Comment la systémique a changé ma vision du monde ? (3/3)

Dan Dang
Impact Responsable
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9 min readSep 25, 2023

Après avoir respectivement dressé l’état des lieux, et proposé des solutions alternatives, ce troisième article vise à partager des récits d’initiatives “inspirantes”, pour montrer qu’il est possible d’avoir un impact positif, chacun.e à notre niveau.

Pour ce faire, j’ai eu la chance d’assister à la conférence “Demain c’est maintenant” qui a eu lieu le 29 juin dernier, à la société de Géographie, à Paris.

Tout d’abord, le choix du lieu m’a paru symbolique, et particulièrement pertinent par rapport aux enjeux que cette conférence entend adresser.

En effet, sa promesse est : “La conférence pour aider celles et ceux qui souhaitent avoir davantage d’impact écologique et/ou social dans leur activité professionnelle.”

Voici le top 3 des interventions que j’ai trouvées les plus inspirantes :

  1. Comment j’ai écrit mon nouveau récit ?” par Benoît Rolland de Ravel, coach, formateur, psychologue social, co-auteur de la Fresque des Nouveaux Récits
  2. La croissance au service des gens (et non l’inverse)” par Jonathan Salmona, co-fondateur de Shodo
  3. Des banques d’affaires à la décarbonation des affaires” par Raphaël Montfort, consultant & formateur — stratégie climat

1Comment j’ai écrit mon nouveau récit ? par Benoît Rolland de Ravel

La première intervention qui m’a marqué est la Keynote de Benoît Rolland de Ravel, coach, formateur, psychologue social, et co-auteur de la Fresque des Nouveaux Récits.

Benoît a élaboré sa Keynote de la façon suivante :

  1. D’où je viens ?
  2. Qu’est-ce que je fais aujourd’hui ?

Il avait comme ambition initiale de devenir footballeur professionnel, et le plan a plutôt bien fonctionné jusqu’à ses 16 ans.

Âge auquel il a commencé à devoir réviser ses ambitions, et pivoter vers d’autres horizons, parmi lesquels des études à Sciences Po, puis à l’ESSEC, suivies d’une école d’avocats, et des fonctions de juriste, et enfin lobbyiste.

Le tournant de son existence intervient lorsqu’il se fractura la clavicule, et dût par la force des choses ralentir.

Il saisit alors cet événement comme une opportunité de prendre du temps et bifurquer.

2 déclics interviennent lors de ce repos forcé :

  1. Déclic numéro 1 : le documentaire “En quête de sens” décrivant l’être humain tantôt comme un virus, tantôt comme un anticorps de la nature, en fonction de son comportement
  2. Déclic numéro 2 : la lecture du livre “Réinventer sa vie professionnelle… quand on vient de la commencer”, et sa participation à 2 séances de coaching avec l’une des 2 auteures du livre “Trouver sa voie

1 statistique l’a particulièrement marqué concernant la France : 7 salariés sur 10 sont désengagés au travail.

Il décide alors de donner une nouvelle orientation à sa carrière professionnelle en tant que consultant en bilan de compétences, transition professionnelle et écologique. Celle-ci passera par l’étude de la psychologie sociale et l’écriture d’un mémoire sur la quête de sens.

Pendant un moment, il exercera en tant que juriste en droit public et environnemental, à temps plein, puis à temps partiel, avant de basculer à plein temps sur son nouveau projet personnel.

Afin de trouver sa voie, il a utilisé le cercle d’or de Simon Sinek pour définir son WHY (pourquoi) : sens et désir.

Il souligne notamment la différence entre “effort plaisir” et “effort souffrance”.

Selon lui, la vision des français sur l’écologie, est liée à la notion de “privation”, évoquant le biais cognitif du manque.

Partant de ce constat, il propose de substituer, pour pallier au manque.

Et pour cela, il va développer des compétences en développement personnel, coaching, et co-créera la Fresque des Nouveaux Récits.

Puisque de son point de vue, la mise en action est un terreau fertile pour diminuer l’éco-anxiété, il identifie 3 enjeux autour de facteurs humains et organisationnels sur lesquels il choisit de s’investir.

1er enjeu : un travail qui a du sens

2 citations autour de cet enjeu ont retenu mon attention :

  • Celui qui a un pourquoi peut endurer n’importe quelle commande.” ~ Victor Frankl, logothérapeuthe
  • Un travail aliéné produit un loisir aliéné.” ~ Bernard Friaud, psychologue du travail

Il a illustré la deuxième citation avec le concept de “souffrocratie” dans les cabinets d’avocats menant à un système de compensation, en voyageant loin (ex. : aux Seychelles pour compenser les efforts fournis au travail).

Un autre exemple que j’ai lu récemment dans la presse, est le phénomène d’achat compulsif de produits de luxe de la part de certain.es cadres chinois pour compenser le stress vécu en entreprise.

2e enjeu : la notion de bonheur

Il le lie à la qualité des relations sociales illustrée par la citation suivante : ”si vie bien vécue, moins de peur de la mort.”

Selon lui, pour être heureux, il faut se concentrer sur la façon dont nous pouvons améliorer la qualité de nos relations sociales.

3e enjeu : le sentiment d’impuissance

Aux personnes qui pensent que leur action est une goutte d’eau dans l’océan, les 2 citations suivantes m’ont particulièrement inspiré 🙂 :

  • Si suffisamment de personnes y croit, cela crée une nouvelle réalité (prophétie auto-réalisatrice)
  • Nous sommes la somme des 5 personnes avec lesquelles nous passons le plus de temps.” ~ Jim Rohn, entrepreneur américain, écrivain et coach en développement personnel et en motivation

Autrement dit, c’est dans l’action collective, si petit le collectif soit-il dans un premier temps, et la recherche de sens que nous arriverons à faire la différence, en influençant progressivement nos cercles et notre réseau proche.

En synthèse, l’enseignement principal que j’ai retenu de sa Keynote est l’importance fondamentale de créer de Nouveaux Récits, notamment à travers l’Atelier qu’il a co-créé, à savoir la “Fresque des Nouveaux Récits”.

Celle-ci s’appuie sur 3 leviers permettant d’avoir un plus grand impact, et de mettre les gens en action :

  1. Résistance / désobéissance civile
  2. Créer des alternatives (nouveaux récits)
  3. Événements historiques

La logique des Fresques se base sur des passeurs sociaux (les animateurs/trices) via des mécanismes endogroupes (internes à un groupe social).

Il est utile de retenir que toute idée révolutionnaire passe par 3 phases : Ridicule > Dangereuse > Évidente.

Ces phases répondent également à la notion d’homéostasie évoquée dans l’article précédent, à savoir qu’un système se défend s’il est attaqué.

Pour construire de nouveaux récits, il pourrait être intéressant de reprendre le concept d’entreprise “contributive”, dont la raison d’être est alignée avec la contribution à un enjeu environnemental.

NB : La sphère d’intervention de Benoît Rolland de Ravel se situe à l’intersection des 2 angles du Triangle représentant la Planète et l’Humain.

Triangle Responsable “Planète / Humain”

Liens utiles ou pour aller plus loin :

  • La Marche du Temps Profond, ou Deep Time Walk, expérience pédagogique d’écologie profonde co-créée par Stephan Harding et Sergio Maraschin en 2007 au Schumacher College (UK), basée sur les théories scientifiques les plus reconnues de notre époque. — https://www.deeptimewalk.org/
  • Se concentrer sur son périmètre de contrôle (rappel du cours magistral d’Arthur Keller)
  • Pour passer l’étape de la crise existentielle, c’est à dire d’éco-anxieux à éco-heureux, la meilleure chose à faire reste de “passer à l’action

2La croissance au service des gens (et non l’inverse) par Jonathan Salmona

La deuxième intervention qui a retenu mon attention est celle de Jonathan Salmona, cofondateur de Shodo, et entrepreneur social.

Jonathan Salmona a occupé des postes de Management et fondé plusieurs sociétés de type “ESN” (Entreprise de Services du Numérique).

Pour démarrer son intervention, il dresse un constat sans appel sur l’état de santé de ce type de structures :

  • 30% de turnover au sein des ESN
  • Le doublement du nombre de Freelances depuis 2009

Ce qu’il souhaite que nous retenions à la sortie de son talk, ce sont :

  1. Des contenus activables
  2. Un REX (retour d’expérience)
  3. De la matière pour déconstruire les croyances limitantes

Pour contrer le constat précédent, il va décrire le modèle de Shodo, l’entreprise qu’il a co-fondée il y a de cela 4 ans et demi (21/02/2019).

Le modèle Shodo s’appuie sur les principes suivants :

  • Equilibre vie personnelle / vie professionnelle via des temps de formation, pour la vie personnelle, des séminaires, et des journées communautaires
  • Redistribution équitable de la richesse : capping des primes ou bonus à 26 k€, l’excédent étant versé sur un compte épargne temps ou la formation, avec un budget de formation pour chaque salarié de 5 k€
  • Capping du salaire des dirigeants à 3 fois le salaire le plus bas de l’entreprise
  • Suppression de la période d’essai
  • Congé menstruel, congé 2e parent financé par “Shororité” (sororité version “Shodo), prime de salaire au conjoint lors de la prise de congé parental
  • Les marges de la société sont totalement transparentes, et consultables sur “Pappers
  • Caper sa taille avec la notion de frugalité pour une croissance raisonnée

Concernant les éléments de déconstruction des croyances limitantes, Shodo a notamment supprimé la notion de :

  • Méritocratie qu’ils estiment trop subjective, leur grille de salaire est basée sur l’expérience et non l’école ou le diplôme d’origine, l’entreprise donne les mêmes avantages à tout le monde
  • Contrôle : donner de la liberté aux salariés peut faire peur, or seuls 3% de l’ensemble vont être toxiques (loi de Gordon Power), Shodo met notamment à disposition de chacun de ses salarié.es une carte bancaire d’entreprise
  • Peur de l’avenir : Shodo est fier de revendiquer 0 licenciement pendant la période du Covid, et 0 mise au chômage partiel

Concernant la méritocratie, une statistique intéressante mise en avant est la suivante :

  • 46% des fondateurs de startup viennent des Grandes Ecoles
  • 78% des fondateurs de licornes viennent des Grandes Ecoles

Afin de comprendre l’origine de ce rapport de force, il faut se plonger dans les risques associés à la création d’une entreprise :

  1. Perdre son investissement
  2. Faire des sacrifices
  3. Echouer
  4. Traverser des crises : pour ce point, la clé de la réussite est le réseau (d’où l’appartenance à celui d’une école renommée)

Preuves par l’exemple, cela donne quoi en chiffres ?

  • 100% de candidatures spontanées ou cooptations
  • 85% de recrutement direct
  • 94% de taux de transformation
  • +100% de candidatures féminines depuis la publication des mesures inclusives
  • 4 départs en 4 ans sur 4 filiales
  • 1 est parti, puis est revenu

2022 en chiffres :

  • 49,5 jours de congés
  • 12 journées communautaires
  • 3 voyages communautaires (séminaires)
  • La marge va dans les “souvenirs” (séminaires, etc.)

Et mieux partager / développer les compétences des collaborateurs/trices

  • 13 speakers/speakerines (dont 7 sans expérience il y a 1 an)
  • 5 orateur/trices Shodo à la conférence DevOxx

NB : La sphère d’intervention de Jonathan Salmona se situe à l’intersection des angles du Triangle représentant l’Humain et l’Argent.

Triangle Responsable “Humain / Argent”

3Des banques d’affaires à la décarbonation des affaires par Raphaël Montfort

La troisième et dernière intervention que j’ai fortement appréciée est celle de Raphaël Montfort, Consultant & Formateur — Stratégie Climat.

Le talk de Raphaël Montfort décrit son parcours initiatique, depuis ses études d’ingénieur à l’Ecole des Mines de Nantes, jusqu’à ses prises de conscience successives, de l’impact de ses activités initiales au sein des banques d’affaires à son pivot vers un modèle de vie porteur de sens face aux enjeux des limites planétaires et du dérèglement climatique.

Il aide aujourd’hui les entreprises à décarboner et à changer leur modèle d’affaires pour préserver le climat, via la réduction de leur empreinte écologique, en sa qualité d’ingénieur-conseil énergie et climat.

Si je devais résumer son intervention : chacune de ses découvertes, que ce soit la remise en cause de certaines vérités ou conditionnements sociétaux (Georges Charpak), en passant par la permaculture (Bill Mollison & David Holmgren), le végétarisme (Aymeric Caron), et le cycle de l’eau douce (Emma Haziza) l’ont conforté dans sa reconversion professionnelle, pour davantage vivre en harmonie avec la nature.

NB : La sphère d’intervention de Raphaël Montfort se situe l’intersection des angles du Triangle représentant la Planète et l’Argent.

Triangle Responsable “Planète / Argent”

Liens utiles ou pour aller plus loin (lectures et influences qui l’ont à chaque fois questionné sur son mode de vie) :

  1. Devenez sorciers, devenez savants, Georges Charpak
  2. Le Monde sans fin, miracle énergétique et dérive climatique, Jean-Marc Jancovici
  3. Comment tout peut s’effondrer: Petit manuel de collapsologie à l’usage des générations présentes, Pablo Servigne
  4. La ville stationnaire: Comment mettre fin à l’étalement urbain ?, Philippe Bihouix
  5. Permaculture tome 1 & 2, Bill Mollison & David Holmgren
  6. La Revanche de la nature: 27 leçons pour le monde d’après, Aymeric Caron
  7. Le plus grand défi de l’histoire de l’humanité, Aurélien Barrau
  8. Ruée minière au XXIe siècle : jusqu’où les limites seront-elles repoussées ?, Aurore Stéphant
  9. Crise de l’eau, planète terre invivable ?, Emma Haziza

Conclusion

Chacun.e de nous est différent.e, et a son propre parcours de vie.

Néanmoins, compte tenu de l’urgence d’agir face aux défis environnementaux de notre temps, il est important que chacun.e à notre niveau, nous puissions définir là où nous sommes les plus utiles et les meilleur.es (notre sphère de contrôle). Ceci, afin de faire des choses concrètes, des projets, et surtout communiquer dessus, en les documentant.

A l’image des 3 exemples précédents, que j’ai trouvé extrêmement inspirants, créez vos propres récits, racontez les, faites-vous aider en travaillant notamment avec des communicants, artistes ou Designers, afin de mettre en avant ce que vous avez accompli.

L’enjeu est de gagner la guerre des imaginaires, en proposant des alternatives sous forme d’“imaginaires inspirants vecteurs d’espoirs lucides”, en se basant donc sur des exemples concrets d’initiatives réussies.

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