Sexing the body : Le genre à travers le prisme de la neurologie, mais on pourrait tout aussi bien dire l’inverse…
Nous arrivons sur le domaine de la neurologie à travers le prisme du genre puisque scientifiques comme éditorialistes ont bien fini par se demander si la clé de la différence homme/femme n’était pas dissimulé dans nos réseaux neuronaux…
Bien évidemment, il s’agissait de trouver une justification naturelle à l’idée que hommes et femmes restaient différents mais complémentaires, chaque concessions symbolique offerte aux unes justifiant leurs exclusions de la chasse gardée des autres…
Certains allaient jusqu’à brandir l’étendard de la neurologie face aux “idéologues féministes” insistant que le manque de demoiselles dans les professions scientifiques pouvaient s’expliquer par des process de socialisation sexiste…
Les homosexuels n’étaient pas oubliés (contrairement aux lesbiennes) puisque Sandra Witelson parlera de troisième sexe neurologique vis à vis d’eux…
Fausto-Sterling notera un des premiers impensé de ces programmes de recherche, en admettant que les structures neuronales du cerveaux soient aussi déterminantes que postulées pour nos capacités cognitives, le type de profession où nous serions à l’aise, peut-on affirmer pour autant que les différences les plus significatives entre cerveau masculin et féminin releve de l’innée, présent au départ…ou de la manière dont ces cerveaux se sont modelés sur les process de socialisations respectives des unes et des autres?
On notera que des raisonnement similaires étaient utilisés pour justifier de la hiérarchie des “races” par les différences à débusquer entre cerveaux “nègres” et “caucasiens”…
Il est d’ailleurs fascinant de constater que les différence de tempérament et de fonctionnement mental attribués aux “nègres” et aux “caucasiens” préfigurent les frontières qu’on essaiera de délimiter entre les hommes et les femmes…
On concédera une plus grande sensibilité artistique aux dominés, cadeau empoisonné qu’on soudera à une plus grand émotivité, et donc manque de maitrise de soi, qu’on contrastera avec la rationalité dépassionnée, logique et émotionnel des dominants blancs (puis mâle)
Indépendamment des “vérités” qu’on veux lui faire avouer le cerveau est une terra incognita difficile à explorer. Plus facile de l’étudier mort que vivant, par tranche en deux dimensions que d’analyser directement sa topographie complexe en trois dimensions, etc…
Les méthodes de conservations des tissus peuvent également moduler la taille comme la forme des échantillons prélevés, et pour couronner le tout, les méthodes ne sont pas forcément uniformisés d’un laboratoire à l’autre…
Certes, les analyses par image de résonnance magnétique (IRM) n’ont pas ses limitations mais présentent elle-aussi une image de coupe tronquée et partiel de l’objet qu’elles cherchent à mesurer…
Suite à un état des lieux de la littérature scientifique sur le sujet, Anne Fausto-Sterling note que ses collègues ne sont pas parvenu à un consensus sur la meilleure manière tracer les contours de cette topographie complexe…
La multiplicités des lignes de démarcation choisies démontrant leur contingence comme leur arbitraire…
Arbitraires que certains cartographes s’efforceront de refouler en donnant des noms à leur subdivisions, donnant et se donnant l’illusion d’avoir débusqué des éléments réels et objectifs du cerveau humain, existant indépendant de l’observateur et fonctionnant en coulisse…
Le sociologue Michael Lynch qualifiera ces objets d’hybrides entre les mathématiques, la nature et la fiction. Mathématiques car mesurables, naturels car dérivés d’un objet naturel, la structure neuronale en 3 dimensions, mais leur représentations dans les papiers de recherche relèvera de la fiction littéraire.
Une démarche qui n’est pas dénué de pertinence en soit, mais qui entraine le risque de confondre la construction littéraire avec l’original qu’elle représente et dont on l’a extraite
Et malgré ces caveat multiples, seule une minorité de chercheur parviennent à trouver des différences sexuelles significatives au niveau cérébral…
Une différence de forme ne se traduisant pas nécessairement en différence de taille ou de volume par exemple…
Les différences de taille relative hommes/femmes brouillent également les cartes, de la même manière qu’une personne de grande taille aura une masse musculaire plus grande qu’une personne plus petite, sans que ça signifie pour autant que sa force musculaire soit supérieure
Même les Meta analyses de multiples études ne parviennent pas à dissiper le brouillard, et des questions de pertinence se pose. Qu’est ce qui compte avant tout? Le poids du cerveau? Son volume? La part relative de certaine portion par rapport à d’autres?
Et bien sûr, de part et d’autres des guerres de tranchées laborantines, les biais politiques seront invoqués pour expliquer les divergences du camps d’en face tant les enjeux sont devenus chargés…
Aussi lumineuse et passionnante que puisse être Fausto-Sterling quand elle décode les méthodes statistiques et le contexte expérimental utilisées pour déceler des différences significatives entre cerveaux masculin et féminin ds la perspective d’un observateur “aveugle”, je ne me sens pas la force de retranscrire pas à pas… Disons juste que la vérité n’est pas une exhibitionniste, et qu’il n’est pas exagéré de parler de construction de la vérité scientifique, avec ce que ça entraine d’ambivalence et de contingence…
La section sur le fonctionnement concret de la communauté scientifique ou plutôt des tentatives d’interconnexions et de construction d’un ensemble cohérent à partir de communautés relativement indépendantes… elle est fascinante et ironiquement ou non, elle m’évoque la manière dont Hayek théorisait le fonctionnement du cerveau humain, plus particulièrement la manière dont le moi conscient essayait de traduire les signaux lointains de processus indépendants à la lisière ou en dehors de la conscience…
Ca n’a rien de capillotracté, c’est vraiment l’image qui ressort de la description que fait Anne Fausto-Sterling de la Science concrète, à savoir du travail de recherche des cellules formant la communautés des scientifiques existants…
Quelle conclusion tirer de tout ça? D’une part qu’il est claire que la différence significative entre cerveaux masculins n’est pas tant visible que recherché activement, et qu’elle se dérobe constamment…
Une illustration de plus que la norme (le genre) préexiste à la nature qu’on construit. Ce n’est pas tant le point de départ que le but qu’on s’efforce de viser… et comme le note Fausto-Sterling, à ce stade des recherches, nous ne sommes pas tant dans le domaine des faits que celui des décisions à prendre sur l’orientation à donner aux recherches.
Plutôt que de chercher en vain genrer le cerveau d’entrée de jeu, ne serait-il pas plus constructif de se focaliser sur les facteurs environnementaux qui impacte son développement et son évolution?
Plutôt que de se demander si les filles sont plus ou moins doués pour les maths de naissance, se demander quelle éducation peut donner une meilleure maitrise des mathématiques aux enfants, quelle que soit leur genre?
Bien évidemment, cela va au delà du système éducatif puisque l’environnement inclut aussi les conditions sociales, familiales, culturelles, etc…
Once again… “We must also see the biosocial sciences from the point of view of the process of resolving the contradiction between, or the gap between human reality and human possibility in history. “ Donna J Haraway
Une chose est certains, le titre de l’ouvrage est fort bien choisi. Sexing the body. Nos corps ne sont pas tant sexués (naturellement) que sexués (par la société comme par le regard que l’on porte dessus, y compris celui de la science)
Dans tout les cas, il serait peut-être temps d’arrêter de traiter la science comme un oracle, substitut de Dieu ou de l’Histoire, pour la voir comme un simple outil d’émancipation humaine…
L’endocrinologie et la (re)construction de la ligne de démarcation Féminin/Masculin
Après la neurologie, déconstruisons l’endocrinologie, à savoir la science des hormones…
Pour commencer, Anne Fausto-Sterling note que les hormones elles-mêmes ont été genrées par la science, alors même que comme on l’a dit plusieurs fois, testostérone et œstrogène sont produit par les corps masculins comme féminins sans que l’un ou l’autre dispose du monopole
Par exemple, le cerveau, les poumons, les os, système de circulations sanguines, le foi et les intestins utilisent l’œstrogène pour leur croissance comme leur développement, et la liste est non-exhaustive.
Les hormones sexuelles ne sont pas spécifique à un “sexe” ni aux organes sexuelles puisqu’elles ont impact sur le corps, entier et pourtant ont les a définitivement assignés au genre masculin et féminin
Ce qui tient en partie au contexte de leurs découverte initiale, qui a orienté leur exploration progressive, mais également aux prismes sociaux des chercheurs qui les ont mis en lumière…
Notons que le contexte historique de la science n’est pas uniquement celui d’une oppression systémique mais aussi celui de l’émancipation qui se lève en retour…Comme par ex Magnus Hirschfield défendant l’idée que l’homosexualité n’était pas une déviation contre-nature mais une variation naturelle
C’es dans ce contexte qu’Otto Weininger publiera son ouvrage majeure, Sexe et caractère, où il développera l’idée que même après l’émergence des distinctions anatomiques masculines et féminines, les cellules de chaque être humain produisaient des substances chimiques altérant leur genre, et que la sécrétion de ces substances variaient d’individus à individus, homme comme femme disposant de leurs usines à masculinité et usines à féminités, mêmes si leur proportion respective variaient…
Et il ne parlait pas au niveau globale des deux genres, mais des individus… Nous étions tous des mélanges de masculins et de féminins, la variété dans la distribution de chacun expliquant les différentes variétés de masculinité comme de féminité…
On le voit bien, le paradigme de la binarité nécessaire des genres est loin d’être le seul possible, ce n’est certainement pas parce qu’on veut l’imposer pour des raisons politiques et sociales qu’il est celui qui colle le mieux à la réalité des choses…
A la même époque, Edward Carpenter défendra des idées similaires et ira jusqu’à affirmer que le métissage fondamentales des sexes est nécessaires à leur compréhension mutuelle l’un par l’autre…
Nous ne sommes pas homme ou femme dans cette perspective, mais hommes et femmes, au niveau collectif mais aussi individuel. Ce qui s’accorde avec la réalité du continuum multidimensionnel qui constitue la différence des sexe, et que nous avons étudiée tout le long…
Weininger connectera d’ailleurs lesbianisme comme féministe à la masculinité, utilisant Sapho et Georges Sand comme exemple. Il sera loin d’être le dernier, on l’a vu précédemment, et on on voit qu’aussi subversive que soit sa perspective, elle reste entachée de sexisme…
Une certaine forme de sexisme oppositionnel pour être précise, à savoir le maintien d’un dualisme masculin/féminin pour dévaloriser le second et le mettre en position d’infériorité par rapport au premier, Cf Whipping girl de Julia Serano
Pour en revenir au contexte historique reconstruit par Fausto-Sterling, l’émancipation féministe grandissante sera vu sous l’angle biologisant, comme un retour instinctif et atavique à la matriarchie primordiale domptée par la civilisation, bref un retour du refoulé…
Tout les scientifiques ne partageaient pas cette paranoïa, mais l’identification de la sphère publique au masculin restait indiscutée et impensée, dans ce contexte, les revendications des femmes à la participation étaient lues sous l’angle d’un accès de masculinité.
Ce qui n’est pas sans évoquer le portrait fascinant et saisissant que tracera l’artiste occultiste Alan Moore de la figure mythique de Jack l’éventreur…Sa version de Jack étant dépeinte comme essayant de conjurer et d’exorciser l’avènement de la matriarchie enchainée par la patriarchie rationaliste. Cf From Hell.
Pour la construction de la sphère publique genrée au masculin par l’exclusion des femmes de son sein, relégué au domaine du privé, prison et résidence surveillé, voir par ex la synthèse de la critique féministe du libéralisme par Kymlicka, Theories de la justice une introduction
Dans tout les cas, on le voit bien, l’angle du regard scientifique n’est pas un point de vue de nulle part, il est situé socialement, et dans un contexte de lutte de pouvoir…
Pour en revenir à l’endocrinologie naissante, si certains s’ouvriront timidement aux suggestions de Weininger, d’autres se construiront en réactions aux mouvements féministes, associés du reste à la turbulence des classes dangereuses, y compris les minorités raciales
Ce sera le cas du biologiste Walter Heape qui écrira carrément un ouvrage sur L’Antagonisme des sexes, en 1913 (on voit l’originalité et la “pertinence” des analyses de ce cher Emmanuel Todd)
Pour Heape, la violence de l’antagonisme des féministes de son époque (qui n’étaient pas des tendres, sauf dans les phantasmes réactionnaires sur le féminisme raisonnable d’antan) s’explique par un mauvais management des différences biologiques.
Homme comme femme, selon lui, ont des rôle biologique différents, et si les femmes acceptaient docilement une organisation sociale en accord avec leur physiologie, à savoir en restant au foyer, laissant les affaires publiques aux hommes, elles s’épanouiraient mieux…
Evitants toute sorte de désordre émotionnels et souffrances psychologiques suscités par le fait d’endosser une “masculinité” pour laquelle elles n’ont littéralement pas la carrure… Nothing new under the sun, et Todd est définitivement un fossile
De manière intéressante, Heape ne rejetait pas l’idée d’un mix de féminins et de masculins en chaque individus, même si pour lui, le microcosme du corps individuel devait se mettre au diapason du macrocosme du corps social, le féminin subordonnés au masculin
Le gynécologue Bell consacrera le rôle déterminant des hormones dans la féminité comme la masculinité, détrônant les organes de leur place primordiales en la matière, mais il se situera dans la lignée du regards médical comme disciplinaire, faisant l’éloge des femmes présentant le mix approprié de promiscuité et de maternité, et fustigeant les déviantes qui sortent de ce cadre, la sexualité est construite comme institution de contrôle oppressive en même temps que théorisée.
Avec le physiologiste Steinach, l’un des directeurs de l’institut viennois pour la biologie expérimentale, on passera de la théorisation de la hiérarchie de genre à l’interventionnisme
Le sexe deviendra chimique, et la chimie organique sexuée. Les hormones elles-mêmes vont acquérir des caractéristiques sexuelles.
Alors même qu’il modulera les caractéristiques sexuelles de ses rats de laboratoire, Steinach insistera pour retracer des frontières fermes entre féminin et masculin, et aura une conception dynamique de l’antagonisme des hormones
Les hormones féminines produiront la croissance féminine et inhiberont la croissance masculine potentielle, et inversement pour les hormones masculines…
Lecture des choses qui s’accordera avec certains de ses résultats expérimentaux, moins avec d’autres… sans compter l’éternel problématique de la confusion corrélation/causalité, A fortiori dans un domaine multifactorielles comme la physiologie…
Si les données expérimentales obtenues par notre scientifique ne contredisent pas les conclusions qu’il en tire, elles aboutissent pas nécessairement non plus, nous sommes dans un cas d’indétermination.
Un phénomène courant dans la fabrication scientifique des faits. La réponse de l’organisme à certaines interventions expérimentables limite la gamme de conclusions qu’on peut en tirer, mais jusqu’à un certain degré seulement…
Les réponses du réel à nos interrogations peuvent être sujette à diverses interprétations, le choix final et sa réception en dehors du cadre confiné du laboratoire dépendra de facteurs en dehors de l’expérimentations, les facteurs sociaux.
Et comme on l’a vu, le contexte social n’était pas neutre, l’antagonisme des hormones est né dans un contexte où l’antagonisme politique des sexe interrogeait et suscitait l’angoisse comme la méfiance…
Les fonctions physiologiques devenaient allégorie politiques, ce qui paradoxalement en renforçait la crédibilité puisqu’elles semblaient ainsi donner sens et offrir une réponse à la situation politique ambiante.
On notera que ce n’est pas seulement le phénomène de l’émancipation féminine qu’il faudra expliquer par les hormones mais aussi celui des hommes “efféminés” qui brouillent les cartes, les homosexuels.
Cela aboutira à des tentatives de thérapies de conversion par transplantation/amputation de testicule…qui échoueront, et resteront de toutr façons prisonnière d’un cadre ou masculin/féminin, hétérosexuel/homosexuel sont définies de manière binaire, étanche et oppositionnelle
L’embryologie américaine supplantera tout ça, via ses études de siamois intersexe mort-nés, en montrant l’interaction gènes/hormones dans le développement sexué… Les gènes sont le point de départ de la détermination, les hormones prennent le relais…
Lillie, le pionnier en l’espèce, après avoir testé l’hypothèse de la dominance des hormones mâles finira par l’invalider au profit du timing d’actions des hormones sur le développement utérin…
Au cours de ses propres expérimentations hormonales sur rats de laboratoire, il déduira également que les marqueurs de différence de genre lu par Steinach sur les cobayes était plus que discutables et arbitraire…
Les différences comportementales suscitées par les hormones lui paraissaient plus pertinente, mais même dans ce cas de figure, beaucoup plus floues et ambivalentes que ce que pensait son précurseur…
Quoiqu’il soit, Moore et Price, disciple de Lillie établiront une conception décentralisé du pouvoir dans le process complexe du développement organique et du rôle joué par les hormones… Enterrant l’antagonisme des hormones…
En conclusion, on l’a vu, lire les genres sur les corps est un process plus complexe et ambivalent que de laisser les corps parler pour eux-mêmes.
Et un fait scientifique socialement construit peut être réfuté dans un champs de recherche, mais continuer d’exister comme “faits” dans d’autre champs de recherche, et bien évidemment continuer de vivre ou plutôt hanter l’esprit populaire.
La binarité rigide des sexes : Dégénérescence d’un paradigme
Les pionniers du champs de recherche souffraient des limitations en termes de technologie médicales de leurs époques, ne pouvant aller au delà de la transplantation ou de l’amputations d’organes, faisant l’équivalent scientifique de la chirurgie avec des outils de l’âge de pierre
Mais comme toute activités économiques, la production de savoir scientifique est encastré dans un système social spécifique, qui la formera, l’informera et orientation la direction des recherches…
La classe managérialiste naissante voyait dans le domaine scientifique une boite à outil potentiel pour ajuster le travailleur aux process industriels complexe dans un souci d’efficience. Réflexion que n’aurait renié ni Haraway, ni Foucault, ni Deleuze…
Dans cette continuité, les réformateurs seront en quête d’outils apte à la résolution des problèmes sociaux. Prostitution, homosexualité, pauvreté et crimes.
Psychologie, sociologie et économie seront mobilisées, mais ce sera aussi le cas des sciences plus “dures”.
Du côté des marges, féministes et anarchistes s’entremêleront aussi au développement scientifique en quête d’outil d’émancipation comme les technologie de contrôle des naissances, tout en théorisant les connexions entre sexage/servage sexuel et oppression économique
Ce qui donnera des jeux d’alliances entre activistes et scientifiques, les unes en quêtes de clés à leurs prisons biologique et sociales, les autres d’extensions de leur connaissance de l’effet des hormones…
Les choses se feront à un niveau top-down également, des milliardaires comme Rockefeller finançant de puissantes fondations de recherche pour la résolutions des problèmes sociaux, en confiant la direction à des réformatrices féministes…
L’histoire des sciences de Fausto-Sterling n’est pas une histoire manichéenne, montrer que la science est insécable d’un système social, politique et économique ne veut pas dire verser dans le conspirationnisme..
Néanmoins, les réformateurs et réformatrices restent des hommes et des femmes de leur temps, Lillie qu’on a déjà évoqué étant par exemple un fervent partisan de l’eugénisme dans une visée philanthropique, comme bon nombre de progressistes de l’époque, tel Keynes et Wells…
Eugénistes qui s’inquiétaient de l’influence délétère de l’hérédité affaiblie des migrants ou races inférieurs sur la pureté du stock racial de la nation, un management du vivant comme des classes dangereuses s’imposaient
Il était nécessaire selon eux d’ajuster le système économique et social pour que le succès biologique (avoir des descendants) se superpose au succès économique, sous peine d’une dégénérescence de la civilisation.
Une pionnière féministe comme Sander passera graduellement au conservatisme, le contrôle médicale des naissances passera du rôle d’outil d’émancipation féminine à celui de contrôle de la reproductions des classes inférieures et de la sélection des plus aptes.
Comme on l’a vu au début, la biologie sera aussi mobilisée pour que l’égalité en droits des système démocratique n’entaille pas les inégalités de faits, justifiées par “la race, le sexe et l’âge”, imposant des caveat et limites à l’étendue des droits concrets des citoyens
Le remplacement des inégalités injustes entre noble et roturiers par une hiérarchie “naturelle”, des inégalités justes basées sur la méritocratie et la nature des choses, elle s’infléchira vers un contrôle disciplinaires au bénéfices des hiérarchies en place
Réalité sordide que bon nombre de libéraux tendent à oublier fautes de s’interroger sur les angles morts et les impensées de leur idéologie. (eh néolibérale veut pas dire incapable d’autocritique)
C’est dans ce contexte que s’effectueront les recherches sur les hormones, un contexte non neutre et qui portait le poids d’une histoire, à ce stade les hormones étaient genrées et soudées à la différence des sexes ds l’esprit des chercheurs comme de leurs mécènes.
Postulat qui continuera de hanter la recherche alors même qu’on découvrait le rôle de plus en plus large des hormones sur l’organisme par delà la différence des sexe…
On pourrait paraphraser Keynes et affirmer que des homme pratiques qui se pensent guidé par le bon sens et l’objectivité sont habituellement les esclaves de quelques biologistes défunts dont les décisions continuent de hanter les termes mêmes du débat
Ronald Coase disait qu’à force de torturer les statistiques, on pouvaient leur faire avouer tout ce qu’on voulait, et il en va de même avec les “faits” qui comme on l’a vu sont socialement construit, et coulés dans le moule des pré-jugés de leur créateurs.
Les recherches ébranlaient pourtant bien des préjugés au départ, ou avait le potentiel de le faire, Lillie affirmant qu’il n’existait pas de chose telle que le sexe, ce qui existait concrètement, c’était le dimorphisme entre mâle et femelle…
Dans toutes espèces, on pouvait détecter des morphologie mâle ou femmes, qu’elles soient interprétés comme biologique, sociologique ou psychologique. Mais il n’y avait pas de mystérieuse essence du sexe en coulisses qui modelaient les phénomènes. Dieu était comme le sexe, mort.
Le sexe n’était plus la force primordiale/l’élan vital qui modelait les corps, c’était simplement un nom que nous apposions sur la totalité de ces différences perçues. (On renvoie bien sûr à Ockham et au nominalisme, ainsi qu’à Nietzsche et sa déconstruction de la volonté)
Lillie ira même jusqu’à parler de se guérir de tout anthropomorphisme dans la perception du corps humain et de ses processus de fonctionnement comme de formation.
Radicalisme que Lillie mettra de lui même en sourdine, même s’il admet d’une main que tout être humain contient des éléments mâle ou femelle, il maintiendra le genrage des hormones.
Le métissage d’éléments masculins et féminins en chacun de nous ne sera pas interprété comme pouvant mettre en question la divisions entre des individus biologiquement masculins et biologiquement féminins.
Comme le montre un examen de la littérature scientifique depuis, l’Œstrogène a un impact profond sur la nutrition, les maladies du cœur, Azheimer, la tolérance à la souffrance, l’immunité biologique, la fertilité, la croissance osseuses et le cancer
La testostérone sur la coopération, l’agression, les embrassades, contraception, impuissance sexuelle féminine, cancer, croissance des os, fertilité, etc… Et pourtant l’une comme l’autre sont toujours vu et représentés comme l’hormone femelle et l’hormone mâle…
Alors même qu’elles sont présentes chez les hommes comme chez les femmes et ont un impact sur une multitude de phénomènes et de comportements qui ne sont pas nécessairement assignés masculins et féminins.
Faut-il sexualiser et genrer tout les organes et fonctions impactés? Ou bien admettre comme le font certains chercheurs que les hormones n’ont ni sexe ni genre?
La belle aventure de l’extraction et de la purifications des hormones perturbera encore plus les choses, il n’y avait pas à proprement parler d’hormone masculine ou féminine unique, mais des familles de composants chimiques avec des propriétés similaires mais non identiques
Plus perturbant, on trouvera des traces d’activités hormonales féminines dans les urines masculines…
Hormones féminines qui continueront de popper là où les scientifiques ne les chercheront pas…
Les expériences révélèrent même que des hormones dites masculines pouvaient avoir un effet positif sur les corps féminins, l’androgène pouvait susciter la croissance mammaire, l’élargissement de l’utérus ou du clitoris, etc…
Cocasse au possible, mais pendant un temps, les scientifiques essaieront de résoudre l’effondrement de leur bipartition… en donnant une orientation sexuelle au hormone en plus d’un genre, il y avait les hormones hétérosexuelles!
On soupçonna même l’ombre insidieuse d’une forme intersexuation potentielle, mais non, le phénomène était trop universel… Sapristi, et pourtant on avait vendu les hormones comme masculines et féminines.
Semblable à l’ivrogne proverbial qui cherche ses clés sous le lampadaire, la nuit, parce que c’est là que c’est le mieux éclairés, les scientifiques choisiront de se focaliser sur le rôle des hormones sur le cycle menstruel pour leur mesure mais c’était une décision arbitraire que rien ne dictait dans les “faits”, si ce n’est l’obsession de genrer les hormones pour en faire la clé de la différenciations sexuelle…
On notera, pour le sourire, qu’il était envisagé de qualifier certaines hormones de bisexuelles dans le mesure où elles affectaient les deux sexes et étaient présentes chez l’un ou l’autre. Il y a même eu des débats sur les hormones “vraiment” viriles ou “vraiment” féminines.
Tout les scientifiques n’étaient cependant pas paniqués par cette crise de paradigme comme de nomenclature, affirmant que “le sexe était imaginaire”, ou que viendrait un temps où “ce serait le sexe qui définirait la science plutôt que l’inverse”
Mais même dans ce cas de figure se trouvait le présupposé que le sexe devait exister, on ne l’avait juste pas encore trouvé…
Cela nous montre d’ailleurs un exemple magistrale de dégénérescence de paradigme scientifique au sens de Lakatos… Le sexe formant le paradigme en question…
Que nous ont montré ces tours et détours au sein de la chirurgie, de la physiologie, de la neurologie, de l’embryologie, de l’endocrinologie? Que le sexe comme le genre, et même l’orientation sexuelle sont bel et bien des constructions sociales.