J’ai analysé un million de titres de 32 médias francophones et voici ce que j’ai appris…

David Sallinen
7 min readAug 28, 2018

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Crédits: David Sallinen

Le titre n’a que quelques secondes pour capter l’attention et convaincre de liker, retweeter, commenter et peut-être lire votre info. L’ère de l’engagement facile à engranger est révolu ! Il vous faut gagner en qualité et apprendre à réajuster votre stratégie de contenus régulièrement. Découvrez les formules secrètes de 32 médias francophones pour rédiger des titres efficaces.

Pour espérer toucher son public cible, le titre revêt un caractère stratégique. Sur le smartphone, première porte d’entrée dans les contenus des médias, le journaliste n’a que quelques secondes pour convaincre de l’intérêt de lire son contenu et/ou inciter le lecteur à agir en le partageant à son cercle familial, d’amis ou encore professionnel : c’est ce que l’on appelle communément « l’engagement ».

L’engagement est donc une preuve que votre contenu ne laisse pas le lecteur indifférent. Nous pourrions d’ailleurs même affirmer que cet intérêt concret, mesurable, est une preuve de qualité du contenu. Il devient donc essentiel d’en comprendre les ressorts pour mieux valoriser vos contenus à l’heure où la chute de l’engagement sur Facebook n’épargne ni les célébrités, ni les marques, ni bien évidemment, les médias.

La quête de l’engagement

Pour élargir leur audience, trouver de nouveaux clients, fidéliser… les médias veulent impliquer leurs utilisateurs et concocter pour chaque article le meilleur agencement de mots qui saura faire mouche, tout en répondant aux exigences du SEO. Pas si simple, me direz-vous ! Mais de quoi se composent très précisément ces titres qui performent ?

1 million de titres, 11 millions de mots analysés sur de multiples critères

J’ai donc compilé, sur une sélection de 32 médias francophones, un échantillon d’un million d’articles, publiés entre le 1er janvier 2017 et le 30 juin 2018 ayant capté le plus d’engagement sur les plates-formes Facebook, Twitter, Pinterest. J’ai sélectionné les principaux médias francophones de référence français, suisse, belge et canadiens (Le Figaro, Le Monde, Le Temps, Le Soir, La Presse+, etc. J’ai complété cette liste avec les médias les plus performants sur mobile (BFMTV, 20 Minutes, etc.) et sites web (Francetvinfo, Ouest-France, etc.). J’ai également élargi l’éventail avec des médias de PQR, presse magazine, économique et d’opinion pour disposer d’une base large et variée. Retrouvez la liste complète des médias au bas de cet article. Puis, j’ai calculé la fréquence d’apparition de 11 millions de mots à partir de multiples critères dont les mots forts, faibles, négatifs, positifs, verbes, adverbes, etc.

Ne vous attendez pas à trouver LA solution miracle pour rédiger à coup sûr des titres pièges à clic, mais plutôt de découvrir 10 premiers aspects du titre sur lesquels vous devez être vigilant pour faire évoluer vos pratiques et développer l’engagement.

Prochainement, il y en aura d’autres ;-)

10 points pour construire des titres qui fassent sens aux lecteurs

1 — Qui est le protagoniste ?

61% des titres qui ont su engranger le plus d’engagement comprennent le nom d’un protagoniste : personne, société ou n’importe quelle entité.

Ce taux varie du simple au double sur l’échantillon analysé. Les deux médias à détenir les taux les plus élevés sont L’Equipe et Le Soir, quotidien belge de référence.

2 — Où se passe l’action ?

58 % des titres mentionnent également un lieu géographique ou ont recours aux adverbes de lieu.

Ce taux varie également du simple au double sur les 32 médias étudiés. Les deux premiers médias à avoir les taux les plus élevés sont Midi Libre et Francetvinfo.

3 — Quel est le chiffre-clé à retenir ?

20 % des titres comprennent une information chiffrée, qu’elle soit en toutes lettres ou sous la forme d’un nombre.

Sur les 32 médias étudiés, ce taux varie du simple à un peu plus du double. Les deux médias à avoir les taux les plus élevés sont La Montagne et Francetvinfo.

4 — Quelle est la date à retenir ?

17 % des titres comprennent une référence liée à une date ou à un moment précis.

Ce taux varie du simple au triple sur l’échantillon étudié. Nice-Matin et La Voix du Nord sont les deux premiers médias à détenir les taux les plus élevés.

5 — Les mots faibles : apprenez à être plus précis pour réduire leur présence !

Si L’Equipe et Le Télégramme ont le taux le plus bas de mots faibles, on note que la queue du peloton est occupée par deux titres de PQR.

Qu’entend-on par mot faible ? Ce sont principalement les mots vagues, imprécis tels « on, certains, moins, autour de… ». Vouloir éradiquer tous ces mots généralistes ne serait pas forcément souhaitable, ni faisable. Cependant, on peut toujours s’améliorer !

Exemple avec le mot faible « moins » :

  • Ryanair va offrir des vols moins chers aux étudiants Erasmus (Le Figaro)

Et si nous remplacions « moins » par le pourcentage de la réduction ?

Cela donnerait :

  • Ryanair offre 15 % de réduction sur ses vols aux étudiants Erasmus

Et vous ? Connaissez-vous votre taux de mots faibles sur vos articles les plus partagés ? Êtes-vous prêts à faire un peu plus d’effort pour les traquer et vous rapprocher des meilleurs ?

Mémo de quelques mots faibles (extraits de ma liste de 300 mots) :

  • Occasionnels
  • Peu à peu
  • Peut-être
  • Presque
  • Varier

6 — Les mots forts permettent de créer le déclic mais attention à ne pas survendre l’info !

Les mots forts et les superlatifs sont essentiels pour capter l’attention du lecteur. Ils sont là pour dynamiser le titre et bien faire comprendre au lecteur que cette info est vraiment très importante.

Exemples :

  • Le pain industriel déferle sur la Suisse, les boulangers se révoltent (Le Temps)
  • Biens mal acquis : l’incroyable fortune du fils du dictateur guinéen, condamné à Paris (L’Obs).

L’usage des mots forts est également l’occasion de délimiter son territoire de marque en direction de publics cibles. Vous l’aurez compris, selon le positionnement du média, le choix des mots varie.

Prenons l’exemple des deux médias qui arrivent en tête avec un taux le plus élevé de mots forts : L’Obs et Le Temps, en écartant volontairement les mots forts de premier rang (toujours, doit, attentat, crise… ), bien souvent identiques d’un média à l’autre. Maintenant, concentrons-nous sur les mots forts de deuxième rang qui sont davantage parlant pour décrire le positionnement de ces médias et la manière dont ils veulent impliquer, mobiliser leur communauté autour de leurs contenus.

  • Pour L’Obs, un grand magazine d’actualité, les mots forts sont : prison, jamais, interdit, fusillade, toujours, mondiale, scandale, très, attaque, tué…
  • Pour Le Temps, media de référence de suisse romande, les mots forts sont : sommet, meilleur, choc, héros, défie, engage, puissance, unique, folie, vertu…

En fait, ces mots-clés permettent de construire dans la durée la relation avec la communauté et ne sont absolument pas interchangeables d’une marque à l’autre. Évidemment, appliqués à un sujet ou une rubrique, ces mots deviennent stratégiques à maîtriser.

A l’opposé, les médias qui ont le taux de mots forts le moins élevé sont deux titres de PQR et un titre québécois.

Ainsi, pour accrocher le lecteur, le choix des mots fort est crucial surtout pour les contenus les plus différenciateurs, uniques… Bien évidemment, il faut veiller à ne pas dénaturer l’info, sinon l’effet sera contre-productif.

Connaissez-vous vraiment les mots forts de vos concurrents qui provoquent l’engagement ? Êtes-vous satisfait de vos mots forts actuels ? Les connaissez-vous ? Sur quels mots forts souhaitez-vous construire votre réputation future ?

Mémo de quelques mots forts (extraits de ma liste de 1.500 mots) :

  • Choc
  • Condamné
  • Géant
  • Supprimer
  • Trop

7 — Les mots négatifs, savoir les utiliser à bon escient.

Les mots négatifs génèrent une grosse part des engagements et ne sont surtout pas à bannir !

Exemples de titres forts avec des mots négatifs :

  • Émilie, 14 ans, harcelée, humiliée, suicidée (Le Temps)
  • Stress, douleurs… Les artisans du BTP souffrent (L’Express)

Quels médias n’hésitent pas à en faire un argument fort de ventes ?
France-Soir est le premier média de l’échantillon, suivi de L’Express, Marianne et le NouvelObs. Tandis que les médias dont la fréquence de mots négatifs est la moins élevée sont : L’Equipe, un titre de PQR, et deux titres B2B. La vraie question est donc : connaissez-vous l‘impact de l’usage des mots négatifs de votre média ?

Mémo des mots négatifs (extraits de ma liste de 2.500 mots) :

  • Aberration
  • Absurde
  • Accablant
  • Agacer
  • Agonie

8 — Les mots positifs : pour construire une relation forte

Les mots positifs permettent d’évoquer d’autres univers bien moins anxiogènes, oppressants… que l’actualité parfois bien grise. D’ailleurs, les contenus à durée de vie longue et les articles d’analyse y ont souvent recours.

Exemples de titres avec Les Echos :

  • Les 20 qualités qui séduisent le plus les recruteurs
  • Les fragilités du miracle espagnol
  • Le bio : solution miracle ou vrais problèmes ?

Les Echos et La Tribune, deux médias économiques, occupent respectivement la première et deuxième place avec les taux les plus élevés. A noter que cette seconde place est également partagée avec La Croix, premier media généraliste de cette catégorie. A l’inverse, les deux médias ayant les taux de mots positifs les moins élevés sont un titre de PQR et un site d’un média télévisuel. Et vous, êtes-vous certain que vos titres contenant des mots forts positifs ont, bel et bien, un impact supérieur que vos autres contenus lambda ?

Mémo de quelques mots positifs (extraits de ma liste de 1.600 mots) :

  • A l’unanimité
  • Abondance
  • Adapter
  • Admirable
  • Adulé

9 — Citez les propos forts de personnalités célèbres ou locales

17 % des titres captant le plus d’engagements comprennent une citation.

Ce taux varie du simple au quadruple sur l’échantillon analysé.

10 Comment… VS Pourquoi… ?

Sur les 5 principaux médias généralistes de référence que sont Le Figaro, Le Monde, Le Temps, Les Echos, Le Soir, le « Comment… » est plébiscité à hauteur de 53% des adverbes interrogatifs contre 34% pour le « Pourquoi… ». Il semblerait que les lecteurs préfèreraient le « Comment » au « Pourquoi ».
Cependant, ma prochaine étude sur les pure-players (Médiapart, Les Jours, Mediacités, etc.) ne confirme pas ce premier constat.

Affaire à suivre…

Liste des 32 médias analysés : 20 Minutes, BFMTV, France-Soir, FranceInfo, L’Equipe, L’Express, L’Humanité, L’Obs, L’Opinion, La Croix, La Dépêche, La Montagne, La Presse, La Provence, La Tribune, La Voix du Nord, Le Dauphiné, Le Devoir, Le Figaro, Le Monde, Le Parisien, Le Progrès, Le Soir, Le Télégramme, Le Temps, Les Echos, Libération, Marianne, Midi Libre, Nice Matin, Ouest-France. Sud-Ouest.

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David Sallinen

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