Uber, où sont passées tes promesses ?

Cyril Lacarrière
3 min readJan 17, 2017

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Quand tu es arrivé en France, tu as chamboulé notre manière de nous déplacer. Tu as même su donner du plaisir à un trajet en voiture. A Paris, ce n’était pas gagné ! La très symbolique berline noire, aux vitres teintées, n’était plus réservée aux célébrités ou aux puissants hommes d’affaires, Uber. Tu la rendais accessible au tout-venant. Un amusant entremêlement de vieux codes symboliques.

Appeler un chauffeur Uber était une expérience véritablement nouvelle. D’abord grâce à l’appli. Plus besoin de téléphoner à une centrale, de subir la musique d’attente, puis de s’entendre dire un samedi soir qu’il n’y aurait pas de voiture disponible avant 45–60 minutes. Tout était là, sur l’écran de notre smartphone. Facile à utiliser, ludique, on plongeait naturellement dans cet environnement où tout était fait pour nous simplifier la vie.

Très vite, le chauffeur arrivait devant chez vous et patientait que vous arriviez. Je me souviens de tes chauffeurs, Uber. Il sortait pour m’ouvrir la porte –j’en étais chaque fois un peu gêné et réclamais toujours qu’il ne bouge pas à notre arrivé–, il était toujours impeccablement habillé et très poli. A peine démarré, il me demandait ce que je voulais écouter. “Une petite soif ? Il y a une bouteille d’eau à votre disposition. Et des bonbons dans la portière”. Ce n’était pas grand chose, mais ça faisait la différence. Je me sentais bien dans tes voitures, Uber. J’aimais cet espace de tranquillité et de convivialité, où je me suis même assoupi en quelques occasions.

Et puis les choses ont changé. D’abord de manière imperceptible. Un peu moins prévenant en arrivant, un peu moins de bonbons, des bouteilles dont “la dernière vient juste d’être terminée par le client avant vous”, des stations de radio qu’on me propose de moins en moins souvent de choisir. Les taxis ont RMC, les Uber ont Generation 88.2. Ôh bien sûr, je peux toujours demander une autre station, mais tu conviendras, Uber, que la démarche n’est plus la même.

Désormais, à peine arrivé, ton chauffeur m’appelle pour me dire qu’il est là. Dis-moi si je me trompe, mais j’ai le sentiment que ce qui pourrait paraître comme un meilleur service est surtout une manière de me dire de ne pas traîner. De me rappeler que le compteur ne démarre que lorsque je suis à bord.

Parfois, mon chauffeur Uber n’est plus devant chez moi. Il est un peu plus loin. S’il me voit, il me fait un appel de phares pour que je le rejoigne. Il peut aussi être de l’autre côté de la route et attendre que je traverse. Une fois, je t’ai appelé, Uber, pour que tu ramènes une amie très âgée, en sortant du cinéma. Il a fallu marcher 150 mètres pour te trouver. “C’était plus simple pour stationner”, m’as-tu répondu. Ce soir-là, comme tout le temps dorénavant, ton chauffeur ne sort plus pour m’ouvrir la porte. Tu me répondras que ça m’évite d’être gêné. Ce n’est pas faux, mais question service, je n’en sors pas gagnant.

Un constat valable aussi pour la tenue de tes chauffeurs. Nous sommes passés du costume-cravate presque trop formel à du streetwear, voire carrément du sportswear. Le tout parfois agrémenté d’un bonnet ou d’une casquette. A titre personnel, je trouve que la casquette ou le bonnet, ça peut donner un style assez sympa. Seulement voilà, ce n’est pas ce que tu nous as vendu Uber. Tu te prévalais d’un certain standing. Le survêtement, le jean troué, la doudoune Chevignon, ce n’était pas dans notre deal.

Même ta voiture n’est plus impeccable, Uber. Elle ressemble à la mienne. Un peu mal entretenue, quelques miettes, un peu de poussière, … Une bagnole quoi. Le trajet perd en fluidité aussi. Tes chauffeurs sont dépendants de Waze et ne savent tout simplement plus lire la route devant eux. Il leur arrive même de jongler, en roulant, avec un autre téléphone. De quoi m’éviter tout assoupissement.

Ce que je te dis là, Uber, n’est pas toujours vrai. Il y a toujours des trajets qui ressemblent à ceux d’avant mais les normes se sont inversées au détriment du consommateur.

Uber, j’ai toujours su que tu n’étais pas un philanthrope mais je n’aime pas avoir l’impression que désormais seule la productivité compte. Que tu rognes doucement mais sûrement sur la qualité du service tout en augmentant tes tarifs. Je n’aime pas que tu aies imposé un standard pour gagner des parts de marché, et une fois la valeur captée, que celui-ci devienne médiocre. Ta nouvelle économie ressemble drôlement à l’ancienne, Uber.

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