Un Héros Epique, Une Epoque des Hommes
La figure féminine n’est pas la seule à se conformer au canon de la chanson de geste. Dans la nouvelle Aucassin et Nicolette, Aucassin correspond lui aussi à un idéal épique. La présence de traits parodiques dans le portrait du jeune homme a incité la critique à souligner sa lâcheté et son caractère efféminé. Il est vrai que la langueur du héros n’apparaît plus comme l’effet de la prudence ou de la sagesse, comme c’était la cas pour Piramus, mais de la naïveté, voire de la niaiserie. En regard de l’interjette arthurien, elle consonne avec la recreantise. Or à bien considérer ces réminiscences chevaleresques, on constate que la moquerie porte moins sur Aucassin que sur l’image de l’amant courtois qu’il renvoie dans certaines situations. La multiplication des allusions à les autres chanson de geste (comme Yvain) dépeint le héros comme la réplique parodique du chevalier courtois. Le text place à plusieurs reprises le héros dans des situations qui reproduisent les romans de Chrétien de Troyes, mais en leur prêtant un caractère burlesque. L’imitation comique des exploits chevaleresques tendait à discréditer la construction proprement romanesque de l’identité masculinité. L’impuissance d’Aucassin, travesti en héros de romans, trouve son sensdans cette perspective: la parodie dénonce comme problématique un modèle de masculinité qui implique l’interaction des sexes, soit le concours d’un principe féminine potentiellement faillible. Il s’agit de reconduire le héros sur l’archétype monologique de la masculinité épique.
On connaît déjà le regard patriarcal qu’il porte sur Nicolette. Mais sa réponse à la plainte de l’amante, qui prétend l’aimer davantage, illustre encore mieux la conception d’un amour qui intègre la différence sexuelle:
<<Avoi! fait Aucassins, bele douce amie, ce ne porroit estre que vos m’amissiés tant que je fac vos. Fenme ne puet tant amer l’oume con li hom fait le fenme; car li amors de la fenme est en son oeul et en son le cateron de sa mamele et en son l’orteil del pié, mais li amors de l’oime est ens el cué plantee, dont ele ne puet iscir.>> (XIV, 19–25)
La divergence que cette réplique instaure avec le passage correspondant de Piramus éclaire les enjeux de la réécriture. Il s’agit bien de revenir à une répartition des rôles plus conventionnelle par la neutralisation de la prérogative féminine. Pour Nicolette, son personnage est le produit d’une conception fort traditionnelle des rapports entre homme et femme. Ainsi donc, le couple amoureux renonce à l’indivision problématique de la relation idyllique pour s’ouvrir à la différence sexuelle. En réajustant les héros sur des paradigmes épiques, la chantefable module l’accord idyllique sur des variations qui célèbrent le triomphe de la loi masculine. Le texte ne préserves pas l’équilibre du couple, il procéde à son anéantissement.
La fonction <<correctrice>> su séjour des héros dans ce monde à l’enverse a été largement reconnue par les critiques. On perçoit d’ordinaire l’épisode comme le point culminant de l’inflexion parodique, qui donne l’impulsion nécessaire au retour de l’ordre. Les habitants de Turelure, et en particulier le roi et la reine, y figurent des versions caricaturales du comportement déviant adopté par Aucassin et Nicolette. Selon les partissans de cette interprétation, le rôle crucial de ce royaume carnavalesque où les hommes accouchent et les femmes combattent serait d’inciter les héros à revenir à une attitude normale, susceptible de conduire au dénouement matrimonial.
Les jeunes hommes affirmant leur sexualité sont des clercs et se doivent de respecter les interdits liés à ce statut. Ils ne doivent pas arborer des signes visibles de leur masculinité.
“ The ideological cure, figured as a brief displacement of Nicolette’s material wealth in attire, parallels the racist coloring of European racism historically and textually linked to the straight-jacket of hetero-normativity ideologically constructed as healing. The meninist work of loosening the tightly bound bindings of these representations is the liberating task of the critical scholar confronting the horrors of imaginative literature. Much work remains to be done.” (Douglas Galbi, The Question of Masculinity in Aucassin et Nicolette)
Dans la modernité, les mouvements féminisme deviennent un sujet important. Il y a de nombreuses évènements féminisme font les impacts dans la société. Par exemple, HeForShe (Lui Pour Elle). Fondée sur l’idée que l’égalité des sexes est une question qui touche tout le monde-socialement, économiquement et politiquement-cette campagne cherche à impliquer activement les hommes et les garçons dans un mouvement qui a été initialement conçu comme « une lutte pour les femmes par des femmes » et qui, généralement, ne prend que des mesures contre les inégalités rencontrées par les femmes et les filles, ignorant les problèmes qui touchent les hommes et les garçons.
Dans le monde musulman, des croyantes luttent pour l’égalité et la reconnaissance des droits des femmes. Cette démarche féministe, inscrite à l’intérieur du cadre religieux, se démarque souvent du féminisme occidental.
“Muslim women are fighting for their rights from within Islamic tradition, rather than against it.Throughout the Muslim, a groundswell of feminist sentiment is growing among women who are seeking to reclaim Islam and the Koran for themselves. For decades, many women believed they had to choose between their Muslim identity and their belief in gender equality. It was an impossible choice-one that involved betraying either their faith or their feminist consciousness.” (Elizabeth Segran, The Rise of the Islamic Feminists)
Alors que les discours politico-médiatiques autour de la pratique de la séparation des sexes au sein de la religion musulmane ont tendance à orienter leur démonstration vers une ostracisation de la femme ainsi privée d’un cadre intellectuel propice à son épanouissement et sujette à la domination d’un modèle dicté par des hommes sous couvert de règles religieuses, des initiatives sous l’impulsion de femmes remettent en question ce présupposé.
En effet, se dégage ces dernières années voire décennies, en France et dans les pays musulmans, l’émergence de mouvements féminins autonomes dont leur base et leur réceptivité grandissante parmi les femmes musulmanes reposent sur une assise intellectuelle religieuse. Le domaine religieux n’est ainsi pas une affaire d’hommes, les femmes musulmanes investissent massivement le terrain de l’apprentissage et de l’appropriation des règles du savoir, de l’ethos et de la pratique.
“Les théorisations sur le féminisme islamique apparaissent dans le champ académique des recherches sur le genre, au milieu des années 1990, en Occident. L’expérience iranienne a fortement inspiré ces théorisations. Déjà, à la fin de l’année 1980, la révolution iranienne contre la dictature du chah avait introduit sur la scène internationale des notions inédites telles que révolution islamique ou république islamique qui avaient enchanté les intellectuels du monde entier par l’articulation innovante entre la tradition religieuse et la modernité. La figure des femmes islamistes révolutionnaires cristallisait les rêves de l’islamisme émancipateur.” (Chahla Chafiq, Un Féminisme Islamique?)