d’opprobre…

Il suffit de considérer le joli répertoire fleuries des expressions de l’homophobie dont le caractère humiliant repose sur le fait qu’un homme se rabaisse en acceptant d’être traité comme une femme/dans une position qu’on assigne d’ordinaire aux femmes…

Phénomène que Bourdieu avait d’ailleurs intégré dans son analyse de la domination masculine. L’homophobie n’est pas un mécanisme d’oppression séparé du sexisme, c’est pratiquement son corolaire…

Et c’est le propre du sexisme oppositionnel de ne pas seulement stigmatiser les femmes, mais la féminité dans son ensemble… Raison pour laquelle les homosexuels ou les garçons hétérosexuel dont l’expression de genre sera jugé trop féminine seront également visés.

Mais si les analyses de Serano convergent, dans les grandes ligne, avec le paradigme de la culture du viol, elle a également ses divergences… Notamment parce que ce prisme présente des angles morts conséquents…

La dimension téléologique de ce cadre d’analyse, qui pose une continuité depuis le sexisme ordinaire et le harcèlement sexuel/harcèlement de rue comme soubassement d’un environnement rendant possible le viol en relative impunité, il revient à invisibiliser d’autres aspects de la sexualisation, à savoir qu’elle a des effets négatifs sur ses victimes par delà le viol, les agressions sexuels et le harcèlement sexuel…

En effet, plusieurs études ont mis en lumière que les femmes sexualisées étaient également jugés inférieures sur le plan de l’intelligence, des compétences, de la moralité, et du degré de confiance qu’on pouvait leur accorder, en plus de susciter un moindre degré d’empathie

La sexualisation est une forme de déshumanisation. Les individus sexualisés sont ramenés/réduit à leur animalité (impliquant qu’on leur attribue un moindre degré d’intelligence, de culture, de maitrise de soi, ou de moralité) mais également réduit au statut d’objet.

(D’où le fait qu’on leur déni individualité, agentivité, émotions et chaleur humaine)

Qui plus est, la critique féministe standard de l’objectivisation des femmes va mettre l’accent sur le désir masculin comme moteur.

La plupart des hommes désirent sexuellement les femmes, étant en position dominante, il (re)produiront une culture qui facilite leur accès au corps des femmes

Par exemple en réduisant l’agentivité de ces dernières ou en stigmatisant leur refus de se montrer sexuellement disponibles. Si ce modèle a un fond de vérité, il ne fait cependant pas le tour des phénomènes de sexualisation…

Le harcèlement dont Serano elle même a fait l’objet, alors que sa transition en était à ses premiers balbutiements et que bon nombre d’hommes la genraient encore spontanément au masculin, démontrant par la même que sa féminité était trop discrète pour susciter un tel degré d’attraction, on ne pourrait l’expliquer par la grille d’analyse classique, d’autant que les remarques qui la visaient avaient une tonalité de trolling/provocation au lieu d’exprimer un désir…

Raison pour laquelle Serano propose un paradigme alternatif, celui de la stigmatisation par la sexualisation…

Stigmatisation qui doit se comprendre sur la distinction marqué/non marqué d’Hoffman. Les stigmates sont des traits marqués avec des connotation extrêmement négatives au point de souiller et de discréditer l’identité d’une personne dans son entièreté

Un stigmate pourra ainsi contaminer l’ensemble des aspects d’une personne (ses motivations, ses opinions, ses dispositions, le degré de confiance qu’on peut lui accorder) mais aussi ceux de son entourage proche, les invitant à se distancier de l’individu stigmatisé

La manière dont sont traités les LGBT, y compris et plus particulièrement les trans, illustre bien cette dimension de contamination nécessitant distanciation et mise en quarantaine qu’on appose aux groupes stigmatisés

Serano encourage donc à modéliser la sexualisation sur le modèle d’une stigmatisation de la dimension d’objet sexuel qu’on appose aux femmes. En d’autres termes, les femmes sont des jouets sexuels par nature, et le sexe est dégoutant…

Une stigmatisation asymétrique puisqu’on ne verra jamais l’homme hétérosexuel ostracisé, humilié ou diabolisé pour ce qu’on reproche aux femmes. (éprouver ou manifester des désirs sexuels, les avoir concrétisé, y compris à de multiple reprises, etc…)

Si le modèle de la sexualisation comme objectivisation et celui de la sexualisation comme stigmatisation ne sont pas contradictoires dans bien des cas, où ils peuvent même fonctionner en synergie, le second offre des avantages par rapport au premier

Les féministes qui s’en tiennent au premier modèle (celui de l’objectivisation/attraction) ont par exemple du mal à expliquer les situations où les femmes apprécieraient d’être perçues comme des objets de désir, et chercherait même à provoquer cette situation (être excitée à l’idée de se présenter face à son amant en lingerie affriolante, ou apprécier que son amoureux vous susurre à l’oreille qu’il vous désire… remarques qui prendraient une tonalité inacceptable et malaisantes si elles étaient prononcé par un étranger)

Certaines de ses féministes iront jusqu’à invoquer le concept d’aliénation (au sens marxiste) ou d’intériorisation des normes dominantes, ou de soumission volontaire à la domination masculine, ce qui revient au fond, à reprendre à son compte la stigmatisation de la sexualité féminine par la société patriarcale. Il n’est guère étonnant que la même catégorie de féministes sont souvent abolitionnistes et transphobes, mais bref…

Le modèle par stigmatisation permet également d’expliquer comment la sexualisation peut être utilisée comme arme contre certains individus ou groupes sociaux…

Il suffit de penser par exemple à la manière dont les conservateurs s’efforcent d’associer toute forme d’identité LGBT à une perversion sexuelle, ou tout le moins un désir sexuel d’adulte, justifiant qu’on protège les enfants de toute exposition, même indirecte, aux LGBT

L’hypersexualisation des minorités

Nous avions exposé l’architecture de l’analyse de la sexualisation par Serano, penchons-nous maintenant sur les cas pratique, à commencer par la sexualisation des personnes racisées.

Comme nous avons eu l’occasion de le voir, la société tends à imposer un script bien spécifique en matière de sexualité : Le modèle Prédateur/Proie. Le mâle conceptualisé comme “agresseur sexuel”, la femelle comme “objet sexuel”

Ces rôles fonctionnent comme des standards idéaux auquel les individus doivent s’ajuster pour être perçu comme attirant ou au contraire repoussant, avec les mécanisme de valorisation ou de dévalorisation sociale associés.

Il est néanmoins possible de jouer trop bien le jeu. Une femme qui embrasserait avec trop d’enthousiasme son rôle d’objet sexuel/objet de désir serait stigmatisé comme “salope”, un homme qui en ferait de même avec le rôle d’agresseur sexuel serait vu comme prédateur sexuel

Dans un cas comme dans l’autre, les individus seraient perçu comme “hypersexuel”, exhibant une sexualité au delà des normes de ce qui est socialement acceptable, et stigmatisés en tant que tel.

Cependant, nous avons pu l’étudier, la sexualisation est affaire de perception externe plus que d’intentionnalité interne, si on peut dire. Il ne faut pas grand chose pour projeter une attitude suggestive chez autrui..

D’autant que la ligne de démarcation est socialement construite, et à ce titre contingente et relative… Les personnes normales (lisez “non marqués”) ont encore une certaine marge de manœuvre en la matière, mais d’autre catégories de la population sont condamnées à jouer les funambules le long d’une ligne tenue où le moindre faux pas entrainera le marquage comme hypersexualisé.

En premier lieu, rappelons l’évidence, toutes choses égales par ailleurs, les hommes ont plus de marge de manœuvre que les femmes en la matière…

Néanmoins, d’autres facteurs sont mis en lumière par les études de terrains comme la triste actualité juridique et médiatique.

Dans le cadre du lycée, le slut shaming (stigmatisation comme salope/fille facile) tend à viser et à souiller de manière plus durable les jeunes femmes sortant de la norme d’une manière ou d’une autre, que ça soit en raison de leur classe sociale ou de leur ethnicité. Inversement, il existe une tendance avérée à percevoir les hommes noirs comme prédateurs sexuels potentiels.

Certains hommes trans racisé en ont fait l’amère expérience en percevant le changement d’attitudes des inconnus suite à leur transition, passant la ligne séparant l’individu ordinaire de la menace dont il faut se prémunir dans les yeux de leurs contemporains

De l’autre côté du spectre, Brock Turner, un étudiant blanc de l’université de Stanford a pu bénéficier d’une aura de présomption d’innocence ou, ce qui revient au même, susciter l’incrédulité face à son crime, alors même qu’il avait été pris sur le fait lors du viol d’une femme inconsciente.

Analysant ce phénomène, Kate Manne a pointé que les sentiments d’incrédulité, de sympathie ou de confiance A priori tendait à être réservé à une certaine fraction de la population

Des garçons blancs, valides, ou partageant une ou plusieurs caractéristique de l’idéal du Golden boys. Tout simplement parce que le violeur, dans notre inconscient comme notre culture populaire sera représenté comme dérangeant, déviant et portant son inhumanité sur sa figure

A ce sujet, on renvois, une fois n’est pas coutume, à l’ouvrage éclairant Une culture du viol à la française. Notamment son passage sur les viols de Cologne

Pour en revenir au cadre de l’analyse spécifique de Serano, la présomption d’innocence sera réservée aux individus non marqués, la présomption de culpabilité ou de danger potentiel aux individus marqués.

Trois facteurs sont à prendre en compte pour l’intersectionnalité du process de marginalisation.

En premier lieu le mécanisme du dualisme oppositionnel, qui ne s’applique pas simplement à la dichotomie Homme/femme mais s’enclenchera aussi pour tout groupe sociaux perçu comme extérieur au nôtre.

La minorité noire sera donc perçue comme agressive par nature de la même manière que les hommes de manière générale sont perçu agressif par nature.

Par la combinaison des deux, un homme noir sera donc d’avantage perçu comme prédateur sexuel “par nature”, et dans le cas d’une femme noir, cette agressivité projeté se traduira sous la forme d’un désir sexuel plus agressif et irrépressible. Ce qui entrainera des jugements A priori ou A posteriori du type “Au fond, elle ne demande/ne demandait que ça.”

Le deuxième facteur sera la distinction Marqué/Non marqué. Comme vu précédemment, les individus marqués seront perçu comme suspicieux, artificiels et suscitant une mise en question.

Ce qui entrainera un effet cumulatif si l’individu possède plusieurs traits marqués, qui renforceront notre tendance au soupçon ou à la projection de motivations fantôme et autre agenda caché.

En conséquence, nous aurons plus facilement tendance à attribuer des motivations d’ordre sexuel dans l’attitude, le comportement, les paroles ou les arrière-pensées invisibles d’un individu marqués, et donc tendance à l’hypersexualiser dans un sens ou l’autre

De manière cumulative avec le nombre de traits marqués qui se superposeront sur l’individu. (classe sociale, ethnie, non-valide, LGBT, etc…) Le troisième facteur sera, quant à lui, d’ordre historique et institutionnel

Dans le cas des USA, les pratiques policières comme judiciaires ont une longue histoire de biais, notamment racistes, déterminant le type de groupes sociaux susceptibles d’être accusé, appréhendé et condamnés…

Pour prendre un exemple frappant, 75% des personnes innocentées à termes suite à des accusations de viol, via l’examen ADN, appartenaient à la catégories des populations noires et latinos, alors même que leur proportion dans la population générale n’est pas comparable

Mais pour comprendre plus facilement les racines de cette hypersexualisation des minorités par les institutions, il va nous falloir nous pencher sur l’histoire qui l’a engendré et façonné.

Et pour cela, examinons un champs scientifique bien spécifique, la sexologie. Si la sexualité est aussi vieille que l’humanité, c’est à partir du XIXème qu’elle fait l’objet d’une discipline à part entière, à l’intersection de la psychiatrie et de la biologie.

Même si les scientifiques visent à l’objectivité (le fameux point de vue de nulle part), en pratique, ils demeurent inconsciemment influencés par les idéologies comme les croyances supposées aller de soi dans leur milieu culturel.

Pendant la période qui nous intéresse (XIXéme donc) le consensus dans les champs de recherche énoncés était que les hommes d’ascendance nord-européenne étaient par nature supérieurs aux femmes comme aux individus issus d’autre ethnicité.

(Le fait que les chercheurs ayant abouti à ce consensus soient tous des hommes d’ascendance nord-européennes, cela ne saurait être qu’une coïncidence, bien évidemment)

Les premiers balbutiements de ces disciplines, à la période en question, étaient principalement orientés vers la “découverte” des déficiences qu’on phantasmaient au sein des populations estimées inférieures par nature.

De nos jours, on tends à classifier ces travaux comme du “racisme scientifique”, même si, en pratique, la justification d’autres hiérarchies sociales (entre les sexes comme entre les classes) faisaient également l’objet de ces recherches.

L’établissement de ces hiérarchies se basaient sur des méthodes scientifique aujourd’hui discréditées (mesures grossières des structures des crânes comme du squelette, ou du volume du cerveau ainsi que d’autres différences anatomiques superficielles) mais également d’interprétation plus que discutables de la théorie de l’évolution de Darwin, qui faisait son émergence à la même époque.

C’est sur ces bases que les sexologues et autres scientifique de l’époque façonnèrent leur narration globale. En premier lieu, les européens étaient supposés plus avancées sur le chemin de l’évolution que les autres ethnies.

Non seulement parce qu’ils étaient plus civilisés (dans l’opinion des humbles chercheurs) mais également parce qu’ils étaient supposés présenter les plus haut degrés de différenciations sexuelles (aka de différenciation physique entre hommes et femmes)

Signe de progrès évolutifs pour nos scientifiques, qui pensaient également que cette différenciation s’expliquaient par le fait que les hommes présentaient un palier d’évolution plus élevés que les femmes.

Ce qu’on pouvaient déceler, d’après eux, dans la supériorité masculine “évidente” en termes d’intelligence comme d’auto-discipline.

Par contraste, le degré inférieur de différenciations sexuelles des autres ethnies s’expliquait par leur bisexualité, comprise non pas en tant qu’orientation sexuelle à l’époque, mais comme amalgame de traits masculins et féminins.

Degré inférieur de différenciations sexuelle qui pouvait s’illustrer par un autre concept de cette période, celui d’inversion sexuelle. Les invertis désignant des individus physiquement mâles mais avec une “âme féminine” (ou inversement).

Inversion qui était comprise, à l’époque, comme cause de l’homosexualité. (Bien évidemment, ceux qu’on qualifiaient à l’époque d’inverti se répartirait sur l’ensemble du spectre LGBT+)

Pour résumer brièvement, nos scientifiques se plaçaient donc au sommet de leur propre hiérarchie, expliquant l’infériorité des autres catégories reléguées en dessous par le fait qu’elles étaient moins évoluées (Infantiles, sauvages ou primitives dans le vocabulaire de l’époque)

Ou encore composées d’un amalgames de caractéristiques sexuelles masculines et féminines (et donc jugées excessivement sexuelles), quand ce n’était pas un manque de rationalité et d’auto-discipline

Dernier rouage de cette narration, le concept de dégénérescence, des individus supposés plus évolués pouvaient régresser à un stade plus primitifs au cours de leur existence, et transmettre cette dégénérescence à leur descendance par la suite…

Dégénérescence qui devint la clé de compréhension universelle de tout les phénomènes socialement inacceptables. Criminalité, prostitution, pauvreté, désordres mentaux, et bien évidemment inversion sexuelle/homosexualité.

Chaque fois que des individus “supérieurs” se retrouvaient associés aux phénomènes en question, cela était supposés s’expliquer par le fait qu’ils avaient dégénérés, au point d’exhiber des traits typiques des “races inférieures” Une dégénérescence qui pouvaient être blâmés sur leurs propres fautes/turpitudes ou celles de leurs parents.

Et de quelle manière pouvait-on être infectés par cette dégénérescence? Le sexe, bien évidemment, qu’il s’agisse de la masturbation, d’un excès d’activités sexuelles, et par dessus tout, de rapports sexuels avec les ethnies ou catégories sociales inférieures (invertis, prostituées)

Dans ce contextes, on peut comprendre comment scientifiques comme politiciens encouragèrent à la criminalisations, la surveillance et même la persécutions de certains groupes sociaux, comme de tout rapports potentiels avec des membres de ce groupes…

C’est au nom de cet eugénisme qu’on pouvait procéder à la stérilisations forcés des inférieurs comme à la répression du métissage, dans l’objectif de protéger ce qui n’était pas encore qualifiés de pool génétique de toutes influences corruptrices.

Un ensemble de croyances qui laissa son empreinte sur nos pratiques, notre culture et nos institutions, bien après leurs réfutations par les développement scientifiques ultérieurs, et qui continuent de nous hanter, quand elles ne sont pas exhumés par certains…

On peut facilement comprendre comment cet héritage culturel se combine au dualisme oppositionnel et à la dichotomie individus marqués/non-marqués pour aboutir à l’hypersexualisation des minorités

Non seulement ces stéréotypes peuvent survivre à leur rationalisation initiale, et continuer de flotter comme des prismes autour des minorités noires, mais ces fantômes peuvent également se dupliquer vis à vis d’autres minorités comme les latino-américains.

Stigmatisation des minorités par la sexualisation, des populations racisées aux classes sociales, et la construction du privilège des individu non-marqués

Approfondissons l’analyse des mécanismes de l’hypersexualisation des minorités racisées.

Dans son ouvrage, La marge érotique, Irvin C Schick s’est livré à une analyse de la littérature colonialiste européenne ainsi que d’autres textes, sur une période de plusieurs siècles et en embrassant une multitudes de zones géographiques…

Par delà les variations, Schik a pu mettre en lumière un leitmotiv récurant

“Les femmes étrangères sont alternativement représentées comme sexuellement attirante ou sexuellement menaçante, les hommes étrangers, quant à eux, oscilleront entre les quasi eunuques efféminés et les violeurs dangereux dont il faut se prémunir.”

Une manière de théoriser la récurrence de ces tropes serait de les voir comme la synergie entre le racisme/la xénophobie d’une part, et les stéréotypes de genres type Prédateur/proie que nous avions évoqués.

En conséquence, si une population est perçue comme dotés de traits masculins (que ce soit sur le plan physique, dispositionnel ou culturel), cette population sera caricaturée comme sexuellement agressive.

Les femmes y seront donc perçu comme licencieuses/séductrices, les hommes comme des prédateurs. Phénomène visible avec les populations noires ou latinos (remémorons-nous les déclarations de Trump assimilant les mexicains à des violeurs)

Par contraste, si la population est perçu à travers le prisme de traits féminins, alors elle sera caricaturé comme sexuellement soumises

Les hommes y seront désexualisé ou perçu comme quasi-émasculée, les femmes y seront stéréotypées comme humble, soumises et empreinte de déférence.

Notons que certaines populations marginalisées peuvent se voir attribuer les deux types de stéréotypes simultanément. On peut penser aux représentations sexuelles des hommes juifs à la fin du XIXéme, qui étaient caractérisés comme efféminés et avec de forte prédispositions à l’homosexualité… ou associés alternativement à des désirs plus conformes au stéréotypes masculins tel que la pornographie, la prostitution ou le viol…

Si les deux représentations sont contradictoires en surface, leur fonction reste la même : dépeindre cette minorité comme excessivement sexuelle, et justifier ainsi sa déshumanisation comme sa diabolisation…Il est également intéressant d’étudier l’hypersexualisation des populations asiatiques. S’il y a des exemple d’homme asiatique dépeint comme dangereux ou comme des figure de prédateur, ils sont le plus souvent représentés de manière désexualisé ou dévirilisé…

Dans son essai, “L’orientalisation des femmes asiatiques en Amérique” Aki Uchida décrit la dichotomie des stéréotypes de genre plaqués sur les femmes asiatiques. La Geisha docile ou la Mante religieuse/femme fatale (the docile doll/Lotus blossom or the diabolic dragon lady)

Les deux figures sont extrêmement sexualisées, mais de manière différente. La première dépeinte comme docile et soumise, la seconde comme agressive et manipulatrice.

Dans la continuité de Patricia Hill Collins, Uchida analysera ces stéréotypes comme des “images dominantes” (controlling images), mettant l’emphase sur l’impact politique et matériel de ces représentations sur les femmes asiatiques.

Images dominantes dont Uchida analysera l’émergence graduelle au cours de l’histoire de l’exploitation sexuelle des femmes asiatiques par les américains…

Par exemple avec l’association des femmes asiatiques à la prostitution ou aux mariages avec les libérateurs pendant la guerre du Vietnam ou la guerre de Corée. Image stéréotypée qui laisserait son empreinte sur notre perception des asiatiques.

Ces images dominantes des femmes asiatiques comme soumise et sexuellement disponibles continuent de façonner les perceptions comme les attentes des américains, qui se montreront parfois surpris si l’attitude comme le comportement des asiatiques déviait de ce cliché au lieu de se superposer avec. Blâmant cette dissonance sur la personne asiatique plutôt que sur l’image qu’on se faisait d’elle.

Dualisme oppositionnel oblige, l’ensemble de ces stéréotypes plaqués sur les personnes racisées (noires, latinos, asiatiques, juives, indiennes, etc…) serviront à construire l’image de la majorité blanche, “normale” (once again, non marquées) par contraste.

Les individus ayant le privilège d’être non-marqués seront donc perçu comme normaux, pudique, respectueux. Croyance qui sera construite sur la présomptions que la sexualité des groupes marqués sera sauvage, déviante et excessive.

De par cette asymétrie, la sexualité des individus non marqués n’étant pas coloré ou teintés par leur ethnicité, si un membre de ce groupe venait à se livrer à une activité sexuelle jugés comme déviantes, licencieuses ou sauvage, on attribuera cet écart au caractère de l’individu plutôt qu’à son ethnicité.

Sauf si l’individu en question, tout en étant non marqués ethniquement, se voyait marqués sous une autre dimension, auquel cas, on attribuerait sa déviance à son appartenance au groupe stigmatisés

En effet, ces mécanismes ne sont pas limités aux groupes racisés. D’autres groupes marginalisés peuvent s’en retrouver victimes, qu’on pense par exemple aux populations pauvres ou précaires…

Dès le XIXéme siècle, et encore de nos jours, les individus issus des classes défavorisés ou laborieuses seront perçu comme ayant des prédispositions à la violence sexuelles plus fortes que les individus de classe moyenne ou des classes privilégiés, et bien évidemment, on projettera plus facilement les femmes pauvres des tendance à la promiscuité, à les blâmer pour les violences sexuelles dont elle sont victimes ou à les stigmatiser comme “salope/trainée” pour toute expression de leur sexualité…

Bien sûr, la stigmatisation fonctionnant de manière intersectionnelle, les stéréotypes de classes et de races peuvent se combiner, et le feront d’autant plus facilement que certaines minorités racisés seront plus représentées que la moyenne dans les classes pauvres

Une autre population couramment marginalisés de cette manière sera celle des handicapés, notamment ceux atteint de troubles mentaux, oscillant entre l’infantilisation/asexualisation et l’image du psychopathe sexuel potentiel

Rappelons, si nécessaire, que les personnes atteintes de troubles mentaux ont plus de chance d’être victime d’agressions sexuelles que la moyenne, et moins de chance d’en commettre que la moyenne, à rebours total de l’image véhiculée dans la culture populaire

Notons qu’un effet significatif de la stigmatisation de ces différents groupes sociaux (racisés, pauvres, non valides) sera de former une défense pour les individus non marqués coupables de crimes sexuels.

Ces derniers pouvant se façonner une présomption d’innocence de par le simple fait qu’ils ne correspondent pas aux stéréotypes populaires du prédateur sexuel…

Il existe enfin un dernier groupes victimes de stigmatisations et de diabolisations via la sexualisation, les LGBT+, qui feront l’objet d’un chapitre spécifique…

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Marie la rêveuse éveillée
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Written by Marie la rêveuse éveillée

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