ChatGPT : Elon Musk va-t-il tuer Google ?

Cyril Dever
5 min readDec 15, 2022

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Non, ce post ne traite pas du rachat (polémique) de Twitter par le patron de Tesla et SpaceX, mais oui, la question se pose après l’avalanche de réactions provoquées par le lancement du dernier avatar de cette autre initiative du serial entrepreneur.

Après les soubresauts du scandale FTX qui n’en finissent plus de secouer le monde des cryptos, la tech rebondit ces jours-ci en suivant les nouveaux exploits d’OpenAI, société fondée en 2015 par une sacrée brochette de personnalités (outre Musk, on y trouve l’actuel PDG Sam Altman, Reid Hoffman (LinkedIn), Peter Thiel (PayPal) ou encore Jessica Livingston de Y Combinator), et qui vient donc de lancer ChatGPT.

Honnêtement, Elon Musk n’est plus vraiment pour grand-chose dans l’émergence de ce robot conversationnel. Il s’est éloigné d’Open AI en 2018. Mais il fallait bien attirer le chaland ;-)

Vous avez dit ChatGPT ?!

Entreprise dite à « but lucratif plafonnée » en intelligence artificielle, OpenAI a déjà défrayé la chronique technologique avec ses versions successives de son modèle de langage GPT, acronyme pour Generative Pre-trained Transformer, du nom d’une forme d’apprentissage profond (deep learning) inventée en 2017 par une équipe de Google Brain, ce qui n’est pas sans une certaine ironie, comme nous allons le voir.

La puissance de GPT-3 et de ses 175 milliards de paramètres a ainsi poussé l’entreprise à ne plus le distribuer en open source, ce qui était sa vocation initiale, par crainte d’un usage détourné et malintentionné de ses algorithmes mais aussi parce que ces derniers nécessitent des ordinateurs disposant d’une mémoire vive bien supérieure à ce que l’on peut trouver sur le marché.

ChatGPT est le dernier produit issu de la famille GPT (dans sa version 3.5 en l’occurrence). Lancé le 30 novembre dernier, il est accessible gratuitement à travers une interface minimaliste. Les premiers tests ont époustouflé la plupart de ses utilisateurs.

Le succès fait qu’il est aujourd’hui parfois compliqué d’y accéder. Nul doute que ses ingénieurs sauront régler ce problème de scalabilité sous peu mais vous avez sans doute à peu près tous reçu dans vos notifications des messages de relations qui ont réussi à s’en servir et qui se disent bluffées.

Techniquement, il s’appuie sur une énorme banque de données et un type de réseau de neurones, les transformeurs, qui exploitent des mécanismes dits d’attention permettant d’adapter les traitements réalisés lors de l’apprentissage en fonction du contexte à l’aide d’un modèle dynamique du langage. Très performants grâce à leurs caractéristiques qui permettent la parallélisation des tâches, ils sont vite devenus les outils de référence des data scientists pour le traitement automatique du langage naturel (NLP). Revisités par OpenAI, ils ont d’abord donné DALL-E (prononcez Dali), un outil capable de générer des images à partir d’une description textuelle. Réorienté vers le dialogue, ils viennent donc de produire l’agent conversationnel ChatGPT.

Un nouveau type d’interface de recherche

Comme je le disais, l’accueil général a été très positif. On tape quelque chose, il répond. Même si on n’a rien à dire. Et c’est plutôt pertinent bien que pas encore infaillible.

Parmi les difficultés que j’ai rencontrées, l’une d’elles se situe sur le fait qu’il est un peu trop autocentré. Après un échange sur un domaine technique pointu, j’ai ainsi demandé s’il était possible qu’il me suggère des lectures et j’ai une droit à une réponse toute faite m’informant qu’il n’était « pas en mesure de [me] recommander des ressources spécifiques » et me conseillant… de lire des livres sur le sujet !

En outre, j’ai quand même encore un doute avec son français. Je suis tombé sur certaines tournures de phrases pas franchement idiomatiques comme un « chez notre entreprise » un poil trop traduction littérale de « at our company » par exemple. Mais comme on me l’a gentiment fait remarquer, je pinaille et c’est probablement ce qui m’impressionne le plus : qu’on en soit aux pinaillages et plus à se dire que ça ne passe pas, qu’on repère l’IA à cent lieues, que n’importe quel enfant pourrait faire mieux, etc.

En réalité, à ce stade, si l’objectif de ChatGPT est bien de devenir un robot conversationnel, je pense qu’il lui faut encore bosser un peu, surtout dans ses versions dites internationales, c’est-à-dire pas en anglais, et c’est tout à fait normal à mon avis. Mais si l’objectif est de préfigurer une interface de recherche en langage naturel, je suis d’accord avec certains articles que j’ai pu lire qui évoquent le fait que celui qui est le plus en danger, c’est Google, et en particulier sa page de résultat de recherche, pivot de son modèle économique.

Dès la semaine de son lancement, plus d’un million d’utilisateurs s’étaient déjà convertis à ChatGPT. Tous semblent apprécier son interface plus « humaine » (un comble pour une IA !) et ses résultats qui peuvent prendre en compte progressivement les réponses précédentes pour améliorer la recherche, reconnaître ses erreurs ou encore s’excuser de ne pouvoir répondre.

Il y a du boulot

Évidemment, Google et encore moins sa maison-mère, Alphabet, ne sont en danger à court terme, ne serait-ce que parce que ChatGPT n’en est qu’à ses balbutiements et qu’il est pour l’instant bloqué sur un historique qui s’arrête en 2021, ce qui ne permet pas de le comparer avec les recherches du moteur de Google sur les sujets récents. Mais l’irruption soudaine de ce type d’interface et surtout les performances qui vont avec vont vraisemblablement obliger l’entreprise de Mountain View à revoir certaines de ses priorités de développement pour ne pas se faire déborder sur son terrain de jeu historique.

Alors, c’est vrai : Google dispose d’atouts qu’il faudra sans doute un peu travailler chez OpenAI, comme un marketing franchement plus élaboré pour toucher le grand public (ChatGPT, quel horrible nom !). Mais le pavé a été jeté dans la mare et nous sommes tous un peu éclaboussés du talent à nouveau démontré d’OpenAI (et indirectement d’Elon Musk) à penser le monde différemment. Que cela continue à nous donner des idées pour créer celui de demain en y ajoutant un poil de French touch ! À quand The Sandbox meets ChatGPT en VF ?

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