Sexed up V : Le mécanisme de la construction des phantasmes, alternatives non pathologisante à la paraphilie

Marie la rêveuse éveillée
17 min readApr 8, 2023

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Le concept de paraphilie se réduisant au final à une simple forme de stigmatisation arbitraire dénuée de fondements, essayons d’élaborer une alternative, la notion de phantasme

En matière sexuelle, nous pouvons avoir des phantasme de nature relativement conventionnelle, à savoir, être excité à l’idée d’un rapport sexuelle “classique” “sans trop de fioritures” avec une personne que nous jugeons attirante mais il peut aussi nous arriver de nourrir à l’occasion des phantasmes de nature plus atypique…

Et les désirs/phantasmes de la seconde catégorie ne signifie pas que nous soyons affligés d’une quelconque atypicalophilie, pas plus que rêvasser à l’idée d’avoir le ticket gagnant à la loterie ne fera de nous des loteriphile… (on laisse aux nerds le soins de façonner des néologismes plus conformes aux racines gréco-latines)

Lorsque nous sommes affamés, nous pouvons feuilleter un livre de cuisine à la recherche d’une recette élaborée, ou décortiquer les critiques gastronomiques pour nous mettre en quête d’un restaurant intéressant

Concernant la nourriture, nous pouvons avoir un faible pour un certain type de cuisine et devenir spécialiste en la matière pour satisfaire nos goûts, parfois nous chercherons simplement à tenter de nouvelles expériences et ajouter un peu de variétés à nos existences

Quelquefois, nous pourrons essayer des saveurs culinaires sortant complétement de la norme, par pure curiosité d’expérimenter quelque chose d’autant plus fascinant qu’il sort de nos cadres de références, et sera d’autant plus fascinant qu’il sera plus étrange à nos yeux et quelquefois, ce qui apparaitrait comme une étrangeté voir une abomination aux papilles de nos semblables sera notre plat préféré ou la nourriture de confort auprès de laquelle nous venons nous rassasier sans jamais nous en lasser…

Il en va de même avec la sexualité, et dans le domaine des phantasmes justement, certains exerceront d’autant plus de magnétisme, d’excitation et de fascination qu’ils sortiront du domaine de ce qui est socialement acceptable, voir du domaine du possible tout court…

L’analogie entre la sexualité et la nourriture n’a rien de spécialement original, mais les clichés deviennent des clichés pour une raison, et il y a bien une similitude…

Dans les deux cas, il s’agit de caractéristique façonné par l’évolution naturelle pour des fonctions de survie (alimentation de l’individu pour la faim, survie de l’espèce pour la sexualité) et dans les deux cas, de nos jours, nous nous focalisons dessus principalement pour les plaisirs que nous pouvons en retirer…

Même si les plaisirs du goût sont clairement enracinés dans la biologie, nous ne pouvons pas connaître les préférences d’un individu en matière culinaires (que ce soit ses ingrédients favoris pour une pizza ou s’il préfère la cuisine japonaise, italienne, française, etc…) en nous contentant d’examiner ses papilles ou les séquences de son ADN correspondant aux récepteurs des saveurs comme des odeurs.

Si les préférences en matière culinaire sont formatés par la culture, il n’est pas rare pour nous de détester un type de nourriture qu’on nous a incité à manger, ou d’apprécier des plats qu’on ne nous a jamais encouragé voir qu’on nous a découragé d’essayer…

Certaines préférences en matières de goût seront façonnés par les expériences individuelles, par exemple tel plat sera spécialement apprécié en raison de son associations aux souvenirs chaleureux des repas que nous préparait notre grand mère, tel autre plats nous apparaitra comme particulièrement répugnant à cause d’une intoxication alimentaire qu’il a jadis suscité ou parce que nous y avons été exposé à une période où une quelconque maladie nous rendait nauséeux (expérience vécue pour moi)

Certaines personnes peuvent apprécier des plats exotiques, inhabituels ou extrêmement élaborés, tandis que d’autres trouveront leur bonheur avec des saveurs on ne peut plus simple et familière.

La nourriture peut également avoir une dimension symbolique qui contribue à nos réactions (le champagne, l’Ostie pendant la messe, gâteau d’anniversaire, une recette de famille transmise de génération en génération…)

De plus, la signification que nous associons à la nourriture peut changer en fonction du contexte, la crème chantilly est associée à la célébration quand elle orne un gâteau… associée à bien autre chose quand vous enduisez le corps de votre partenaire avec avant de la savourer

Une combinaison de facteur similaire (biologie commune à toute l’espèce humaine, biologie spécifique à l’individu, socialisation culturelle, expérience personnelle, signification symbolique, contexte, etc) influenceront nos préférences sexuelles de la même manière

En passant, Serano n’avait pas manqué de noter dans Whiping girl et Excluded que l’orientation sexuelle et l’identité de genre d’un individu était également façonné par un process similaire à celui donnant naissance à nos préférences culinaires quand bien même, en matière de goût, d’orientation sexuelle, de préférences sexuelles, ou d’identité de genre, le premier réflexe est de tout expliquer par la biologie ou l’innée…

De toutes les manières, notre capacité à éprouver du plaisir de manière générale est un champs ‘une diversité infini. Pensons également à la variété de nos goûts en matière musicales ou de hobbys.

Ce qui suscitera l’indifférence voir la souffrance de l’un pourra générer la félicité ou l’excitation chez l’autre. On peut bien sûr imaginer des explication d’ordre biologiques ou évolutionnistes pour ce phénomène

(tel activité génère de la dopamine ou des endorphine. Le plaisir à la résolution de problèmes était avantageux pour la survie de l’individu comme de l’espèce et fût favorisé par la sélection naturelle pour cette raison)

Mais ces hypothèses ne pourront jamais vraiment expliquer pourquoi un individu gravite autour de tel hobby ou activités tout en éprouvant une indifférence totale envers des activités permettant à d’autres personnes d’éprouver du plaisir.

Dans les articles précédents, nous avions usés du terme “objet de désir” pour désigner les catégories de personnes ou les caractéristiques humaines que des individus pouvaient trouver attirantes/séduisantes/excitantes, nous avons également intégré d’autres éléments en tant qu’objets de désir (environnement, narration, objets inanimés, vêtements, rôles, activités, positions, scénarios, la manière dont nous éprouvons notre propre chair, etc…)

Des éléments que des observateurs extérieurs pourraient juger inutile, artificiel, ou à tout le moins non-nécessaires puisqu’ils sont séparés de l’objet du désir sexuel proprement dit.

Néanmoins, ces éléments peuvent faciliter, intensifier ou donner sa coloration comme sa saveur à ce même désir, au point d’en être parfois indissociables. Ce sont ce que les anglo-saxons désignent par “Turn on”

Ce sont des commutateurs qui déclenchent le désir, même si nous n’éprouvons pas de désir à leur égard à proprement parler.

Si vous vous masturbez devant un catalogue de lingerie érotique ou à l’idée d’avoir des relations sexuelles dans un avions en plein vol, cela ne signifie pas que vous souhaitez littéralement avoir des relations sexuelles avec de la lingerie ou un aéroplane…

Précision apparemment nécessaire puisque certains disciples de Blanchard ont promus des théories conceptualisant ces éléments comme faisant l’objet direct d’un désir.

Comment ces différents éléments se retrouvent-ils connecté à notre désir sexuel au point d’en être parfois indissociables? Tout simplement parce qu’une signification sexuelle leur a été attaché.

Par exemple, offrir des fleurs à une personne est depuis des siècles un signal de l’intérêt romantique ou érotique qu’on éprouvait à son égard.

Bien évidemment, dans l’absolu, il n’y a aucune connexion entre avoir des relations sexuelles avec quelqu’un et lui offrir des plantes sectionnées. Pas plus que les lettres AMOUR ou SEXE disposés de cette manière n’ont de signification en elles-mêmes ou de par leur disposition.

Mais si nous avons été élevés et socialisés dans une culture précise, nous comprendrons ce que ces signifiants symbolisent et pourront éprouver des émotions aussi intense que réelles, ainsi que de l’excitation, s’ils nous sont présentés…

Beaucoup de ces éléments dérivent d’ailleurs des structures narratives et cognitives que nous avons étudié tout le long de l’ouvrage. Par ex, les tropes narratives de la demoiselle en détresse ou du chevalier venu la sauver qui consiste à érotiser les présupposés du dualisme oppositionnel concernant les deux genres. Les hommes doivent être “fort, rudes et indépendants”, les femmes doivent demeurer “faible, fragile, dépendante”

De la même manière, le script/paradigme prédateur/proie peut nous amener à érotiser l’idée qu’au cours de l’acte hétérosexuel, l’homme “prends” la femme, qui “s’offre” ou se retrouve “conquise”

Et nous avons déjà évoqué comment la tendance à établir une dichotomie entre individu marqués/non-marqués pouvait nous amener à percevoir les individus marqués comme exotiques ou mystérieux, ce qui pouvait générer et alimenter le désir à leur égard.

On retrouve une combinaison de ces facteurs dans un des éléments ou plutôt ornement évoqués, la lingerie.

En règle général, ces sous-vêtements sont façonnés avec de la dentelle ou d’autre matériaux délicats, et sont destiné à accentuer l’idée que la femme qui les porte est fragile ou vulnérable, ou encore offerte (qu’on pense aux rubans qui ornent la lingerie)

Rappelons également les associations établis par le dualisme oppositionnel entre la féminité et l’artificialité/l’ornementation ou l’esthétique par opposition à la pure fonctionnalité.

Qui plus est, ces vêtements étant fin et/ou ne couvrant que d’infimes parties du corps, qu’ils seront conçu pour mettre en valeur ou aiguiller l’attention dans leur direction, ils peuvent constituer ou constitue un signal que la femme qui les portent demande à être “conquise”

En raison de cette combinaison de signification symbolique, un homme peut trouver sa partenaire féminine plus excitante et désirable s’il la contemple en lingerie que s’il la contemplait vêtu d’une autre tenue ou même toute nue…

Un homme excité par la vue d’une femme en lingerie nous apparaitrait-il comme pervers puisque son excitation est décuplé par un objet inanimé?

Non, tout simplement parce que les significations symboliques et culturelles associés à la lingerie se superpose avec celle qu’on associe à la féminité. Par contraste, un homme revêtu de lingerie nous apparaitrait “pervers”, non pas parce qu’il s’agirait d’un acte contre-nature ou d’une transgression à l’ordre naturel des choses (rappelons aux sous-doués du fond de la classe que l’intégralité des vêtements sont par définition artificiels et non naturels) mais parce que nous percevrions une dissonance entre les significations symbolique.

Un homme n’est pas supposé apparaître comme un objet sexuel, vulnérable, à conquérir, ou s’associer à des ornementations vestimentaires.

Bien évidemment, les significations symboliques étant socialement construite, et de ce fait contingente, la lingerie pourrait tout aussi bien devenir le signifiant de la puissance ou de l’agressivité (et de fait, peut l’être aux yeux de certaines personnes)

De la même manière, rien n’empêche les individus de se réapproprier le script prédateur/proie pour codifier les hommes comme soumis, vulnérable, des objets sexuels ou ornementaux, etc… (et là encore, certains ou certaines le font)

A partir du moment où nous avons compris comment des significations sexuelles aussi réelles qu’arbitraire et contingentes pouvaient être apposés sur certains éléments, il n’est pas difficile de comprendre comment les individus peuvent se sentir excités en leur présence et de quelles manières d’autres éléments peuvent se voir assignés des significations symboliques d’ordre sexuel.

Le mécanisme sera le même, c’est une simple norme sociale éphémère et contingente qui tracera la ligne entre la pathologie et ce qui est si conforme à la norme que nous cessons de le percevoir comme artificiel, l’invisibilisant ou l’imaginant naturel.

La manière dont les significations que les sociétés assignent à nos corps laissent leurs empreintes sur nos âmes/L’évasion par le phantasme…

Les bases étant posées, explorons nos phantasmes (y compris et surtout BDSM

Phantasmes qui ont fait l’objet de bon nombre d’études, que ce soit par ex celles de Christian Joyal, Justin Lehmiller (Tell me what you want) ou encore Emily Dubberley (Garden of desires : The evolution of women’s sexual fantasies)

Ce qui en ressort, c’est que les phantasmes masculins comme féminins tendent bien souvent à se recouper et à partager les mêmes éléments/ On peut néanmoins relever des différences…

Les phantasmes masculins tendent à se focaliser vers la personne suscitant leur attraction, les phantasmes féminins, par contraste, se focaliseront sur le fait d’être l’objet du désir d’autrui.

De fait, dans certains phantasmes féminins, la personne désirante n’aura pas forcément besoin d’avoir des contours précis. “Pour certaines femmes, l’idée d’être perçue en tant qu’objet sexuel, et même d’être réduite entièrement à ce rôle, peut être excitante” (Dubberley)

Tendances qui semblent trouver leurs origines dans le paradigme/script Prédateur/Proie, beaucoup d’hommes et de femmes internalisant respectivement les rôles d’agresseur actif et d’objet sexuel passif.

Penchons-nous sur les multiples exceptions à ces tendances pour en souligner les limites. Serano évoquera sa propre expérience personnelle qui semble conforme à l’hypothèse d’une influence du script prédateur/proie sur nos phantasmes

Quand elle était plus jeune, et continuait d’assurer le “rôle” d’un homme en société, au cours de ses relations “hétérosexuelles”, son attention érotique ne se focalisait guère sur le désir de sa partenaire.

Elle appréciait certes de faire l’objet du désir de sa partenaire, mais cela ne revêtait pas d’importance primordiale au cours de l’acte. Cependant, suite à sa transition, elle expérimenta une inversion des pôles…

A savoir que si elle ressentait bien une attraction et un désir envers ses partenaires, l’attention qu’ils prodiguaient à son corps, le désir que son amant.e pouvait ressentir vis à vis d’elle commença à avoir une résonnance érotique bien plus profonde.

Et de fait, pourquoi s’en étonner? Nous vivons dans des sociétés où des significations sexuelles drastiquement différentes sont projetés sur les corps masculins et féminins.

Intellectuellement, nous pouvons comprendre que ces significations sont socialement construites et non pas inhérentes aux corps en eux même, mais nous ne pouvons ignorer ces significations…

Il est même recommandé de les garder en tête, puisque ces significations façonneront la manière dont nous serons perçus et interprétés par nos partenaires comme nos semblables.

Quand son corps était encore “masculin”, son torse bénéficia de l’attention comme des caresses de ses amantes, mais l’expérience était phénoménologiquement différente de ce qu’elle éprouve à présent, chaque fois qu’un.e partenaires caresse ou joue avec ses seins.

Une différence qui n’est pas seulement de nature physique, il y a aussi et avant tout un sentiment aussi intense que viscérale qu’une ligne de son intimité, qui était intacte jusque là, a été franchie libérant une sensation de vulnérabilité intense suite au renversement de cette digue.

Des sensations qui ne sont pas cantonnées à sa seule conscience, .elles sont présentes dans l’ensemble de nos consciences, du fait que la société attribue des significations radicalement différente aux torses masculins et aux poitrines féminines.

Ayant pu expérimenté l’hétérosexualité des deux côtés de la barrière, elle peut observer que si l’expérience de “l’homme” comme de la “femme” peuvent être toutes deux sources de plaisir, elles ne sont pas pour autant analogues.

Une fois encore, parce que, par delà les différences physiques, être du côté de celui qui pénètre sa partenaire ou du côté de la partenaire qui se fait pénétrer ne se voit pas attacher les mêmes connotations.

Dans un article précédent, nous avions relevé que théoriquement, la pénétration vaginale pouvait être décrite comme la consommation du pénis de l’homme par le vagin de la femme, les deux descriptions étant fonctionnellement identique.

Serano s’est livré à deux tentatives de percevoir l’acte de cette manière, mais en pratique, cela n’a rien de facile, cela revient à essayer de nager à contre courant quand le flot des significations sexuelles standard continue de vous submerger.

Bien évidemment, il est possible que pour d’autres personnes, homme comme femme, le changement de perspective survienne plus facilement, et forme même la perspective “naturelle”. Et pour cause, les significations sont contingente et non pas inhérentes à nos corps en eux mêmes

Et c’est justement la nature contingente et extérieur de ces significations qui fait qu’elles peuvent changer, et que de nouvelles associations peuvent se façonner.

Serano est d’ailleurs bien placée pour le savoir de par sa transition. Elle ne s’est pas réveillé, du jour au lendemain, dans un corps féminins “prêt à l’emploi” avec toutes les significations correspondantes attachés.

L’évolution de la perception de son propres corps a été aussi graduelle que son évolution physique. Parfois, les changements de perception émergeait de sa propre reconceptualisation d’elle même, d’autres fois, à partir de la manière dont les autres réagissait face à son corps comme de la relation qu’ils établissaient avec ce même corps…

Ce n’était pas tant un process conscient mais un process fait d’expériences subjectives et incarnées au sens phénoménologiques du terme.

Talia Bettcher s’est d’ailleurs penché sur la manière dont les trans “recodaient” leurs propres corps dans un monde binaire et oppositionnel en termes de significations sexuelles comme de signification de genre.

On s’en doute, être passé par ce parcours à la première personne, Serano y a appris à ne pas absolutiser les significations sexuelles, puisqu’elles pouvaient radicalement différer d’une personne à l’autre.

Bon et pour ceux qui lui poserait la même question qu’à Tiresias dans la mythologie grecque, à savoir l’orgasme féminin est-il plus intense que le masculin? (le devin ayant eu la chance d’être incarné dans un corps de femme puis un corps d’homme)

Tiresias l’estimait 9 fois plus intense, Serano l’estimera entre 20 fois plus intense (whipping girl) et 100 fois plus intense (Outspoken), et ce indépendamment de la vaginoplastie. Voilà… ;p

Ce long détour effectué, revenons aux différences entre les phantasmes masculins et féminins. Une autre différence majeure relevée est que les phantasmes masculins tendaient à graviter autour de l’idée de domination (exercer un contrôle sur autrui...)tandis que les phantasmes féminins gravitaient autour de la soumission (abandonner tout contrôle à autrui). Dans un cas comme dans l’autre, cela peut également être interprété comme une extension évidente de la dynamique prédateur/proie…

L’homme étant supposé assurer le rôle actif, la femme étant supposée réagir et acquiescer. Ces connotations de conquête masculine et de subjugation féminine pouvant se refléter dans les expressions les plus habituelle de la sexualité hétéro.

Les phantasmes de soumissions peuvent aller des scénarios où on se sent “prise” ou “submergée par la supériorité” de celui que nous désirons explicitement, au phantasme de viol pour lesquels le non respect du consentement forme la base du scénario imaginaire.

Rappelons qu’un viol phantasmé ou mis en scène n’a rien d’un viol réel ou d’un désir d’être violé, et que la concrétisation de scénarios de ce type entre partenaires consentants présuppose bon nombre de précautions/garde-fous explicites comme implicites avant comme pendant l’acte

Les phantasmes de dominations comme de soumissions peuvent également inclure des éléments divers et variés attachés au BDSM, tel que bondage, discipline, infliger ou subir des actes douloureux, des humiliations explicites, intégrant parfois certaines formes de stigmatisations déjà évoqués, comme par exemple le slut shaming, ou l’emphase sur le fait que l’un des deux partenaires est utilisé/exploité/rabaissé/dégradé par l’acte sexuel, ainsi que la féminisation forcée comme punition honteuse

En d’autres termes, les phantasmes de soumissions comme de domination vont exagérer et érotiser les dynamiques de différentiel hiérarchique de pouvoir et les stigmatisations sexuelles associé au script prédateur/proie

On s’en doute, la présence de phantasme de ce type n’a pas manqué d’être analysée comme l’intériorisation de la domination masculine comme de la culture du viol, mais la réalité est plus nuancée…

Les femmes qui confessent ce genre de phantasme affirme sans ambiguïté qu’elles ne voudraient pas subir ce genre de situation “dans le monde réel”, qu’elles nourrissent également des phantasmes plus conventionnels et consensuels…

Et surtout, le facteur le plus déterminant pour évaluer les chances qu’une femme caresse ce type de phantasme (viol ou soumission) sera leur ouverture à l’idée d’expérimenter de manière générale sur le plan sexuel

Notons également que bon nombre d’homme caresse des phantasme de soumission comme de viol(au sens passif), et bon nombre de femmes des phantasmes de domination.

Ce phantasme d’inversion des rôles traditionnels peut même aller jusqu’à toucher le corps lui même.

Un quart des hommes comme des femmes américaines phantasmes sur le travestissement, et un tiers des hommes comme des femmes phantasment à l’idée d’échanger leurs corps avec une personne du sexe opposé (référence Lehmiller)

Dans l’étude plus qualitative de Dubberley, on trouve bon nombre d’exemple de femmes phantasmant à l’idée d’avoir un pénis ou un corps d’hommes dans une grande variété de scénarios sexuels.

Pour rappel, les personnes trans forment moins de 1% de la population, la majorité écrasante des personnes confessant ce type de phantasme sont cisgenre.

La présence a un degré significatif de ce type de phantasmes se marient mal avec l’idée d’un enracinement dans les différences biologiques ou celle d’une intériorisation des normes patriarcales…

En revanche, ces phantasme s’intègrent naturellement dans le cadre des significations sexuelles énoncé par Serano. Le script prédateur/proie imprimera des significations différentes aux corps masculins comme féminins, ainsi qu’au rôle d’agresseur actif/objet sexuel passif

Si certaines personnes adhéreront de manière strict au rôle qui leur sont assignés (et au faisceau de symboles/significations associés), d’autres préfèreront jouer avec le script et réarranger ces éléments sexuels d’une nouvelle manière, particulièrement dans le contexte sécurisé de leur propres phantasmes

Si nous comprenons que les phantasmes peuvent former une forme d’évasion hors du réel, et pas nécessairement l’expression de notre “moi profond” ou de “nos plus secrets désirs”, il n’est guère surprenant que certaines personnes choisissent de se projeter dans des corps/rôles/personnalités qui ne leur sont pas forcément accessible dans leur quotidien.

On peut imaginer qu’une personne surchargé de responsabilités puissent savourer l’idée d’une situation où elle abandonnerait tout contrôle et prise de décision et qu’inversement, une personne en position de soumission ou craintive rêverait d’une situation où elle est position dominante pour changer.

Pour dépasser la stigmatisation des phantasmes de soumissions comme d’objectivation, et comprendre comment les individus peuvent dissoudre les stigmate par l’érotisation de ces derniers

Continuons d’explorer les milles nuances de nos phantasmes…

Les phantasmes autour de la soumission ou à l’idée de jouer le rôle d’objet sexuel n’ont pas la meilleure des réputations et c’est un euphémisme, étant perçu comme aliénant (disempowering) et dégradant…

Un jugement de valeur qui dérive justement du paradigme prédateur/proie. Mais avant d’aborder ce sujet, Serano nous invite à une digression sur ses propres expériences personnelles.

Certaines de ses expériences sexuelles les plus épanouissantes se sont déroulés dans un cadre où il n’y avait pas de rôle prédéfinis. Chacun.e désirait l’autre tout en étant émoustillé simultanément à l’idée d’être l’objet du désir de l’autre.

Etre objet comme sujet du désir peuvent être deux situations aussi exaltantes, excitantes et enthousiasmantes l’une que l’autre, et ces deux pôles peuvent être tout deux libérateur.

Le propre du paradigme prédateur proie est précisément de les sectionner l’un de l’autre, d’établir une barrière rigide entre les deux, de les assigner à un genre plutôt que l’autre, et finalement d’établir une hiérarchie entre entre le premier et le second.

L’individu désirant étant privilégié par rapport à l’individu désiré. Le premier conceptualisé comme un Sujet sexuel qui voit ses désirs comblés, le second étant ramené au rang d’objet sexuel dénué de désirs qui lui sont propres de son côté.

Il n’est cependant pas nécessaire d’adhérer à ces significations sexuelles asymétriques. Chacun de nous est un sujet de son propre côté, et jouir de l’expérience de sentir désiré par autrui ne change rien à cet état de fait.

Pas plus que ça ne rentre en contradiction avec d’autres désirs que nous pouvons nourrir. Particulièrement dans le cadre des phantasmes sexuels qui existent primordialement et uniquement pour le bénéfice de la personne qui les imagine.

D’autant plus que ces phantasmes peuvent rendre possible d’explorer la situation d’être objet du désir d’autrui dans un contexte qui pourrait être malaisant, inconfortable ou dangereux s’il survenait dans la vie réelle.

Concernant les phantasmes de soumissions, il est possible de les analyser sous l’angle du management de la stigmatisation.

Le paradigme prédateur/proie stigmatise tout ceux qui ont le malheur de dévier du modèle canonique (homme cisgenre hétéro expression de genre masculine “agresseur sexuel”)

Cela inclut les femmes, les queer, les hommes ayant des intérêts traditionnellement associés à la féminité, et les individu “marqués par le sexe” d’une manière ou un autre.

Pour ceux d’entre nous dont les identités ou les sexualités tombent dans ces catégories, cela implique un dilemme, ce que nous désirons à le potentiel de nous dévaloriser/dégrader (disgrace) aux yeux d’autrui.

Il y a 3 stratégies possibles pour faire face à cette situation. L’une d’entre elle serait de rejeter catégoriquement ces significations sociales.

En tant que femme trans bisexuelle qui s’est délivré de l’intériorisation des stigmatisations apposées par la misogynie comme la queerphobie, Serano observe que c’est la meilleure manière de procéder sur le long terme, mais on ne peut pas franchir cette ligne instantanément

Les individus qui n’ont pas encore réussi à transcender la stigmatisation attaché au paradigme prédateur/proie peuvent utiliser 2 autres méthodes. L’atténuation ou la fusion.

Une des manière d’atténuer un stigmate social peut être le phantasme de soumission. La logique est simple. Si une tierce partie imaginaire vous force à a vous adonner à un acte stigmatisé mais désiré, cela peut réduire la culpabilité et la honte qui s’y rattache.

Dubberley a rapporté le témoignage de nombreuses femmes ayant eu recours au phantasme de soumission pour échapper à la honte que leur éducation avait attaché à l’idée d’éprouver des désirs sexuels.

Et Serano a pu entendre des anecdotes similaires de la part de nombreuses personnes queer par rapport à leurs identités comme leur sexualité.

La stratégie de fusion consiste à associer les sentiments de honte à des expériences de désirs ou de plaisir. En d’autres termes, de neutraliser le stigmate en l’érotisant, à tout le moins dans le contexte d’un phantasme de soumissions.

(la même personne ne désirant pas subir le même stigmate dans la vie réelle en dehors de son imaginaire)

Une femme pourrait par ex érotiser le fait d’être traité de pute/salope/trainée, tandis qu’un homme pourrait érotiser d’être qualifié d’efféminé ou d’autres qualificatifs peu flatteurs…

Cela peut constituer une première étape dans le processus de séparer à terme le désir de sa stigmatisation. Des proches de Serano lui ont confié avoir eu recours à des phantasme de soumission pour se délivrer de l’anxiété et des trauma associé à la stigmatisation

Néanmoins, ces explications possibles ne font pas le tour de la question, la sexualité étant, on l’a vu, un phénomène complexe façonné par de nombreux facteurs

Le point a retenir est que le paradigme prédateur/proie peut influencer nos désirs comme nos phantasmes, mais pas de la manière déterministe rigide qu’on s’imagine trop souvent…

Bien évidemment, les phantasmes de soumissions comme d’objectivation ne forment que deux nuances dans un éventail infini, comme la règle 34 nous le démontre chaque jour…

Mais si nous venons à être confrontés à un intérêt sexuel inhabituel, plutôt que d’essayer de concocter une hypothèse extrêmement spécifique pour expliquer pourquoi l’individu X est spécialement attiré par Y, ll serait peut-être plus sage d’y voir une illustration de plus de la diversité humaine.

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Written by Marie la rêveuse éveillée

Une personne qui s'égare souvent parce qu'elle passe son temps à se chercher...

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