Sexing the body : Le genre, une réalité multidimensionnelle nécessitant une approche pluridisciplinaire
Après un bref détour sur sa propre existence comme cas concret, Portrait de la scientifique en jeune fille, Anne Fausto-Sterling pose les bases de son programme de recherche, comment les genres et la sexualité deviennent-ils des faits somatiques?
Vaste programme pour lequel elle postulera 3 règles
- Il est vain de séparer nature et culture, les deux sont indissociables comme un ruban de Moebius
- Les organismes doivent être conçu comme des processus dynamique passant d’une cible à l’autre…
- Aucune discipline, clinique ou académique, ne possède LA réponse, ou même la meilleure réponse pour décoder la sexualité, un ensemble de disciplines devront être mobilisées, des théories critiques féministes à la biologie moléculaire.
Pour commencer, vient donc la question de la génétique, cette chère génétique qui fait tant phantasmer et qui nous fascine comme clés d’explication ultimes du maximum de phénomènes possibles et imaginables…
Nos gènes sont imaginés comme un plan architectural de développement tout prêt, qui n’a plus qu’à se déployer tout seul, le livre de la vie comme le livre de notre vie, comprimés d’entrée de jeu dans notre ADN.
Ce n’est bien sûr pas la perspectives des scientifiques, infiniment plus subtils, humbles, et mesurés quand ils évoquent le rôle possible que nos gènes peuvent parfois jouer… mais nuances et subtilités seront bien vite évacués qd leurs hypothèses seront traduite par le public
Fausto-Sterling récapitulera brièvement le fonctionnement de l’ADN, rappelant qu’elle est inerte en elle-même et ne peut déployer ses effets que dans l’univers complexe que forme la cellule qui l’entoure, nécessitant pour cela l’action d’intermédiaires.
Elle utilisera la métaphore du développement progressif d’une forêt des premières plantes jusqu’à une succession d’écosystèmes complexes générant de nouvelles plantes qui en synergie avec les autres, vont à leur tout, etc…
La forêt achevée n’était pas inscrite sous forme de programme écologique dans les graines des premières plantes, elle résulte d’une cascade historique d’interactions stochastiques complexes entre différents organismes…
Et les choses vont se complexifier quand on passe de l’adn aux cellules puis des cellules aux organes, puis à l’organisme lui-même au sein de son environnement, un organisme plastique et imbriqué en son sein.
Comme on peut le voir par ex, avec le cas frappant, au début du XXème siècle d’enfants sauvages élevés par des loups et qui courraient plus vite à 4 pattes que des humains sur leur 2 jambes, et en mesure de communiquer avec des chiens par grognement au point de socialiser avec
On peut évoquer le cas de rats de laboratoires isolées dès la naissance de tout contact avec des membres plus jeunes de l’espèces, dépourvue de tout instinct paternelle quand on les mettait finalement en contact avec..
Avant de manifester les mêmes instincts après plusieurs jours de socialisation auprès des jeunes rats, les expériences altérant graduellement le fonctionnement de leur cerveau pour développer de nouveaux mécanismes…
Plasticité qu’on retrouve dans le cerveau humain, les signaux environnementaux vont provoquer l’apparitions de nouvelles cellules, ou de nouvelles connections entre les anciennes, des connexions neurales non stimulés peuvent se désagréger avec les ans, etc…
Même les premières expositions à l’environnement suite à la naissance, ou même avant avec les spasmes musculaires de l’embryon pendant la grossesse, peuvent altérer la structure même du cerveau…
La plasticité du cerveau peut même se voir chez des enfants aveugles de naissance lisant du braille, qui vont mobiliser des zones du cortex liées habituellement aux sensations visuelles pour les intégrer à une plus grande gamme de perception tactiles.
Bref, le dualisme moi/environnement, corps/esprit, ne tient pas. Le corps n’est pas un précurseurs de l’environnement, il est défini et construit par un environnement qu’il impacte en retour…
Mais la plasticité du cerveau à l’âge adulte est-elle comparable à celle des enfants? Oui, comme l’illustre l’exemple des membres fantômes des amputés dont la forme perçu va évoluer graduellement dans la conscience au lieu d’être un simple décalque/écho du membre disparu
La présence ou l’absence d’un autre organisme vivant peut aussi impacter des expériences aussi intimes que la souffrance…
Plasticité qui n’est pas limités aux cerveau, la nutrition et l’activité physique vont aussi impacter les caractéristiques sexuelles secondaire, comme le montre l’exemple de l’altération du cycle menstruel chez les sportives ou les femmes militaires.
De manière générale, notre anatomie n’est pas une constante fixe puisqu’elle peut-être modifié par la socialisations et les règles culturelles du corps idéal à viser en fonction de notre position dans la société et de la culture en vigueur…
Exemple grossissant de la chirurgie esthétique qui concerne cis comme trans, et qui vont modifier notre anatomie sexuelle. Les considérer comme différentes des autres altérations que nous impose l’environnement n’est finalement qu’un choix arbitraire…Choix qui ne tient pas tant à la nature des choses qu’à des conventions sociales intériorisées comme naturelles.
Et qui n’est au fond pas différentes de la multitudes de sélections imposés de l’extérieur à la biologie que nous avons tout le long de l’histoire des sciences, et qui n’était pas tant dictés par la nature des choses que par la nature de notre vision des choses.
Mais bref, réduire le sexe à l’ADN ou aux gonades, comme le dont des quart de savant comme Ducros, ou à parler de femmes biologique pour désigner les femmes cisgenre (=non-transgenre), ce n’est pas tant du bon sens qu’une vision étriqué du réel…
Une réalité qui est mouvante, dynamique, aux dimensions multiples (anatomiques/hormonales/cérébrales/social) où environnement et corps ne forment qu’un seul complexe en évolution et non pas 2 entités distinctes et l’intervention humaine sur l’équilibre chimique du corps ou sa morphologie n’est pas différentes de l’intervention non-humaine de l’environnement dans ses multiples facteurs.
Comme évoqués tout à l’heure, il y a des limites physiques à ce qu’on peut faire dire ou non à la biologie, mais ce qu’elle nous dit ou ce qu’on veut bien entendre d’elle n’a rien d’univoque et de fixe.
Et cela ne se limite pas à la question de transidentité mais inclut aussi la place des hommes comme des femmes dans nos sociétés, beaucoup de choses définis comme naturelle étant le produit de la société, d’une histoire et d’un processus…Un processus de sexage/genrage des corps et des âmes…
La Matriochka du genre : Le processus de genrage
Premier rappel, une expérience qu’on prétend universelle comme la maternité ne sera pas la même pour une femme à 20 ans ou 40 ans, dans un couple hétéros ou un couple de lesbienne, et A fortiori pour une mère célibataire.
Exemple de plus qu’il est vain et abstrait d’extraire le biologique du social où il s’inscrit..
En terme de néoténie, de tout les primates, les humains sont ceux dont le temps de maturation des enfants est le plus long. Aspect négatif : Vulnérabilité plus longue, dépendance, consommation de ressources parentales et sociales pour leur protection et leur prise en charge
Revers positif de la médaille : De longues périodes de maturation avant l’âge adulte donne une plus grande marge à l’influence de l’environnement (physique, historique et social) sur le développement de l’humain,
La nature social, complexe, polymorphe et ambivalente de l’humain n’est pas un bogue mais inscrite dans notre condition comme notre nature biologique. Condition sine qua none de la complexité humaine. Nos psychés forment le pli intérieur de l’environnement et vice-versa
Comment concilier cette plasticité supposé avec le fait que les genres nous apparaissent comme innée et présent d’emblée indépendamment de l’éducation?
Le genre est un accomplissement au sein d’un contexte. Non pas un attribut individuel flottant dans le vie mais le fruit d’un interaction constante avec les autres, dans une boucle de feedback constante.
Les enfants comme les parents apprennent à performer le genre, en apprenant l’un de l’autre. Un circuit où il faudrait ajouter le reste de la famille, les voisins, les professeurs, la culture télévisé, les autres enfants, les autres parents, les médias, l’homme de la rue, etc…
Tout ce beau monde ou plutôt, tout ce jury, jugera constamment de l’habilité de l’enfants à respecter les règles de son genre, par exemple en portant la bonne tenue, et pas seulement vestimentaire et à lui faire comprendre par feedback positif ou négatif.
Et dans la vraie vie, il n’y a pas de version gothpunk de Mary Poppins pour protéger celui ou celle qui ne joue pas le jeu comme il faut…
La fameuse métaphore de la partie de Monopoly/ville élaborée par Denis Colombi
Qui plus est ce n’est pas seulement des identités de genre que nous performons mais aussi des identités de “races”, classes sociales, etc…qui moduleront à leur tour le genre. Et ce process de socialisation n’est pas limité à la petite enfance mais demeure constant…
Mais n’y a-t-il pas un sous jacent biologique que le social ne peut que formater jusqu’à un certains point, comme la sexualité? Oui et non.
Fausto-Sterling utilisera un autre universel biologique, le sourire, qui se manifeste déjà in utero, avant même la naissance de l’enfant, et étire ses lèvres dans les phases de sommeil du nouveau nés dès les premiers jours.
Sauf que ce réflexe naturel va se complexifier au fur et à mesure du développement, y compris en terme physiologique. Sa forme va évaluer, et donc le jeu de muscles, nerfs, tendons qui vont l’enclencher.
De même que les capacités perceptives à décoder l’environnement social et émotionnel pour savoir à quel moment, il faut sourire, et de quel façons…Car un sourire n’est pas un sourire, qui n’est pas un sourire, qui lui-même…
Le sourire béat n’est pas le sourire moqueur qui n’est pas le sourire de la séductrice qui n’est pas le sourire haineux qui n’est pas le sourire satisfait… Autant de modulations, qui vont mobiliser muscles, nerf, tendons pour s’enclencher automatiquement…
En plus de mobiliser les nerfs optiques et les réseaux neuronaux pour décoder l’environnement et savoir quel programme de sourire appliquer, parfois de manière automatique… Même un réflexe aussi naturel est in-formé par l’environnement et la socialisation
Il en va de même du sexe, de l’orientation sexuelle ou de l’identité de genre… et au vu de la multitude de facteurs impliqués, y compris au niveau social, le résultat est produit de manière probabiliste plutôt que déterministe…
Notre code sociologique est tout aussi complexe et unique que notre code génétique. Ce n’est pas seulement tel société à tel époque, mais tel classe social, tel famille, tel cercle d’amis et de voisins, tel expériences individuels, tel expositions à tel œuvres culturel, etc…
D’où l’apparition de variation (déviant/anomalie au regard de la norme socialement construite) que la société s’efforcera de réassigner à la bonne place comme elle l’a fait et continue de le faire avec les intersexe
Alors même que c’est variation ne sont pas si différente que, mettons, la rousseur des cheveux…
Toujours est-il que la socialisation par l’ensemble du corps social va construire des process schématique que l’enfant va acquérir graduellement, prenant la forme de structure comportementale, de réflexe, de manière de percevoir les autres et lui même, etc…
Des process qui ne sont pas gravés dans le marbre, on l’a vu avec la plasticité du cerveau et la multitude de facteurs qui se parasitent mutuellement, raison pour laquelle l’homogénéisation aura ses limites et ses défaites sur le long terme.
Concernant les schémas perceptifs de genre, il semblerait que les enfant ne les développe pas avant l’âge de 2 ans/2 ans et demie, alors même qu’ils ont des schémas perceptifs discriminants par ailleurs, en d’autres termes, ils n’ont pas de concept de genre à ce stade
De manière intéressante, les enfants qui ont acquis ces schémas adopteront aussi certaines normes comportementales (les garçons préfèreront rester entre eux, les filles seront moins agressive), normes qui ne se manifestent pas chez les enfants n’ayant pas acquis ces codes
La vitesses d’acquisitions de ses schèmes de perception/comportementaux dépends avant tout du feedback des parents…leur tendance à donner du feedback positif/négatif à l’enfant vis à vis d’activité ludique impliquant des jouets genrés.
Notons aussi que les schèmes de discriminations de genre (au sens perceptuel/comportemental) des enfants utiliseront avant tout comme signaux des marqueurs culturellement genrés. Vêtements, cheveux longs ou cours, etc…
Le genre est perçu indépendamment du sexe (au sens d’organe génitaux), voir avant le sexe, et même quand le sexe est connu, les enfants ne font pas nécessairement la connexion…
Il en va de même avec les adultes qui succèdent à ces enfants, nous pouvons genrer nos contemporains en ayant rarement voir jamais accès à leurs parties génitales/test chromosomiques/certificat de fertilité/preuves de menstruations…
Ce seront des signaux/symboles/marqueurs culturels qui enclencheront le signal, y compris des caractéristiques sexuelles secondaires, qui ont l’a vu, sont elle-aussi socialement construites.
Il ne faut pas voir les enfants comme des tables rases sur lesquelles la société imprime sa marques, plutôt comme des acteurs/joueurs dans un système d’institutions. (voir l‘article sur le livre de Denis Colombi plus haut)
A un niveau social, le genre est donc la création de rôle réparti dans une hiérarchie avec distribution de droits et de règles avec récompenses/sanctions pour enfermer les acteurices dans les espaces délimités pour eux…
C’est aussi, on l’a vu tout le long, le process de fabrications de ces différences corporelles/psychologiques/comportementales qui justifieront l’assignation à ces rôles…
Petit Aparté, Sir Terry Pratchett n’avait pas manqué de définir un privi-llège comme une loi privé qui s’applique à soi et pas aux autres.
Une définition plus lumineuses, le privilège étant bien souvent la liberté de ne pas être astreint à respecter des règles qui s’appliquent à celleux situé.es plus bas dans la hiérarchie sociale. Femmes, trans, racisé.es, etc…
Et outres ces différences, de constitution comme de droits et de traitements, le genre sera aussi la (re)production de l’idéologie qui les justifiera.
Bien sûr tout cela n’est pas un bloc monolithique, la manière dont la société se pensera changera en retour la société, de même que les mouvements de contestations contre-culturelles ou les innovations technologique (pilules pour les femmes, transition médicales pour les trans)
Pour finir, Fausto-Sterling usera de la métaphore du genre comme une Matriochka, une série de poupées russes emboités les unes dans les autres. Niveau cellulaire/organisme/psyché/relations interpersonnelles/histoire et culture
La seule manière de l’analyser est de comprendre l’intrications de ses différentes dimensions, ce qui requiert un dialogues interdisciplinaires, les études de genre.
La disciple conclura ce chapitre avec une citation féconde de Donna Haraway “La biologie est la continuation de la politique par d’autres moyens.”
L’océan du genre
Par océan du genre, Anne Fausto-Sterling parle du fait que l’enfant est immergé dans le genre avant même de sortir du ventre de sa mère.
Les échographies autorisant les parents à connaître par avance le sexe de leur enfant, ils construiront déjà son éducation et sa socialisation autour du genre qu’on lui a assigné.
Choix des futurs vêtements, des futurs jouets, du prénom qui le ou la définira, des attentes qu’on placera dessus, jusqu’à la manière de le tenir ou de réagir à ses pleurs (la différence de traitement fille/garçon sur ce point étant un fait documenté avec ses conséquences)
Si on prends le cliché de grand-mère “les filles font de la coutures parce qu’elles sont naturellement douées pour ça, ayant le doigté et les compétences motrices appropriées”, on peut dire que c’est vrai, mais ce “don” relève-t-il de l’innée et de l’acquis?
Cela impliquera une dimension biologique, la réalité des muscles, des nerfs, et de leur coordination avec le cerveau…mais pendant les 3 à 6 premiers mois du développement de l’enfant, les mères passe en moyenne plus de temps à travailler les compétence motrice avec leur filles, ce qui laissera, on l’a vu, son empreinte sur les nerfs, muscles (la fameuse mémoire musculaire) le cerveau…
On peut se poser le même type de questions vis à vis de la formation de l’identité, et pas seulement de genre du reste…
Pour déterminer la ligne de démarcation innée/acquis ou sexe/genre, 2 approches sont possibles, l’approche en terme de process dynamique qui est celle utilisé par Fausto-Sterling dans le chapitre précédent et l’approche qualifié de dualiste cartésienne qui se mettra en tête des traits fixes qui relève de l’innée/sexe et attribueront les traits fluctuants au genre.
Mais fondamentalement, l’approche cartésienne tendra à conceptualiser l’identité comme une donnée fixe, et à entrainer la production de narration de notre propre existence justifiant et expliquant comment nous sommes arrivés où nous sommes, traquant le foreshadowing et les indices d’une identité qui était déjà là en coulisses à nous formater et à se déployer.
Plus que cartésienne, on pourrait d’ailleurs qualifier l’approche de schopenhauerienne…
Notons qu’elle n’est pas incompatibles avec la transidentité. Beaucoup de trans percevant, d’entrée de jeu ou à posteriori que leur identité de genre était déjà là et qu’il n’y a pas eue changement de genre mais ajustement de l’extérieur au pli intérieur…
Si Anne Fausto-Sterling ne nie pas la réalité ni l’importance psychologique et symbolique de ce vécu, elle préfère voir la transidentité (et l’identité de genre en général, cis ou trans) en terme de process, l’identité était un phénomène culturel qui se tisse sur le corps
Plutôt que de devenir ce que nous sommes (Nietzsche), notre existence précéderait plutôt notre essence qui se construit au fur et à mesure de notre projection dans le monde (Sartre)
Elle prendra comme exemple/illustration l’acquisition de la marche, dont la vitesse varie en fonction des cultures (plus rapide dans les cultures africaines qu’européenne) et le genrage des vêtements (robe ou non) aboutit à développer des compétences motrices différentes….
Idem pour la gestion du sommeil qui est également socialement construite et varie en fonction des cultures comme de l’époque (voir à ce sujet l’ouvrage de Denis Colombi, Pourquoi sommes-nous capitalistes (malgré nous)?
Et si on croit que seul l’enfance compte, l’hippocampe du cerveau des chauffeurs de taxis londonien utilisant leur propre carte mentale de la ville pour s’orienter en son sein grandira à chaque années de pratique. Plasticité du cerveau once gain.
On peut donc facilement concevoir comment les différences d’éducation/socialisation aboutiront à façonner les différences “biologiques” censées les justifier en premier lieu, bouclant ainsi la boucle.
Même la manière dont les mères tiennent leurs enfants/jouent avec (plus souvent face à face avec les filles, de dos pour les garçons) aura un impact de long terme.
L’océan du genre nous submerge d’instant en instant, du berceau au tombeau…
Dans le modèle de pensée courant, nous assumons que l’identité de genre est binaire et normative, en plus d’être innée et fixe, les déviations à ce modèle réclamant une explication…
Dans le modèle de Fausto-Sterling, l’identité de genre/sexe est un continuum non-binaire, l’identité un process de construction dynamique constant, modelés/canalisé par les catégories imposés par les pratiques socio-culturelles…
Le même process expliquant la “norme” comme ses “déviations” qui n’ont du coup pas besoin d’explication/justification spécifiques.
Les présupposés/impensés du modèle courant sont présent dans la manière dont le “normal” est défini par l’enfant cisgenre hétérosexuel dans un système binaire, le pathologique étant défini A priori comme tout ce qui sort de ce schéma (l’enfant trans/queer/homosexuel-bi, etc…)
Différence marquée non comme variation mais comme échec de l’enfant/sa famille-une pathologie mentale à soigner-un symptôme de crise dont il faut découvrir le sous-jacent, etc…
Dans tout les cas, la littérature sur le développement de l’enfant se focalisera plus sur l’explications des déviants que sur l’explication de l’identité socialement construite comme conforme, celle-ci étant posée comme naturelle/allant de soi
Une autre manière dont le regard social et médical construira l’objet qu’il prétendra étudier. On pourrait à ce sujet mentionner l’analyse de Beaubatie et celle de Serano, entres autres, sur la manière dont le corps médical à construit la dysphorie de genre qu’il prétend soigner
Idem pour l’idée que l’identité de genre est “naturelle et fixe”, conçue comme une chose plutôt que comme un équilibre stable (et donc ouvert constamment au changement) dans une ontologie du processus.
C’est dans le cadre de cette conception en terme de process que Fausto-Sterling parlera d’incarnation (embodiement) utilisant l’exemple de l’instinct des femmes à croiser les jambes…
Combinaison des règles de pudeur instituées par le système social et intériorisé dans l’inconscient avec le type de tenue plus ou moins imposée aux femmes (jupes et robes). Mais Fausto-Sterling utilisera aussi la fameuse madeleine de Proust comme exemple d’incarnation
On est sur un angle (entre autres)phénoménologique différentes formes de vécu/d’expérience vécu se sédimentant comme autant de couche géologique prêtes à remuer/se réactiver et constituant notre perception de notre genre
Heinamaa “La différence de genre n’est pas une différence entre deux substances mais entre deux modes, ou plutôt deux types de relations(de soi à soi et de soi aux autres)”
Et de la phénoménologie du corps habité, on passe à celle de la sphère culturelle que ce corps habite, le monde au sens que Hannah Arendt donnait à ce terme.
Un monde qui nous bombarde d’instructions et de règles par les autres (l’intersubjectivité) sur ce qui compte comme “normal” pour nous dans la manière de nous vêtir, de nous tenir de parler, etc..
La culture/intersubjectivité va modeler des normes sociales dans des corps individuels, y compris dans leur vécu intime et va reproduire en majorité des individus expriment des expressions de genre/d’orientation sexuelle culturellement prédominante ou normale (au sens statistique du terme) L’océan du genre forme notre horizon/monde et façonne notre vécu intime
Que ce vécu prenne la forme de l’intériorisation sereine, de la révolte ou de l’ambivalence…
C’est dans ce cadre que se déploiera l’identité ou plutôt l’auto-identification à un genre, chez un.e cis ou un.e trans, l’identification à un “moi biosocial” qui inclura un désir envers certaines activité/certaine manière de voir, ainsi qu’un ensemble de principes sensori-moteurs dynamiques qui organise la perception, avant même et intégrant la perception de soi-même, du rôle biosocial qu’on veut “jouer” dans l’intersubjectivité/le monde qu’on a peint sur soi
On en revient encore à Hayek, le genre est (aussi) un process d’ordre spontanée et d’auto-organisation construit autour du feedback constant, biologie et société étant identique et entremêlées sur ce process.
J’avoue ne pas avoir la force de retranscrire le programme de recherche complexe théorisé et appliquée par Fausto-Sterling pour le process de constitution de l’identité “interne” de genre, qu’elle soit cis/trans/non-binaire
Vous pouvez néanmoins avoir un ordre d’idées à partir de cet article sur son ouvrage majeure et révolutionnaire qui mérite définitivement son titre de classique et de monument des études de genre.
Dans tout les cas retenons que l’océan du genre est un continuum multidimensionnel où la biologie, la socialisation, le pouvoir et le vécu s’entremêlent de manière indissociable. Infiniment plus vaste, fluctuant, tourmentée et finalement fascinant que nos idées reçues sur le sexe
Il est utile de rajouter que pour Anne Fausto-Sterling, si le genre est un océan, l’humain est un poisson qui ne veut pas vivre en dehors. Même les non-binaire/xenogenre/agenre sont une régions de cet océan…
La dimension idéologique et politique de la question ne doit pas être comprise comme une invitation à abolir le genre, mais plutôt à l’interroger pour mieux le comprendre et le faire évoluer…
“Le genre précède le sexe, ou si l’on préfère, le genre comme point de vue ou comme Epistémé précède le sexe comme objet construit par et dans un système de genre.” (Pascale Molinier)
En complément, on peut renvoyer à ce petit article synthétique sur l’idée du sexe comme construction sociale.
Ainsi qu’à cet article portant cette fois sur la notion d’hétérosexualité comme construction sociale.