Une faiblesse méconnue du matérialisme comme du scepticisme vis à vis de l’identité personnelle. L’unité de la conscience…

Marie la rêveuse éveillée
6 min readApr 28, 2023

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Penchons nous sur une des multiples faiblesse de la conception matérialiste, à savoir l’argument de l’unité diachronique et synchronique de la conscience.

Une analyse qu’on doit à Saint Augustin en premier lieu, mais que ce vieux réactionnaire ronchon de Vallicella avait exploré pour en déplier les implications…

Revenons au fragment le plus connu de l’œuvre du père de l’église, la trace la plus profonde qu’il a laissé en philosophie, ses réflexions sur la mémoire et le temps (livre X et XI des confessions, qu’on peut trouver en édition séparé)

Récapitulons. Le passé n’existe plus, le futur n’existe pas encore, seul existe le présent. Intuition qui semble aller de soi, mais qui nous plonge dans le vertige quand on s’y penche de trop près…

Le présent, en effet ne peut se réduire à l’année en cours… Cette dernière étant une abstraction composé en majorité de temps déjà écoulé et donc ayant sombré corps et bien dans le passé, les mois précédents…Idem pour les mois eux même, collection de semaines écoulés donc disparu) et de semaines futures, donc ne s’étant pas encore déroulé… On ne pourrait avoir, par définition, de mois présent…

Ibidem encore pour les semaines, collection de jours défunts ou pas encore nés… Pareil pour les jours, mélange bâtard d’heures disparues et d’heures n’étant pas encore survenues, bref, phantasmagorie once again…

Raisonnement qui peut se dupliquer pour les heures, les minutes, et même les secondes, divisibles en nano ou micro secondes… seul restera l’instant présent dont on se rapproche par asymptote…

De régression en régression, le présent se contracte à l’instant… Un point infinitésimal, pour ne pas dire indivisible, par delà même les secondes, microsecondes et nanosecondes… et c’est là que survient le drame…

Le temps est par nature un écoulement, passage du futur au présent et du présent au passé… Ecoulement qui disparaît si on aboutit au pur présent, point indivisible.

En effet, par définition, le passé n’existe plus, le futur n’existe pas encore, seul existe le présent. Mais un écoulement suppose nécessairement passé, présent et futur. C’est un composite entre ce qui a cessé d’exister et ce qui n’existe pas encore…

Mais le pur instant présent, coupé du passé comme du futur, ne retient pas ce qui vient de passer, n’anticipe pas ce qui est A venir. Il est donc… aveugle, mort, ne peut pas avoir conscience du temps lui même… Il ne resterait qu’une abstraction vide.

Le temps ne pourrait pas exister en dehors d’une conscience qui retient le passé fraichement écoulé et anticipe l’avenir. C’est visible de manière limpide à travers les objets temporels, une chanson, ou même une phrase… et même un simple mot…

Si les syllabes/lettres précédentes n’était pas retenu quelque part, le mot ne pourrait pas être compris ou même exister… Il ne resterait que des lettres ou son isolés qui par eux même, ne signifient plus rien…et ne peuvent rien signifier…

Le temps ne peut donc pas, à proprement parler, exister en dehors d’une conscience qui justement perdure, retient dans sa mémoire le passé écoulé, anticipe et comble les angles mort du futur, et rassemble tout ça en une unité…

C’est ce qu’on appelle l’unité diachronique de la conscience. Tout évènement ou objet temporel tel qu’une phrase ne pourrait pas exister sans un médium qui connecterait passé, présent et futur, et les maintiendrait soudé… Ce médium, c’est le moi ou la conscience.

Analyse qu’on retrouve également chez Kant, William James, Bergson ou Husserl… Et comme l’a fait remarquer Valicella à juste titre, une arme de guerre potentielle contre le scepticisme vis à vis de l’identité qu’on retrouve par exemple chez Hume ou au sein du Bouddhisme…

Que ce soit Hume ou les disciples de Bouddha, ils tentent de dissoudre le moi persistant dans le flux constant de l’impermanence. Il n’y a pas de moi, nous dit Hume, nous ne l’expérimentons jamais, nous n’expérimentons que des sensations éphémères qui vont et viennent…

Le moi brille par son absence, c’est une fiction que nous imaginons, dont les contours sont toujours arbitraire et fluctuant… Un agglomérat de sensations disparates, d’émotions et de souvenir… Une illusion qui ne résiste pas à l’analyse…

Mais comme on vient de le voir, via Saint Augustin, on peut retourner l’argument comme une crêpe et muer la force des sceptiques en faiblesses… Ils basent leur argumentaire sur l’écoulement constant… or cet écoulement ne peut exister/être perçu…sans un moi qui le constitue

Ce qui est également une épine de taille considérable dans le pied matérialiste, puisque si on conçoit l’être humain comme un assemblage de particule, on aboutit nécessairement à des paradoxe bouddhiste, comme l’exemple du char dont l’unité est purement externe…

Le char en question se réduisant à un simple amalgame de notre esprit entre des pièces séparées (roue, moyeu, etc… mais on peut faire de même avec les atomes et les particules qui les composent)

Comme le pointait Van Inwagen qui poussait le raisonnement jusqu’au bout, on peut même éliminer les objets physiques… La seule réalité, ce sont les particules… Le fameux Nihilisme mereologique

Si le matérialisme se prétend être une position évidente, ancré dans le concret, en vérité, c’est un colosse au pied d’argile qui s’effondre comme un château de carte quand on l’analyse de trop près puisqu’on se retrouve dans une configuration analogue à celle de la pensée de Parménide…qui affirmait que le mouvement comme le changement étaient des impossibilités… et pourtant…

Les lecteurices avec un brin d’attention me pointeront que j’ai surtout parler d’unité temporelle de la conscience (diachronique) qui de l’unité synchronique?

Il s’agit simplement du fait, là encore impossible à nier, que nos perceptions forment une image unifié. Que ce soit entre nos différents sens (stimuli visuels, auditifs, olfactifs) ou même au sein de chaque champs de perception…

La multitude d’objets qui m’entourent (ordinateur sur lequel je rédige, tasse de café, cigarette électronique, etc…) sont intégrés en une seule image au lieu d’être divorcé les uns des autres comme autant d’atomes/monades isolés… ce qui suppose un médium commun, etc…

On pourrait dire que l’écoulement du temps, l’unité de nos perceptions, l’existence du changement, sont l’équivalent philosophique de données empiriques qu’on ne peut évacuer, et qui sont le tribunal de dernière instance des conceptions philosophiques…

Au même titre que le fameux Cogito cartésien…

A ce sujet, on attend toujours la réfutation en bonne et due forme par Paquerette Sterf puisque dans sa perspective, l’infâme Descartes est père du transactivisme…N’allez pas lui dire que les problématiques de ce type était déjà présente chez Aristote, Platon et les présocratiques (Démocrite se battait déjà avec cette problématique, cf son dialogue entre la raison et les sens dans les fragments qui nous sont restés…)

Hasker, défenseur de l’argument de l’unité de la conscience avait également eue cette réflexion intéressante pour illustrer la problématique.

Si chaque étudiants d’une salle de classe connaissait séparément la réponse à une des questions d’un quizz, il serait absurde de considérer que le groupe d’étudiants dans son ensemble a une conscience unifié de la totalité des réponses du quizz.

Ce qui montre bien les problématiques de l’émergentisme comme du matérialisme (et également du panpsychisme d’ailleurs) qui ne peuvent pas expliquer comment des process neuronaux/configurations matériels séparés peuvent générer une image unifié.

Quand nous lisons un livre, les lignes tracées à l’encre, la sensation de la couverture, le bruit des pages qu’on tourne, l’odeur de ces mêmes page forment bel et bien un seul objet aux multiples dimensions, et non pas un agglomérat d’objets séparés.

C’est une zone liminale entre passé et futur, un flux continu qu’on ne pourrait jamais reconstituer par la juxtaposition de points discontinu.

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Marie la rêveuse éveillée
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Written by Marie la rêveuse éveillée

Une personne qui s'égare souvent parce qu'elle passe son temps à se chercher...

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