Haro sur FTX = haro sur la blockchain ?

Cyril Dever
4 min readNov 17, 2022

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FTX qui coule et c’est toute la blockchain qui tremble

Après l’effondrement éclair de la plateforme FTX la semaine dernière (que d’aucuns comparent déjà aux scandales Enron ou Lehman Brothers — ce qui, entre nous soit dit, revient à conférer aux cryptomonnaies une importance qu’elles n’ont probablement pas encore acquises dans l’économie mondiale), il serait tentant de jeter le bébé avec l’eau du bain, et de considérer que la technologie de la blockchain n’est pas aussi sûre qu’elle le prétend.

Sauf que, comme souvent, ce n’est pas la technologie qui est en cause ici mais l’usage qui en a été fait. Et comme toujours, dès que l’on parle de sécurité, c’est le facteur humain qui reste le point faible. Bitcoin n’est pas en cause, le protocole décrit par Nakamoto pas davantage. Au contraire, ce (probable) scandale démontre encore plus que c’est l’immixtion d’intermédiaires dans un système qui avait pourtant théoriquement décidé de s’en passer qui est à l’origine du problème.

Du mauvais usage du marché

FTX a agi comme une mauvaise banque en faisant exactement ce que la régulation du système bancaire a interdit il y a longtemps (dès après la crise de 1929 aux Etats-Unis) et que l’absence de régulation dans les cryptomonnaies a rendu possible à Sam Bankman-Fried. (Quel patronyme by the way ! Le banquier grillé… mais pas prêt d’être libéré des banquiers ;-)

Elle a renforcé l’adage d’Andreas Antonopoulos : « Not your keys, not your Bitcoin. » Si c’est un intermédiaire qui détient vos clés (FTX en l’occurrence), vous n’êtes pas réellement le détenteur de votre propre investissement.

Pourtant, il faut non seulement ne pas réduire la blockchain aux cryptomonnaies mais encore moins aux plateformes d’échange de ces cryptomonnaies ! La blockchain n’est pas l’ennemie. Appliquée avec intelligence, elle peut même créer un monde plus juste pour les créateurs de valeur et plus équilibré entre marques et consommateurs. C’est ce qui sous-tend la création du Web3.

Il est probablement déjà vrai que « trop de crypto tue la crypto ». D’ailleurs, qu’on les appelle cryptomonnaie ou jeton (dont les fameux NFTs), combien de ces actifs numériques contribuent effectivement à l’enrichissement du monde d’aujourd’hui ou de demain ?

Du bon usage de la technologie

Dans un post précédent, je m’emparais du sujet de l’avenir de la blockchain. L’épisode FTX ne fait que conforter mon point de vue : la clé, c’est l’usage. J’y ajouterais cependant une dimension qui m’a d’ailleurs guidé tout au long de la création de la blockchain de consentement chez Edgewhere : l’éthique.

Quand une technologie permet tout et surtout certains abus (FTX aujourd’hui, TheDAO hier, pour ne citer que les plus marquants), on doit en revenir aux fondamentaux. Ce n’est pas que la technologie soit mauvaise, c’est l’usage et plus spécialement l’éthique de ceux qui l’utilise qui doivent être remis en question. Pour les opposants farouches à toute régulation (ou les zélateurs de l’auto-régulation, ce qui revient au même), la chute de FTX est une piqûre de rappel douloureuse qu’un marché sans règle ni régulateur n’est peut-être pas vraiment un marché : ça ressemble davantage au Far-West, un monde sans scrupule où la complexité technique fait office de six-coups.

Vers une loi technoéthique ?

Après les normes dans le Metaverse, me voici donc en train de promouvoir une régulation dans la blockchain, et le tout en affirmant que ce n’est pas le règlementaire qui permettra à la technologie de s’épanouir. Que l’on ne s’y méprenne pas ! Je ne suis pas en train de faire l’apologie de la bureaucratie à la française où l’on empile normes et lois plus vite que son ombre.

Régulation, liberté, business, éthique : tout est question d’équilibre. La désintermédiation totale est évidemment tentante sauf que, chasser le naturel, il revient au galop : l’être humain préfère se tourner vers quelqu’un d’autre pour faire ce qu’il n’est pas sûr de réussir à faire lui-même « parce que c’est trop compliqué » (soi-disant…). Le mille-feuille des intermédiaires se construit dès lors inéluctablement, et avec lui son habituel lot d’acteurs plus ou moins véreux, plus ou moins talentueux. Là aussi, c’est dans notre nature. Il n’y avait pas de raison que les cryptomonnaies échappent à ces errements.

« Nous sommes revenus quelques années en arrière », reconnaît Changpeng Zhao, le fondateur et PDG de Binance, aujourd’hui leader plus que jamais indiscutable du secteur, interviewé par CNN. « Le régulateur scrutera à juste titre cette industrie beaucoup, beaucoup plus attentivement, ce qui est probablement une bonne chose, pour être honnête. »

Car oui, et ça m’attriste de l’écrire, la régulation est un mal nécessaire. Il est temps pour les cryptomonnaies que tout le monde s’entende vraiment sur ce moindre mal pour éviter que la confiance en la technologie qui les a créées ne disparaisse pour de bon, avec le risque de pénaliser ceux qui créent l’internet de demain, celui qui permettra à chaque créateur, petit ou grand, de tirer profit de son travail, et pas seulement aux grosses plateformes comme les GAFAM américaines et autres BATX chinoises. D’ici à imaginer une loi technoéthique à l’instar de ce qui se fait dans les sciences de la vie ? C’est déjà un sujet de longue date pour l’IA, alors autant y intégrer la blockchain, le Web3, le Metaverse et plus généralement tout ce qui a trait à l’univers digital, non ?

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