Deborah de Robertis
16 min readMay 13, 2024
Série “on ne separe pas la femme de l’artiste” copyright ddr/

À #voustous : ON NE SEPARE PAS LA FEMME DE L’ARTISTE

J’ai violé les musées, du musée d’Orsay au musée du Louvre jusqu’au centre Pompidou. Je les ai pénétré de force, sans consentement ni autorisation, pour revendiquer ma place dans l’histoire. La violence de mes mots et de mes getes n’est que le reflet de la vôtre: voir performance Exposer mon sexe m’a exposé sans filtre à la violence patriarcale qui sévit dans ce milieu…

A #voustous, collectionneurs, critiques d’art, galeristes, historiens, directeurs d’institutions, de centres d’art et de musées…

Pratiquer un clivage misogyne, précariser les femmes artistes jusqu’à les faire céder dans le but unique d’avoir le sexe plutôt que l’œuvre, économiser sur la prostitution en se positionnant en « mécènes » pour trois francs six sous, nous offrir le « privilège » de votre « expertise » artistique afin de rentabiliser sur nos corps exploités, se présenter en bon sauveur se pensant meilleur homme que les autres, abuser de notre passion et de notre confiance en dénigrant notre puissance créatrice, faire de la charité artistique sous couvert d’amitié intellectuelle … tout cela et pire encore, pour quelques coups de queue, c’est tout ce que vous valez ? Il faut que cela cesse. C’en est assez, assez, assez.

Je ne sais plus, à force d’habitude, si vous êtes tous des agresseurs, des harceleurs ou des violeurs, mais vous êtes sans aucun doute des manipulateurs, des calculateurs, des prédateurs, des escrocs, des imposteurs et des censeurs ! Si l’un de vous avait voulu réellement, honnêtement, soutenir une artiste, alors pourquoi ne pas le faire sans abuser sexuellement de votre pouvoir ? Vous croyez-vous sérieusement altruistes ? À vos yeux, ce sont toujours les femmes qui sont naïves, séductrices, manipulatrices. N’est-ce pas vous, qui êtes naïfs de penser que vos agissements pourront rester à jamais secrets ? Vous seriez, vous, les “victimes” de voir se révéler au grand jour vos agissements systémiques ? Combien d’entre vous faudra-t-il encore accuser ?

À toi, Bernard,

Lors de ton appel inattendu du 17 août 2023 en réponse à mes plaintes remettant en question ton impartialité curatoriale voir post insta, tu m’as explicitement affirmé que je “cherchais à participer à une exposition”, insinuant au bas mot que ce que je dénonce pourrait s’apparenter à un chantage. Cela ne m’étonne guère et je te laisse libre de ta défense. J’ai finalement pris part à ton exposition au centre Pompidou en ayant l’impression que tu tentes d’acheter mon silence…

Ce jour-là, au téléphone, je t’ai confié que j’avais pris conscience de tes abus à mon égard et voici ta seule réponse sensée : « Rien ne suffira jamais ». À quoi ? A réparer le traumatisme que tu as toi-même nommé, et donc reconnu ? Soit, partons du principe qu’aucune réparation ne sera jamais possible. Cependant, il est toujours possible de créer, d’agir, de faire preuve de bonne foi, de faire un geste qui valorise mon œuvre. Mon sexe, lui, restera sali. Considérer que ce geste serait déjà fait en ayant exposé ma seule pièce dans l’unique but que je ferme la bouche, qu’hier tu me demandais d’ouvrir à ta guise, serait me jouir à nouveau à la gueule, et publiquement cette fois.

En effet, tu n’avais pas omis de m’inviter, quand il s’agissait d’abuser de mes 26 ans, via ton pouvoir. Ce deux poids deux mesures n’est rien d’autre que la preuve que, lorsqu’il s’agit d’hésiter entre pulsion sexuelle et ton désir artistique, ton choix est vite fait. Comme d’autres, tu n’as eu aucun remord à pénétrer mon sexe en étouffant mon travail. Il s’agit de mettre fin à cette invisibilisation asphyxiante qui dure depuis 15 ans. Si c’est un acte manqué d’avoir invisibilisé mon œuvre jusqu’à ce jour, alors c’est à l’occasion de cette importante exposition sur Lacan qu’il serait temps pour les hommes de pouvoir du monde de l’art à entamer leur propre analyse. Sinon à quoi bon ? Jacques Lacan dit, je cite : « Si nous sommes émus par une pièce ce n’est pas en raison de ce qu’elle représente d’efforts, ni de ce qu’à son insu son auteur y laisse passer. C’est en raison de la place à prendre qu’elle offre à ce qu’elle recèle en nous de problématique, notre propre rapport avec notre propre désir… ». Il s’agit d’avoir le courage d’assumer votre désir artistique, c’est-à-dire reconnaître publiquement la qualité de nos œuvres, plutôt que d’abuser de votre statut, sacrifiant l’œuvre des artistes femmes pour protéger vos intérêts…

Aujourd’hui, le préjudice découle d’un double mal infligé à mon corps de femme et d’artiste. Le second préjudice est réparable, pas le premier. Je vous demande donc de cesser de cacher mon œuvre afin de vous cacher de vous-même et des autres. Ma revendication personnelle est politique, car il existe un lien direct entre le viol et l’absence des femmes artistes dans les sommets du monde des arts. Le plafond de verre n’est pas un concept, il existe. Si dédommagement il doit y avoir, il se fera sur le terrain de l’art et, s’il le faut, par le biais de la justice, car c’est en raison du dévouement absolu envers mon œuvre que j’ai été trompée. Si l’on comprend ce qu’est l’art, c’est inacceptable, si l’on comprend ce qu’est une femme, ça l’est aussi. #noustous.tes sommes « l’Origine du monde »

Dès mon adolescence, j’ai vu des hommes abuser de leur pouvoir, toujours à des fins sexuelles. Cela a commencé avec les instructeurs de ski en excursion scolaire, puis un professeur de mathématiques. J’étais contrainte à accepter le jeu de séduction pervers de cet homme des années durant, alors que j’étais mineure. Comme #noustoutes j’ai appris à me soumettre, à sourire quand il me prenait la main, sa main dégueulasse posée sur la mienne, des heures durant, jusqu’au jour où il m’a plaqué contre le frigo. Tout, dans cette société, est organisé pour que les jeunes filles restent aliénées en tant que femmes adultes. Alors, pourquoi attendre des femmes qu’elles trouvent en elles-mêmes une conscience suffisante pour réagir instantanément à des millénaires de lavage de cerveau qui les conditionnent à la soumission sexuelle ? Ne serait-ce pas plus simple de vous demander d’arrêter les abus ?

Bernard, comme d’autres, tu t’es servi de ma chambre d’étudiante comme d’un hôtel de passe, sans mon consentement, pour assouvir tes besoins. A #voustous, ceux qu’on nomme “hommes de pouvoir” : Quand l’abus et la radinerie se côtoient, le résultat est d’une grande laideur. Où est la dignité derrière votre apparente “élégance artistique” ? Une travailleuse du sexe, au moins, ça se paye. D’ailleurs, à combien estimez-vous ma chatte aujourd’hui ? Non pas celle dans ma culotte, mais celle accrochée entre Fontana et Valie Export, non loin de l’Origine du Monde. Vous m’avez volé dans tout les sens du terme.

J’ai donc pris la décision d’organiser une performance qui répond à ce vol collectif — je me réapproprie une œuvre parmi les 250 exposées au Centre Pompidou MetzP.as n’importe laquelle, la seule dont tu es le propriétaire : JE PENSE DONC JE SUCE d’Annette Messager. La toute première fois que j’ai vu cette pièce brodée, c’était dans ta chambre, accrochée au-dessus de ton lit conjugal. N’est-ce pas de te sucer que tu m’as ordonné sans en donner l’air, comme si c’était un dû, une transaction “artistique” ? httpVIDEO En me demandant ainsi une fellation face caméra tu démontres aux yeux de tous, que tu n’es pas digne de posséder cette pièce car tu occultes la deuxième partie de la phrase qui orne son œuvre : « Je pense » que ce n’est pas son autrice qui me contredira, n’est-ce pas ? Ta demande, par surprise sur un ton anodin, s’est transformée en ordre via la structure du rapport de force entre nous, c’est ce qu’on appelle l’emprise : qui fait du chantage ?

À toi Juan,

Tu as été mon professeur de performance à l’ERG, une école d’art “très ouverte”et je te craignais. En grand manipulateur, tu avais tout calculé. Lentement, tu t’es introduit dans mon œuvre pour atteindre ma bouche, mon cul, mon sexe. Tu as instauré ton emprise graduellement, de manière méthodique et méticuleuse. Après m’avoir observé, des années durant, tu as utilisé mes failles et le prétexte d’une aide à mon mémoire, pour instaurer ton jeu pervers. Tirant les ficelles de mon travail, tu as mis au défi mon audace de jeune artiste pour me faire céder à tes désirs les plus sombres, les plus sales, les plus inavouables. Usant de ton autorité de professeur pour me faire croire que je n’étais pas capable d’écrire, tu t’es introduit dans ma chambre d’étudiante chaque mardi pour « m’aider », abusant de mon corps de toutes les façons. Tu es allé jusqu’à me contraindre, pendant que tu me pénétrais, à écouter les fantasmes incestueux que tu cultivais sur ta propre fille. Pour arriver à tes fins, sous couvert de transgression artistique, tu m’as imposé de regarder des films pornographiques incestueux entre une fille et son père. Tu as poussé le vice jusqu’à me forcer à t’appeler comme tel. Tu as violé ta fille à travers moi. Tu as sali le nom de mon père en signant tes correspondances obsessionnelles par son nom. Tu m’as mise en position de te vouvoyer en cours alors qu’une heure avant j’avais ta queue au fond de ma gorge. Ça t’excitait. Paralysée par la honte et la culpabilité que j’ai retournées contre moi, j’ai été dans l’incapacité de te contredire, entièrement sous emprise de ton ascendant et du pouvoir qui te donnait le droit de juger la qualité de mon travail naissant. Tu m’as abusé un nombre incalculable de fois, fracassant ma confiance en moi, mon estime, mes fondations, mes barrières psychologiques et mes orifices.

À toi François,

Richissime collectionneur d’œuvres d’art et de femmes qui, avec la complicité de galeristes de renom tel que Perrotin et de tout le milieu, jouent les proxénètes en toute impunité en partouzant dans « les règles de l’art ». Sous couvert de mécénat, tu m’as mise sous ton emprise économique pour pouvoir faire de moi ta pute sous couvert de mécénat artistique. Je n’oublie pas ce jour où ton vrai visage s’est dévoilé et tes mots sans équivoque : « Maintenant, tu fermes ta gueule et tu écartes les cuisses ». Aujourd’hui, j’ouvre ma gueule et je ferme les cuisses. Je me souviens du jour où je t’ai rencontré à New York. Me voyant en galère, tu m’as dépanné de cinquante euros, avant de m’inviter à me doucher dans ta chambre d’hôtel luxueuse et réconfortante. Arrivée en haut tu m’as sauté dessus avec ton corps massif. Ce corps à corps a duré au moins une vingtaine de minutes. J’ai dû lutter de toutes mes forces pour que tu ne parviennes pas à pénétrer mon sexe.

À toi John,

Dans une logique de transaction abusive et culpabilisante, tu as très lourdement insisté pour obtenir de moi des faveurs sexuelles lors d’une interview dans le cadre de mon travail sur le nu. Je te filmais en toute confiance, avec ton consentement éclairé. Tu t’es arrangé pour m’éjaculer dessus hors caméra sans même que j’ai eu le temps de m’en rendre compte. Et une fois que tu as eu ce que tu voulais, ton regard s’est transformé et tu m’as brutalement menacée pour récupérer mes images. Ce jour-là j’ai eu peur, alors je me suis enfuie en pleine nuit.

À toi Fabrice,

J’ai cru voir en toi un véritable ami. Tu t’es présenté comme un sauveur. Je subissais, depuis des mois, pressions, intimidations, menaces déguisées et harcèlement de la part du directeur de la Citée internationale des arts. Cela faisait suite à une énième tentative d’abus de pouvoir sexuel que j’avais réussi à déjouer. Je t’avais confié que, lui aussi, obsédé par le sexe exposé dans mon travail, s’était arrangé pour s’inviter dans l’atelier où je logeais. Il avait poussé le vice jusqu’à tenter de susciter ma pitié dans une stratégie d’intimidation, comparant “Miroir de l’Origine”, donc mon sexe, au sexe de sa femme décapitée après un accident. Sidérée devant ces descriptions érotiques sordides minutieusement détaillées, dépendante de ce logement d’artiste, j’ai cherché de l’aide et un homme m’a dit : « vous vous attendez si vous exposez votre sexe ? »

J’ai pensé trouver refuge chez toi, Fabrice, et pour m’émouvoir tu as poussé le jeu jusqu’à me faire connaître ton fils. Ce geste m’a fait croire que tu avais partagé avec-moi ton intimité la plus précieuse, que nous étions des proches. « Tu es une des artistes les plus importantes de notre époque », m’as-tu dit sans ciller, abusant ainsi, sciemment ou non, de ton statut de directeur de l’un des lieux artistiques contemporains les plus renommés. De manière encore plus explicite que tous les autres, tu as éveillé en moi les plus légitimes espoirs de reconnaissance et de sécurité matérielle. Isolée et psychologiquement épuisée, des mois plus tard, j’ai baissé ma garde, ignorant que l’intimité sexuelle était la seule chose qui, chez moi, ne t’a jamais intéressée. Puis, du jour au lendemain, sans explication, après des années, tu m’as fermé la porte de chez toi et de ton musée. La violence de ton silence sur l’avenir de mon travail qui nous avait lié et que tu prétendais de la plus haute importance, m’a ouvert les yeux. Serais-je coupable, Fabrice, d’avoir cru en ta considération artistique et sincère ?

Mon sexe d’artiste mérite plus que ta bouche baveuse de beau parleur. Il mérite plus que d’être écarté dans la chambre à coucher des curateurs, des galeristes ou des directeurs de musée.

Et toi Bernard, je n’en ai pas fini avec toi, je n’oublie pas qu’à l’époque, du haut de ta posture d’historien de renom, reconnu pour tes positions transgressives, tu m’as dit : « On a besoin de gens comme vous », avant de m’inviter à te rencontrer. Suis-je coupable de t’avoir cru ? En tant qu’artiste qui expose son sexe, tu as été le témoin de la misogynie crasse que j’avais subie lors d’un jury dont tu faisais partie. C’est me sachant humiliée et affaiblie que tu as sciemment laissé planer le doute des années durant sur tes véritables intentions : le temps de te satisfaire pleinement et égoïstement de mon corps de jeune artiste engagée. Je n’oublierai jamais quand, en public, dans un bar, sans avertissement, tu m’as brutalement agrippé le sexe. Exactement comme les autres, cette agression a dévoilé ton vrai visage : « Moi les femmes, je les attrape par la chatte » disait Trump. Toi que dis-tu pour ta défense ? Ce soir-là, j’ai osé humblement te demander une simple lettre de recommandation artistique. À cet instant, au pied du mur devant ma demande légitime, j’ai aperçu dans tes yeux cette conscience de ton pouvoir sur moi : “je ne t’aiderai pas”.

Je constate que l’unique fois où tu m’as invitée à une exposition, que tu organisais pour Antoine d’Agata au BAL, tu m’as ignorée publiquement. L’exposition en question était celle d’un homme travaillant, comme moi, sur la prostitution et le modèle « féminin ». Après m’avoir reniée en tant qu’artiste, tu n’as pourtant pas oublié de m’inviter chez toi, et ce après l’exposition. Toi qui as organisé des rétrospectives pour des hommes qui exploitent les putes au nom de la subversion artistique, tu traites une artiste en putain au nom de quoi ? Le sort des femmes artistes serait-il d’être prostituées dans les œuvres et en dehors, mais pas plus ? Qui est l’opportuniste ?

Je refuse que nous soyons accusées d’opportunisme pour avoir demandé ne serait-ce que l’égalité des droits. Je refuse que nous soyons accusées d’être vénales pour avoir voulu la reconnaissance de notre travail. Je refuse que nous soyons accusées d’être naïves pour avoir eu confiance en notre qualité d’artiste. Oui, mon œuvre mérite d’être exposée et non violée. Puisque vous affirmez que vous “n’êtes pas tous les mêmes”, alors prouvez-le ! Pourquoi ne pas envisager une exposition publique qui redonnerait sa dimension politique à ce corps d’artiste que vous avez déchiré en deux ? Vous avez voulu séparer la femme de l’artiste, sans mon consentement. Comment pouvez-vous réparer le préjudice causé à l’intégrité de mon œuvre, sinon en exposant mon travail dans les meilleures conditions ? Par respect pour mon œuvre vous me devez au moins ça!

Pourquoi pas Bernard, au centre Pompidou, plutôt que dans ce que tu appelles “ta garçonnière” ? Pourquoi Fabrice, ne pas l’envisager au Musée d’art moderne de la ville de Paris plutôt que dans ton lit ? Pourquoi, Jonathan, ne pas acquérir l’une de mes œuvres plutôt que de négocier mon sexe ? Pourquoi pas Jean Yves, me permettre d’avoir un atelier d’artiste sans chantage sexuel ? Pourquoi, François, ne pas m’exposer dans la galerie de ton cher ami Perrotin, plutôt qu’aux Chandelles ? Et toi Juan, comment me dédommager de l’irréparable ? Vous avez fait des choix. Un flou artistique pourrait laisser croire qu’entre artiste et historien, curateur ou critique, il n’y aurait pas de position hiérarchique ? Faux. Notre avenir est aujourd’hui encore entre vos mains ridées et baladeuses…

Où étiez-vous et vos zizis dressés quand ce sexe dans lequel vous avez “tripatouillé” — selon tes mots, Bernard, (voir vidéo) — faisait le tour de la toile et se faisait humilier publiquement, harceler, menacer de mort ? Où êtes-vous aujourd’hui ? Il serait temps, avant de partir à la retraite, de faire enfin votre travail de critique, d’historien, d’intellectuel : de trouver un lieu et un budget d’exposition pour me permettre de rebâtir l’œuvre que vous avez tué dans l’œuf, avec préméditation pour ne laisser aucune traçe de vos agissements. Ce dédommagement artistique se doit d’être à la hauteur du préjudice causé, c’est-à-dire d’une exposition dont le coût de production soit proportionnel au capital symbolique que vous avez violé.

Le pouvoir “masculin” devrait pouvoir servir à autre chose qu’à faire du milieu de l’art contemporain un bordel de vieux bourgeois en rut, non ? Que faites-vous des responsabilités que l’on vous a confiées ? Si l’un de vous avais décidé d’écrire un texte critique, d’exposer, d’acquérir, de collectionner mon sexe plutôt que fourrer vos doigts dedans, alors aujourd’hui ma vie serait différente. Il est temps d’assumer vos fonctions et vos actes, osez donc exposer au grand jour mon sexe que vous avez dégueulassé, puis subtilement blacklisté, l’excluant loin, très loin de votre terrain de chasse…

Puis, une fois qu’on a bien morflé, devenues plus assez jeunes pour que vous en profitiez, vous nous récupérez au Centre Pompidou pour jouer les féministes. Je pense aux femmes ici exposées telles qu’Ana Mendieta, Orlan, VALIE EXPORT Louise Bourgeois, et tant d’autres, dont Annette Messager qui dans son œuvre dénonce déjà explicitement de “devoir sucer” pour être exposée.

“La femme n’existe pas”, affirme Lacan. “Elle est multiple”, ose prétendre la reformulation féministe dans le cadre de cette exposition lui étant dédiée. Mon sexe photographié, lui aussi est multiple : une multitude de pièces sont nées dans l’endettement, la précarité artistique, le désarroi et la colère ! Si j’ai du talent, levez-vous pour mon travail, et si vous osez soudainement affirmer que je n’en ai pas alors répondez de vos actions.

Messieurs, quelle ignorance d’imaginer une seule seconde que l’abus ne ferait pas mal lorsqu’il est commis sans violence explicite. Ce torrent de foutre dont vous vous êtes déchargés a laissé en moi à jamais la trace blanchâtre de votre profond mépris. Combien d’années ai-je perdues sans parvenir à m’aimer assez pour vous adresser ces mots ? Combien de tourments et d’errances psychiques des plus sombres avant que, avec l’aide de ma psychanalyste, je n’accepte l’évidence ?

Je n’oublie pas les petits joueurs tels que toi, Alain. Comme tous ceux qui tiennent les rênes du marché, tes collections d’œuvres hors de prix te donnent autorité. Que fais-tu de ce pouvoir ? 1 euro est la somme que tu m’as proposé lors d’une négociation artistique dans le cadre d’un projet féministe. Cette somme en dit davantage sur toi que sur la valeur de mon travail.Rarement j’ai été témoin d’un sexisme ordinaire aussi assumé. M’humilier jusqu’aux larmes, tu es le seul à avoir réussi cet exploit. En bon misogyne, après m’avoir déstabilisée du haut de sa position de décideur de l’art, tu m’as prise dans tes bras… Jouer de notre sentiment d’illégitimité pour mieux t’excuser par la suite, était-ce là ta seule stratégie de séduction perverse ? J’ai pu constater que cracher sur les femmes artistes en devenir, du haut de ta position, ne t’empêche pas de jouir, bien au contraire. Pourquoi pas Alain, avoir la décence d’acquérir la photo exposée de ce sexe dans lequel tu as éjaculé ?

À ce jour, un seul galeriste fait exception : il se nomme Massimo Minini . Il a donné sans prendre, m’a offert mes premières épreuves d’artistes, a soutenu et exposé mon travail de jeune artiste féministe polémique à la Fiac sans ambiguïté. Son audace aurait dû être la norme et rien d’autre. Et je garde espoir, que les Massimo existent dans le monde de l’art, car nous, artistes, nous avons besoin d’hommes et de femmes comme lui : amoureux de l’art…

Alors, en attendant que tu fasses ton introspection, Bernard, je te redis publiquement ce que je t’ai fait entendre au téléphone, et je vous le dis à tous : rien n’achètera mon silence. Ni même les mots déchirants de ta propre fille qui, je le conçois, ne peut croire que son papa serait un homme “monstrueux”. Je m’en remets à Adèle Haenel qui, bien avant moi, avait trouvé les mots : “Les monstres n’existent pas, ce sont nos amis, nos oncles, nos frères, nos pères, nos amants, nos amours”. Et si l’on ne veut pas que demain nos fils reproduisent les abus qui sont la norme de ce système patriarcal alors cela nécessite de sortir du déni, de reconnaître que l’on peut apparaître comme un bon papa et être un abuseur à la fois.

Aujourd’hui, à #voustous, Bernard Marcadé, François Odermatt, John Sayeg, Jean Yves Langlais, Fabrice Hergott, Juan D’Oultremont, Alain Servais , à #voustous, je vous offre l’opportunité par cette demande d’exposition de poser un geste artistique et politique et de décider quels hommes vous désirez être aux yeux de vos filles, vos fils, à mes yeux, à vos propres yeux. À vous de décider de quelle manière vous souhaitez tirer votre révérence dans l’histoire de l’art, qui demain sera aussi, celle des femmes.

J’appelle toutes les femmes, avec ou sans vulve, toutes les personnes intersexes, trans et non-binaires, et toutes les personnes sous-représentées — qu’elles soient artistes, assistant·es ou stagiaires du monde de l’art — à oser s’exprimer.

Si le monde très fermé de l’art contemporain est resté jusqu’ici majoritairement silencieux, ce n’est pas anodin. Microcosme inégalitaire, faussement humble, il s’imagine caché, loin des projecteurs et des paillettes du festival de Cannes. Machine capitaliste patriarcale qui vend les uns aux enchères à des millions et précarise les autres sans pitié, les “baisant” au passage. Dans le hors champ des institutions, des biennales et des musées de renom, le patriarcat contemporain garde la mainmise sur les sexes et sur les expositions qui se veulent toutes féministes ! Ça expose des vulves blanches au nom de l’émancipation mais à condition bien sûr, que ce sexe exhibé serve de couverture et n’accuse ni leurs curateurs, ni leurs mécènes, ni leurs sponsors, ni leurs directeurs…”

#lacanlexposition #Metooartworld

Pour voir la vidéo en entier : ON NE SEPARE PAS LA FEMME DE L ARTISTE