Loi 62: quand «neutralité» rime avec discrimination / Bill 62: When “Neutrality” Discriminates

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English follows.

Utilisez-vous le transport en commun? Avez-vous déjà visité un hôpital lorsque vous êtes tombé.es malades, ou eu recours à des services policiers lorsque vous vous sentiez menacé.es? Empruntez-vous des livres à votre bibliothèque de quartier? Si oui, la Loi 62, qui interdit aux gens d’offrir des services publics ou d’y avoir accès le visage couvert, vous concerne.

“Projet de loi n°62 : Loi favorisant le respect de la neutralité religieuse de l’État et visant notamment à encadrer les demandes d’accommodements pour un motif religieux dans certains organismes”

Nous sommes un groupe d’étudiant.es et diplômé.es en droit de l’Université McGill outré.es par la Loi 62 et sa discrimination flagrante de groupes minoritaires. Nous ressentons l’obligation, puisque nous étudions les systèmes juridiques québécois et canadien, mais également puisque nous sommes de futur.es juristes et avocat.es, de lutter contre cette atteinte à nos droits fondamentaux. Ne vous méprenez pas: la Loi 62 est vague et contradictoire. Elle cible injustement une minorité religieuse et mènera à des discriminations et des violations inconstitutionnelles aux droits de la personne.

Un récent rapport, rédigé pour le Ministère de la sécurité publique du Québec et publié il y a deux semaines, souligne que les personnes musulmanes sont la cible principale de groupes haineux dans la province. Par ailleurs, lors des débats entourant la Charte des valeurs en 2013, des organismes communautaires ont noté une augmentation du nombre de femmes victimes de violence parce qu’elles portent le voile. Parmi les multiples répercussions éventuelles et néfastes de la Loi 62 figure le maintien d’un climat hostile pour des groupes religieux minoritaires au Québec.

La Loi 62 vise à favoriser la « neutralité » de l’État, mais elle est loin d’être neutre.

Bien que la définition de « visage découvert » soit ambiguë dans la Loi 62, il s’agit tout de même d’une attaque directe envers les femmes qui se couvrent le visage pour des motifs religieux. En définissant un visage couvert comme incompatible avec la « neutralité », le Parti libéral distingue la personne québécoise « pure laine » — dont l’expérience contribue à l’« héritage national » — de la personne prétendument étrangère dont l’habillement devrait être contrôlé et dont les expériences et croyances devraient être exclues. Notre province permet encore l’affichage de symboles catholiques dans nos institutions et espaces publics. Jusqu’à récemment, certaines municipalités débutaient des réunions publiques par une prière catholique. La Loi 62 ne prône pas la neutralité religieuse, mais plutôt l’élévation d’une culture au détriment d’une autre.

La Loi 62 viole sans aucun doute la liberté de religion et le droit d’être libre de discrimination, reconnus sous les Chartes québécoise et canadienne des droits et libertés. De nombreuses personnes expertes en la matière ont déjà expliqué cet argument dans les médias. Cette loi ne servira qu’à accroître la marginalisation socio-économique des femmes se couvrant le visage en leur niant l’accès à l’emploi provincial et municipal, aux services de garde pour enfants, à l’éducation, au système de transport public et à d’autres services gouvernementaux essentiels. L’application de cette loi limite davantage leur mobilité et leur capacité d’accéder aux services publics.

Alors que la Loi 62 est déjà entrée en vigueur à l’heure actuelle, aucun cadre précis ne viendra régir son application avant juillet 2018. Il est ainsi incertain dans quelles circonstances un visage couvert enfreint la Loi. Par ailleurs, la décision quant à l’accès aux services et à l’octroi d’accommodements revient aux employé.es du secteur public, comme des infirmiers ou des chauffeuses d’autobus, qui n’ont, à ce jour, reçu aucune ligne directrice. La Loi leur impose ainsi des tâches supplémentaires et les force à agir de façon discriminatoire à l’endroit des groupes religieux minoritaires, sous peine de sanctions.

La Loi 62 est vague et confuse, et représente une violation de la sécurité et de la dignité d’un groupe déjà vulnérable. Quelles que soient les intentions présumées de l’Assemblée nationale, cette loi va à l’encontre des droits de la personne en empêchant la participation de certaines minorités religieuses à la vie publique et en leur niant l’accès aux services essentiels. Plus que jamais, nous devons nous positionner à l’encontre des lois qui isolent et marginalisent des membres de notre communauté issus de groupes minoritaires, et demeurer vigilant.es à l’égard des actions gouvernementales qui portent atteinte à nos droits et libertés. En toute solidarité avec celles et ceux affecté.es par cette loi, en tant que futur.es juristes et, avant tout, en tant que citoyen.nes d’un Québec se voulant diversifié et inclusif, il est de notre devoir de dénoncer la Loi 62.

Des étudiant.es de la Faculté de droit de McGill organisent une manifestation qui aura lieu dans les salles de classes de tous les campus de l’Université McGill le mardi 24 octobre. Nous encourageons nos collègues s’opposant à la Loi 62 à participer à cette journée de protestation avec nous en se couvrant le visage de lunettes de soleil et/ou de foulards pour assister à leurs cours.

Do you take public transportation? Do you visit the hospital when you get sick? Do you or your children attend public school? Do you call the police when you’re in danger? Take out books at your local library? If you do, then Bill 62 — a new law that bans face coverings for anyone who offers or receives public services in Quebec — affects you.

“Bill n°62 : An Act to foster adherence to State religious neutrality and, in particular, to provide a framework for requests for accommodations on religious grounds in certain bodies”

We are a group of law students and alumni from McGill University who are outraged by Bill 62 and its flagrant discrimination against minority groups. We feel an obligation, as students learning about Quebec and Canada’s legal systems, and as future jurists and legal professionals, to stand against this erosion of human rights. Make no mistake: Bill 62 is contradictory and unclear. It unjustly targets a minority religious group and will only lead to discrimination and unconstitutional human rights violations.

A recent report written for the Quebec Public Safety Minister released two weeks ago highlighted that Muslims are the main target of hate groups in the province. During the debate over the Charter of Values in 2013, women’s organisations noted an increase in the number of women experiencing violence because they wore headscarves. Among all the potential deleterious repercussions Bill 62 could have, it will surely lead to a hostile climate for minority religious groups in Quebec.

The rationale behind Bill 62 is to protect state “neutrality”, but there’s nothing neutral about it.

Although the definition of “face covering” is left ambiguous within Bill 62, the law is a direct attack on women who wear face coverings for religious purposes. By defining a face covering as non-“neutral”, the Liberal party is differentiating the Québécois pure laine — whose experiences contribute to the national heritage — from supposed outsiders, whose attire should be policed and whose experiences and beliefs are left out of that heritage. This province displays symbols of the Catholic church in its public offices, spaces, and hospitals. Until recent court challenges, some municipalities regularly began public meetings with Catholic prayers. Bill 62 is not about religious neutrality, but the elevation of a single culture and the denigration of another.

Bill 62 undoubtedly violates the right to freedom of religion and to be free from discrimination under the Quebec and Canadian Charters, an argument that numerous experts have already explained at length. The Bill will only serve to compound the socio-economic marginalization of women with face coverings by denying them access to provincial and municipal employment and access to child care, education, public transportation, and other essential government services. The enforcement of Bill 62 will further limit their mobility and capacity to access services.

There is currently no clear framework for how Bill 62 will be enforced, and it is unclear when someone whose face is covered would be breaking the law. Additionally, the decision regarding who should receive services and whether accommodations apply, falls on government employees such as nurses and bus drivers with no training to do so. The Bill imposes duties on them that fall outside their job descriptions and forces them to discriminate against religious minority groups or risk sanctions. Guidelines on how the Bill should be enforced will not be available until July 2018, even though the law is currently in force.

This law is vague and confusing, and is a violation of the safety and dignity of populations who are already vulnerable. Regardless of the legislature’s stated intentions, Bill 62 will violate human rights and prevent religious minorities from participating in public life and accessing essential services. Now more than ever, it is important that we defend against laws that alienate minority groups that are a part our community and, that we remain vigilant against government actions that erode our rights and freedoms. We stand in solidarity with those affected by this law. It is incumbent on every one of us to help get Bill 62 repealed.

Students at the McGill Faculty of Law are organizing a protest to take place in classrooms across the University’s campuses on Tuesday, October 24th. We encourage all our colleagues who oppose Bill 62 to join us by covering their faces with sunglasses and/or scarves while attending their classes.

Contributrices et contributeurs | Contributors

Souhila Baba, 2L
Abbie Buckman, 2L
Marilou Craft, 2L
Jessica Cytryn, 2L
Jess De Santi, ‘17
Dylan Gibbs, 2L
Anna Goldfinch, 3L
Deborah Guterman, 4L
Sajeda Hedaraly, 4L
Nazampal Jaswal, 3L
Rebecca Kaeser Reiss, 3L
Dayeon Min, 4L
Yuan Stevens, 4L
Sydney Warshaw, ‘17

Cosignataires | Cosigners

Soumia Allalou, ‘16
Sara Andrade, ‘17
Kelsey Angeley, 4L
Fatima Anjum, 2L
Florence Ashley, LL.M.
Itai Azerrad, 3L
Julia Bellehumeur, 3L
Emilie Binette, 2L
Valérie Black St-Laurent, 2L
Alicia Blimkie, 2L
Laura Cárdenas, 4L
Kathryn Chadwick, 1L
Matthew Chung, ‘17
Sean Cohen, 2L
Chantelle Dallas, 3L
Lauren Daniel, 2L
Melisa Demir, 2L
Emily Deraiche-Grossberg, 2L
Sophie Doyle, 2L
Sara Gold, 2L
Raphaëlle Haket, 2L
Maryam d’Hellencourt, ‘17
Talia Huculak, 1L
Zakia Jahan, 2L
Lindsay Jensen, 1L
Rebecca Jones, 3L
Arvin Khodayari, 1L
Rachel Kohut, 4L
Andrea Kowalski, 1L
Catherine Labasi-Sammartino, 1L
Gabrielle A. Landry, 1L
Caroline Lavoie, 3L
Qing Li, 3L
Anna Lindgren-Tanga, 3L
Megan Lindy, 2L
Marie-Hélène Lyonnais, 2L
Bianca Marcellin, 1L
Melissa Moor, 4L
Hamza Mohamadhossen, 2L
Basir Naqvi, 2L
Kelly O’Connor, 2L
Valerie Olivier, 4L
Lucia Ondoli, 3L
Emily Painter, 3L
Meghan Pearson, 2L
Adrian Pel, 3L
Amelia Philpott, 3L
Sara Pierre, 3L
Lana Rackovic, 3L
Tiran Rahimian, 3L
Cassandra Richards, 2L
Elizabeth Robertson, 4L
Anna Rotman, 1L
Jeelan Syed, 4L
Romita Sur, 3L
Allyson Taylor, 4L
Julie Tee-Michaud, 4L
Renee Tousignant, 4L
Simcha Walfish, 2L
Heather Whiteside, 2L
Raoul Wieland, 2L
Brittany Williams, 3L
Myriam Wills, 4L
Suzanne Zaccour, ‘16
Betty Zhang, 3L

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