OMG ! đŸ˜± OMG ! Biden a perdu

Philippe Corbé
5 min readJun 28, 2024

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Comment les derniers espoirs de réélection de Biden se sont envolés en quelques minutes lors du débat contre Trump

CNN

OMG ! OMG ! OMG ! Oh My God ! Les dĂ©mocrates sont passĂ©s cette nuit en mode emoji panique đŸ˜±.

L’espoir du prĂ©sident Biden d’ĂȘtre rĂ©Ă©lu en novembre s’est envolĂ© dans le ciel d’Atlanta en GĂ©orgie, oĂč se tenait le premier dĂ©bat organisĂ© par CNN. Il lui faudrait maintenant un miracle pour contrarier le sort.

En 1972, Joe Biden a Ă©tĂ© Ă©lu au SĂ©nat, le benjamin de l’assemblĂ©e la plus puissante du monde, le deuxiĂšme plus jeune sĂ©nateur de l’histoire. Cette nuit marquera pour l’homme le plus ĂągĂ© Ă  occuper le poste le plus puissant du monde la fin de ses espoirs politiques. Cette nuit confirme les peurs de beaucoup d’AmĂ©ricains qui redoutent le retour de Donald Trump.

C’est Biden qui avait provoquĂ© ce dĂ©bat, en imposant des conditions strictes (micro coupĂ© pour celui qui n’a pas la parole, pas de public, une date avancĂ©e avant l’étĂ© contrairement aux prĂ©cĂ©dentes confrontations depuis 1960). J’expliquais ici mi-mai pourquoi c’était un pari risquĂ©.

Le calcul de l’équipe Biden Ă©tait limpide : un dĂ©bat prĂ©coce, juste aprĂšs le procĂšs de l’ancien prĂ©sident, pour replacer le sujet Trump au cƓur de la campagne, rappeler aux AmĂ©ricains qui auraient oubliĂ© le chaos de sa prĂ©sidence et qui Ă©prouvent une nostalgie de leur pouvoir d’achat prĂ©-Covid, de quoi est capable l’ancien prĂ©sident.

Le seul moyen pour Biden de gagner est de faire de l’élection un rĂ©fĂ©rendum sur Trump, de rĂ©activer une coalition anti-Trump : non seulement les dĂ©mocrates, mais aussi les indĂ©pendants, les modĂ©rĂ©s, les femmes, les minoritĂ©s, qui ne veulent pas du retour de l’ancien prĂ©sident au pouvoir.

Le pari est perdu.

Ce débat catastrophique pour le président confirme que cette élection est bien un référendum sur Biden, un vote non pas sur son bilan ou son programme, mais sur sa capacité à exercer le pouvoir.

Il n’aura fallu que quelques minutes.

La voix rauque de Joe Biden, son dĂ©bit lent, son souffle rauque mais faible, son ton susurrant et parfois difficilement audible, son bĂ©gaiement qui resurgissait comme souvent dans les moments oĂč il est dĂ©stabilisĂ©, ont immĂ©diatement rallumĂ© la question de l’ñge qui se pose depuis que le prĂ©sident a dĂ©cidĂ© de se reprĂ©senter.

Il n’a que trois ans et demi de plus que Donald Trump. On aurait dit cette nuit qu’ils avaient au moins une dĂ©cennie d’écart. Joe Biden n’est pas seulement dans sa quatre-vingt-deuxiĂšme annĂ©e. Il fait plus vieux que quatre-vingt-deux ans. Comment penser que cet homme fragile peut occuper le poste le plus difficile du monde jusqu’en janvier 2029 ?

Et le pire n’était pas ce qu’il disait. C’était son regard perdu vers le sol, ses Ă©paules tassĂ©es, son air hagard en Ă©coutant son prĂ©dĂ©cesseur, qui pouvait dĂ©biter des Ă©normes mensonges sans ĂȘtre jamais efficacement contredit.

Pour Donald Trump, la soirĂ©e n’aurait pu mieux se passer. Sur sa condamnation, sur sa morale, sur tous les sujets pour lesquels il inquiĂšte beaucoup d’AmĂ©ricains, il a pu dĂ©rouler paisiblement, avec des arguments fallacieux, sans l’agressivitĂ© de ses prestations lors des dĂ©bats de 2016 et 2020.

MĂȘme sur l’avortement, l’une des questions centrales de cette campagne, l’un des points faibles de Trump qui a besoin de rassurer les modĂ©rĂ©s, le sujet auquel la campagne Biden se raccroche pour mobiliser des Ă©lecteurs indĂ©cis, le prĂ©sident a Ă©tĂ© incapable d’avancer des arguments solides face Ă  un Trump qui racontait n’importe quoi. Il a pu prĂ©tendre que certains États dĂ©mocrates autorisent les gens Ă  exĂ©cuter des bĂ©bĂ©s aprĂšs la naissance sans que Biden ne le cloue au pilori !

MĂȘme sur le 6 janvier 2021, le rĂŽle de Trump dans l’insurrection du Capitole parce qu’il refusait de quitter le pouvoir, les propos de Biden Ă©taient incohĂ©rents.

Biden Ă©tait si perdu qu’il a parfois interrompu ses rĂ©ponses avant la fin des deux minutes accordĂ©es par les modĂ©rateurs pour chaque question.

Mais le dĂ©bat Ă©tait dĂ©jĂ  terminĂ© dĂšs la douziĂšme minute aprĂšs un dĂ©raillement spectaculaire du vieux train Biden. Un moment cruel qui restera comme l’un des plus catastrophiques dans un dĂ©bat prĂ©sidentiel depuis le premier entre Nixon et Kennedy en 1960.

Il Ă©tait question de leurs rĂŽles respectifs dans la gestion de la crise sanitaire du Covid, quand le prĂ©sident Biden, perdu dans un propos confus sur le systĂšme de santĂ©, ne semblait plus savoir ce qu’il voulait dire. Il s’est arrĂȘtĂ©. Donald Trump l’a regardĂ©. Cinq secondes interminables. Le prĂ©sident Biden a repris et dit : “Écoutez, nous avons enfin dĂ©fait Medicare.” Voulait-il prononcer “nous avons enfin dĂ©fait le Covid” ? Il a dit qu’il avait dĂ©fait le systĂšme d’assurance maladie pour les personnes ĂągĂ©es. Quel lapsus.

DĂ©sormais, les choses sont plus simples : si le prĂ©sident ne prend pas la dĂ©cision de se retirer, comme l’espĂ©raient beaucoup de dĂ©mocrates il y a deux ans avant qu’il ne dĂ©cide de se reprĂ©senter, s’il ne laisse pas le parti dĂ©mocrate trouver un candidat alternatif (la vice-prĂ©sidente Harris ? La gouverneure du Michigan Whitmer ? Le gouverneur de Californie Newsom ? Le gouverneur de Pennsylvanie Shapiro ? Le sĂ©nateur de GĂ©orgie Warnock ?), il est probable qu’il restera dans l’histoire comme celui qui, par orgueil, a laissĂ© Donald Trump, condamnĂ© au pĂ©nal, accusĂ© par certains AmĂ©ricains d’avoir participĂ© Ă  une tentative de coup d’État parce qu’il refusait sa dĂ©faite, redevenir l’homme le plus puissant du monde.

Certains dĂ©mocrates auront peut-ĂȘtre le courage d’aller Ă  la Maison-Blanche pour essayer de le faire renoncer Ă  sa candidature. Des donateurs mettront la pression. Ils devront surmonter la fiertĂ© tenace d’un homme qui a pris, au crĂ©puscule de sa vie, sa revanche sur tous ceux qui l’ont toujours sous-estimĂ©.

Mais seul Joe Biden, avec les conseils de son Ă©pouse et de sa sƓur, peut prendre cette dĂ©cision.

Si Trump est une menace et que la dĂ©mocratie est en jeu, comme il le rĂ©pĂšte, alors Biden doit se retirer. Son devoir de citoyen, son serment de prĂ©sident et sa boussole morale -comme disent les AmĂ©ricains- exigent un acte d’humilitĂ© et d’altruisme.

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Philippe Corbé

Journaliste / Auteur du roman "Cendrillon est en prison" et des essais "J’irai danser à Orlando" et "Roy Cohn, l’avocat du diable" chez Grasset