L’incroyable parc du Bouddha oriental — Compte rendu de voyage en Chine #6

Coline
10 min readFeb 2, 2018

--

Aujourd’hui, on envoie du très très lourd, tenez-vous prêts. Ce que nous avons vu, nos guides ne nous le prédisaient pas. Si jamais vous comptez sérieusement visiter Leshan, n’oubliez pas de passer par le parc du Bouddha oriental, prévoyez bien deux bonnes heures de visite et surtout, ne lisez rien de cet article après l’alerte spoiler. Le site est absolument incroyable, il FAUT l’explorer en passant à Leshan, même si ce ne sont pas des photos aussi populaires que celles du Grand Bouddha. En repensant à ce que nous avons vu, j’ai encore le cœur qui sautille d’excitation.

Hier nous avons passé tellement de temps à visiter le site « principal » du Grand Bouddha que nous sommes arrivés à la porte du second site une heure avant qu’il ne ferme. Par précaution, nous avons décidé de partir un peu plus tard de Leshan pour ne pas passer à côté d’une belle excursion. Qu’est-ce que nous avons bien fait ! Nous ne savions rien des lieux, puisque nos guides n’indiquent que « parc du Bouddha oriental » et que nos amis en voyage à Leshan ne partagent jamais que des photos du Grand Bouddha. La surprise était donc totale quand nous nous sommes retrouvés face à face avec un Bouddha de 170 m allongé dans la montagne. C’est-à-dire qu’il mesure plus du double de celui d’hier, rendez-vous compte. En réalité c’est assez difficile, les photos traduisent très mal toutes les merveilles de gigantisme que nous avons vues.

Le Bouddha allongé de 170 m, dont on se demande encore s’il a un tronc.

Ne sachant pas que cette découverte n’était que brillant présage pour le reste de la journée (c’est mieux dans ce sens-là), nous avons pénétré dans la cave des arhats. Pour ceux qui auraient séché le compte rendu d’hier, il s’agit d’élèves de Bouddha, ici en sculptures de 2 m de haut creusées dans des alcôves le long des murs. La salle suivante présente des positions bien différentes, très… sensuelles. C’est très rigolo, mais un peu gênant donc nous ne nous y attardons pas.

L’entrée de la cave, un des nombreux arhats et un des bas-reliefs les moins explicites.

Et là, première claque. La cave donne sur un plateau dégagé, le long de la falaise dans laquelle sont sculptés ce qui nous semble être un bouddha, deux bodhisattvas et deux arhats. On regrette de n’avoir toujours pas de petites prises de tête sympathiques pour expliquer un peu ce qu’on voit. Sur le même pan de mur, un peu plus loin, un tableau en métal usé introduit une immense fresque d’illustrations légendaires en racontant sept histoires du Bouddha, qui le mettent en scène luttant contre son frère malfaisant Papiyan, le roi des maras (comprendre : des démons). En voici une, traduite de l’anglais par votre humble serviteur (ça vaut ce que ça vaut) :

D’après les légendes, il était une fois Papiyan, le roi des maras (le Malfaisant) se fit passer pour le maître de la fleur et l’envoya à la tortue, dans l’intention de la blesser. La tortue, l’incarnation du Vénérable (le Bouddha), pouvait voir clairement toute chose et ne se laissa pas avoir par le Malfaisant.

Le trio dont la photo ne rend pas la mesure et deux vues du mur des légendes bouddhistes.

Nous revenons sur nos pas pour rejoindre la cave aux dix-mille bouddhas. Autant dire qu’il y avait du beau monde de pierre, toujours dans des dimensions ahurissantes. Aucune prise de tête dans la première partie, juste une succession de pièces avec des statues éclairées et disposées pour la prière, avec toujours des offrandes et des coussins où s’agenouiller. Je vous laisse donc regarder un peu.

Les premiers pas dans la cave des dix-mille bouddhas.

Attention, deuxième claque. À ce stade-là on se demandait déjà à chaque instant pourquoi personne ne parle jamais de ses lieux magnifiques mais nos premiers soupirs de surprise et d’engouement furent poussés à cet instant. Le souffle coupé, nous entrons par un couloir d’une dizaine de mètres de haut bordé de statues encastrées sur toute la hauteur dans une salle où les Quatre Rois Célestes (cf hier) nous dévisagent sous le regard empli de sagesse d’un bouddha… enrobé. Il s’agit en réalité du « Messie » des bouddhistes, Maitreya (ou Milefo en chinois), qui serait le prochain Bouddha à venir lorsque l’enseignement du tout premier Bouddha aura disparu. Comme il y avait un peu de place derrière Milefo, il semblait évident d’y placer une statue tout aussi haute du bodhisattva Skanda, le gardien de Bouddha. Quand Bouddha est entré au Nirvana (aka le moment où il devient éveillé), des démons ont volé ses reliques et Skanda les a pourchassés pour les récupérer. Depuis, il est le dieu bouddhiste qui repousse le Mal et protège les enseignements de Bouddha.

La salle aux Quatre Rois Célestes, le couloir par lequel on y accède et le bodhisattva Skanda au dos de Milefo.
On rappelle que cette porte fait bien 10 m de haut…

On sent qu’il y a un peu plus de prises de tête, n’est-ce pas ? Ok maintenant spoiler alert, je vous donne LE teaser qui nous a fait crier « mais nan ! » et si vous comptez passer à Leshan, arrêtez-vous là pour ne pas vous gâcher la surprise de ce qui suit, parce que c’est vraiment du lourd. S’approcher de la prochaine statue sans avoir le sourire jusqu’aux oreilles, les yeux qui brillent et le ventre qui se tort relève de l’impossible.

Voici la plus grande statue de Bouddha, sculptée au sein même de la montagne. Ok, 33 m de haut c’est deux fois moins que le plus grand Bouddha du monde (cf hier) mais très sincèrement, celui-là fait beaucoup plus d’effet. Est-ce que c’est la lumière ? L’humidité et le froid qui tranchent avec la douce chaleur émanant de ce colosse de pierre ? Tout est immense, je ne peux rien dire qui rende justice à la majesté des lieux et nos photos ne traduisent pas le premier pourcent de ce que nous avons ressenti.

Trois piètres photos sans échelle d’un Bouddha qui mériterait une galerie d’art à son effigie.

Émus, nous poursuivons la visite de la cave aux dix-mille bouddhas vers les huit cents arhats de pierre taillée, une salle unique en Chine qui présente des élèves de Bouddha de plusieurs statuts, tous différents, avec systématiquement une petite plaque explicative de leur rôle dans l’histoire de la religion bouddhiste. Parlons-en d’ailleurs : le bouddhisme a été introduit en Chine par la route de la soie, celle au sud de l’Asie, qui passe par le Cambodge, Myanmar et le Yunnan (province chinoise). Quant au bouddhisme du Tibet, il provient de l’Inde, par le Népal. 28 disciples du premier bouddha, Siddhartha Gautama, ont reçu le titre de « patriarche du zen » et se sont succédés pour guider les élèves de l’école bouddhiste. 7 ont joué ce rôle par la suite en Chine. Ce sont donc ces patriarches du zen (ou chan en chinois, l’art de la méditation selon le Bouddha), et ils sont représentés par des statues toujours aussi massives devant nos yeux ébahis.

Un des murs de la salle, Huineng, Daoxin et Hongren, les 4e, 5e et 6e patriarches du zen.

Des passages de l’histoire du Bouddha sont représentées autour d’une colonne. La suivante arbore, sur le même principe, des scènes de vie de Mahamayuri, un roi de la sagesse. Après avoir résisté à la séduction d’une femme magnifique sous les traits de laquelle se cachait Bouddha, il a atteint le statut spirituel d’immortel.

L’Eveil de Bouddha après 7 jours de méditation, Mara qui tente de distraire Bouddha de son éveil par la séduction et Mahamayuri représenté sur un paon.

Aller, une dernière claque pour la route ? À ce stade, nous étions presque habitués aux dimensions irréelles et à la beauté de tout ce qui nous entourait. Je ne m’appesantirai donc pas plus sur les sculptures de la cave, venons-en au dernier Bouddha de cette longue série. Je n’ai aucune idée de sa taille, imaginez-la en le comparant aux tout petits croyants qui venaient s’agenouiller à ses pieds. Entre ses jambes, une plaque donne son nom : Bhaisajyaguru, le Bouddha de la médecine. Il a fait 12 vœux pour soigner les gens de la souffrance et des maladies et il vient d’une contrée au nom imprononçable. Et c’est tout. Est-ce que même les Chinois se sont habitués à de telles œuvres ? Encore une fois, pourquoi nos guides ne font pas mention de ces lieux ?

Bhaisajyaguru, le Bouddha de la médecine. Sérieusement, on aurait pu passer à côté d’une belle rencontre…

Accrochez-vous, on arrive au bout de la visite. Par des marches nombreuses et irrégulières, on accède au pavillon hexagonal, ou le hall des Bouddhas dorés. Une musique douce nous parvient depuis l’arrière d’un hôtel où siègent trois bouddhas étincelants, sous un dôme à la peinture céleste.

Le pavillon hexagonal, les bouddhas d’or et le plafond au-dessus d’eux.

La vue est époustouflante depuis la baie du Bouddha, mais nous avons la tête qui tourne et aucune vision de ce qu’il nous reste à découvrir, donc nous pressons le pas vers notre prochaine halte. Elle ne se fait pas attendre : une nouvelle cave nous est indiquée par trois sculptures rougeâtres qui font bien trois fois la taille de la porte, une arche d’environ 3 m de haut.

La vue que le brouillard nous empêche de restituer fidèlement et l’entrée

Quatre salles se succèdent, toutes sur le même format : une statue entourée de murs sculptés, sous laquelle un coussin attend patiemment qu’un croyant vienne s’y recueillir. L’enchaînement donne sur un nouveau bouddha magistral qui surplombe une descente de marches vertigineuse. En poursuivant tout droit, on entre dans la cave de la bodhisattva Guanyin avec ses mille mains.

Une des pièces en l’honneur de l’Élégante Bodhisattva Guanyin, le Buddha Randeng et Guanyin aux Mille Mains.

Nous revenons sur nos pas pour retrouver le Randeng Bouddha et descendre devant lui les marches qui dévalent la colline du cœur-à-cœur.

Panorama de la colline du coeur-à-coeur et des statues qui entourent la place du Giant Buddha Bend.

Il ne nous reste plus qu’à saluer les démons vaincus au milieu de leur étang, les mille bouddhas sur leur pagode et l’Indienne Siva, dont la statue originale a été sculptée au IXe siècle à Gurdaspur, dans son pays natal, puis a été copiée en une statue gracieuse toute en rondeurs de 8 m de haut.

La pagode aux mille bouddhas, l’étang aux démons vaincus et la splendide Siva.

Eh voilà. Soufflons un peu, admirons les alentours avant de quitter ce que nous ne pensions être qu’un parc, les yeux emplis de souvenirs.

Le chemin de verdure vers la sortie du domaine.

Nous avons ensuite défié toutes les prédictions de nos guides en prenant un bus de ville direction Emeishan, qui nous a coûté 5 yuans et qui nous a déposés quasiment au pied de l’auberge Teddy Bear où nous passerons les deux prochaines nuits. Puisque c’est pour moi la dernière occasion d’en faire mention ici, que ce soit dit : Leshan est une ville hideuse, mais le patrimoine culturel qu’elle bichonne est un trésor inestimable.

--

--

Coline

En voyage de Chengdu à Canton, je publie après chaque ville visitée les comptes rendus que j’écris quotidiennement.