The House of Fate Morgana

Marie la rêveuse éveillée
7 min readFeb 4, 2024

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Bon, je me sens d’humeur à évoquer une des œuvres de fiction qui m’a le plus marqué, même si j’ai mis du temps à en saisir toutes les richesses…

Il s’agit d’une visual novel, qui commence par nous immerger In media res, et en brouillant les frontières du 4éme mur d’entrée de jeu…

Alors que vous faites littéralement vos premier pas dans cet univers, par une nuit d’orage, trempé(e) jusqu’aux os, vous n’avez pas de contours précis sur lequel vous projeter… Pas d’âge, de sexe, de genre, de classe sociale, ou même de nom…et pour cause…Vous aurez très vite l’occasion de le comprendre, c’est une âme en peine orpheline de son propre passé qui frappe à la porte du seul refuge qui se présente, un manoir abandonné au fond des bois…

Un lieu qui ne semble guère être de ce monde lui même, comme s’il avait été arraché de l’espace comme du temps pour se décomposer éternellement dans les limbes…mais il y aura pourtant quelqu’un pour vous accueillir, une mystérieuse soubrette dont on peut se demander si elle a eu sa place parmi les vivants, un jour, dans une ancienne vie…

Même si l’étrange gardienne de la maison n’évoque rien en vous, la réciproque n’est pas vraie puisque votre présence lui évoque l’écho du maitre de la maison, celui qui s’en est allé, il y a fort longtemps, et dont elle guette le retour en veillant…

Et le meilleur moyen de rendre ses contours à cette ombre fluctuante détachée de son ancien moi, c’est d’évoquer les différents maitres qui se sont succédés dans la maison au fil du temps…

Le fil rouge est posé. Vous êtes cette ombre, tâchant de recueillir un peu de chaleur au coin du feu, et un ersatz de mémoire en écoutant la gardienne dévoiler les souvenirs qui se sont accumulés dans la demeure au fil des siècles…

Quatre histoires qui pourraient donc être la vôtre vous serons proposés. La première nous transportera, avec la maison, en Angleterre, du vivant de Shakespeare, et elle mettra en scène un frère et une sœur…

Deux oisillons qui jusque là volaient côte à côte, depuis le jardin d’enfant jusqu’au bourgeonnement de l’adolescence, unis comme les deux doigts d’une main, et partageant un amour que dans sa candeur enfantine, une sœur ne peut distinguer de celui d’une femme pour un mari…

Une idylle qui est condamnée à vaciller comme la flamme d’une chandelle maintenant que les enfants s’effacent graduellement derrière les adultes.

D’autant que le frère se retrouve captivé par la mystérieuse jeune fille au cheveux blanc comme la neige qui s’est glissé dans la demeure, pour y faire son apprentissage auprès de la soubrette qui, bien évidemment, était déjà là.

Deuxième histoire, qui nous amènera cette fois en France, à la veille de la révolution… la maison est encore là, transplantée ailleurs mais paraissant avoir été présente depuis l’origine des temps…

Une maison bien silencieuse, la vie s’en est allé avec sa gloire passé, suite à la tragédie qui s’est abattu sur les héritiers de la famille qui en avait fait son foyer…Ce frère et cette sœur que nous avions croisé précédemment…La domestique dépourvue de nom comme d’âge est encore là, à veiller, et si la figure qu’elle accueille n’a pas de nom, ce ne sera pas une âme en peine, cette fois, mais une bête assoiffée de sang…

Créature d’outre monde égarée parmi nous? Infortuné qu’une nature ingrate aurait affligé de difformités à la naissance lui ôtant le droit d’être traité avec humanité? Monstre de Frankenstein renié par son créateur?

Peu importe, celui qui n’a jamais eu sa place parmi les animaux sait qu’il ne l’aura jamais non plus auprès des hommes…

Moins qu’un étranger, il est l’autre, la bête, celui qui est condamné à errer, chassé, méprisé, opprimé par ceux qui ne le verront jamais comme un de leur semblables.

Devenu maitre de cette demeure abandonnée, il usera de son mystérieux pouvoir pour attirer en son sein les voyageurs égarés…avant de les chasser à leur tour, de les traquer comme des proies, de les torturer, de les tuer et de les dévorer…Faisant expier ainsi à l’humanité, au compte-goutte, chacune des cicatrices qui ont marqué son corps et son âme. Ceux qui se sont obstiné à voir en lui une bêtes sauvage auront le déplaisir de constater à quel point ils ont eu raison…

Mais voilà qu’une proie inhabituelle vient frapper à la porte de la maison… Une adolescente aveugle aux cheveux blanc comme la neige…et qui s’obstinera à percevoir un être humain, là où le monde entier voyait une bête.

Le monstre découvrira qu’il a bel et bien un cœur, ébranlé par cette chaleur humaine qui le remuera jusqu’au tréfond de son être jusqu’à le faire douter… Se pourrait-il qu’il soit bel et bien…humain?

Mais cette version de la Belle et la bête est condamné à trouver une issue tragique… Le passé du monstre est déjà à ses trousses…sous la forme d’une jeune femme parti en quête de son fiancé suite à sa mystérieuse disparition…

Ignorant que le marchand qui a disparu avec son cœur était la toute première victime de la bête, pendant ce temps, la belle et celle qui n’a rien d’une bête, les deux âmes en peine attendent sans le savoir le jugement qui viendra briser leur union comme leur cocon de sérénité…

Autre temps, autre lieux, la maison est en Amérique à présent… anachronisme égaré au milieu du XIXéme siècle, simple marqueur de sa renommée grandissante pour un nouveau riche qui veut conquérir sa place dans la haute société.

Manoir qui n’est pas si différent de son épouse, fille d’aristocrate déchu, sa famille est ruinée, mais son sang est bleu et ses cheveux blanc comme neige, un ornement de choix pour cet arriviste qui veut que les élites le regardent comme un des leurs.

Un mariage de raison à la nature des plus sordide, l’amour était absent depuis le début…mais cela signifie-t-il pour autant qu’il ne peut pas y trouver une place?

Mais nous avons eu l’occasion de le voir, dans ce monde, le bonheur est une illusion faites pour être brisé, fantôme impalpable et prélude à l’inexorable tragédie…

L’univers des deux tourtereaux factice ne sera pas brisé par un boum mais par un murmure…celui d’une rumeur insidieuse qui rongera, tel le ver dans un fruit, le cœur d’un ambitieux complexé par sa basse extraction. L’idée fixe que son épouse pourrait le tromper…

Bien avant que le temps ne glisse ces trois tragédies successives sur le fil de l’histoire, la maison était déjà là… mille ans plus tôt, on la trouvait en France… Refuge d’un noble solitaire, vivant en ermite, exilé en ce lieux hors du temps par sa propre famille…

Mais les choses changeront quand une autre exilée viendra troubler sa solitude, une mystérieuse adolescente à la chevelure blanche comme la neige, l’histoire est un éternel recommencement, et la tragédie son leitmotiv…

Quatre histoires, la vôtre se dissimule sous ce jeu de bonneteau, mais prends garde, petit âme en peine, car une tragédie peut-être trop belle pour être vrai…et si tu t’obstine, une réalité autrement plus sordide te prendra à la gorge, dissimulée sous ce parfum défraichi.

Car à ce stade, nous n’en sommes qu’à la moitié, si ce n’est au tiers de la visual novel… et les plus courageux comme les plus vifs pourront découvrir le reste de l’iceberg et les cruelles vérité qu’il dissimule dans les abysses glaciales…

Spoiler mais aussi trigger warning, c’est aussi l’une des rares visual novel, (la seule que je connaisse dans tout les cas) à mettre en scène un personnage intersexe, avec toutes les souffrances que la société peut leur infliger, et qui ne seront que trop familière aux personnes transgenres…

Comme on a eu l’occasion de le voir de par les extraits que j’ai mis, les illustrations sont non seulement de toute beauté, mais surtout en dehors des graphismes comme de l’atmosphère habituel de ce médium, ce qui mérite d’être souligné…

Et en guise de conclusion, nous laisserons résonner l’une des musique sublime d’une ost finement ciselé qui s’y entend pour distiller une atmosphère approprié à ce joyau…

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Marie la rêveuse éveillée
Marie la rêveuse éveillée

Written by Marie la rêveuse éveillée

Une personne qui s'égare souvent parce qu'elle passe son temps à se chercher...

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