Le chirurgien et l’anesthésiste

Duc Ha Duong
l’avenir appartient
3 min readDec 12, 2017

Il y a deux sortes de médecins : celui qui vous aide à vivre avec votre maladie, avec votre douleur, et celui qui la fait disparaitre. Souvent, ils travaillent de concert (l’un vous endort avant que l’autre vous découpe), et savent former une équipe. Pour les petites maladies, le même spécialiste fera les deux (“Imodium pour les symptômes, Ercefuryl pour la guérison”).

Dans les organisations, la maladie se révèle par l’apparition de tensions entre les individus (qu’on appelle parfois “parties prenantes”, cela aide à oublier que ce sont des humains). J’aime utiliser le dessin ci-dessous pour illustrer la situation :

by Mark Walsh and Linda Lindeman
  • On y voit d’une part, en noir et blanc, un organigramme traditionnel tel qu’il se doit d’être, en pyramide, où les gens en haut sont censés être plus heureux que les gens en bas.
  • Par dessus sont ajoutés en couleur, les relations d’influence entre ces individus. Pas toujours très palpable mais plus proche de ce que l’on pourrait décrire comme “la réalité”.

A la découverte de ce dessin l’audience est amusée, mais pas surprise. La règle du jeu, dans les organisations qui se vouent à l’idéal de production fordiste, -souvent résumé par “en quête de performance” depuis que le taylorisme est devenue le paradigme de référence de l’industrie- est ainsi faite : la pyramide noire est l’organisation cible, idéale, et mon objectif est d’arriver à faire abstraction le plus possible des liens de couleur pour jouer au mieux le rôle que l’on m’a assigné, ma fiche de poste.

Nota Bene : il faut cependant noter que plus l’on monte dans la hiérarchie, plus les frontières sont floues : jouer au golf ou diner dans un étoilé Michelin, quand on est CEO, c’est du travail.

Nous sommes ainsi invités à vivre notre univers professionnel dans une tension permanente entre qui on nous demande d’être (en noir), et qui nous sommes réellement (en couleur). Et plus je suis bas dans la pyramide, plus cette tension est importante. Face à ce constat, deux stratégies de quête du bonheur (ou “d’accomplissement de soi”, enfin bref pour éviter de craquer) sont possibles :

  • J’apprends à gérer la tension : j’accepte cet état de fait, je développe ma capacité à faire coexister, à des moments différents, moi et mon persona professionnel. (Freeze)
  • Je réduis la tension : soit en changeant de position vers une situation plus conforme à mon être (exit), soit en assumant publiquement mes liens de couleur et en dénigrant l’organisation pyramidale. Ce qui ne va pas sans générer de conflit (voice).

Ainsi, tous les coachs “centrés sur l’humain” ne se valent pas. Certains sont plutôt anesthésistes, et vont vous aider à supporter la douleur de vivre avec un masque toute la journée, quand d’autres sont plutôt chirurgiens, et vont vous aider à vous repositionner sur un ensemble d’activités qui vous ressemblent. Dans le cas d‘une maladie importante, il sera fort probable que vous ayez besoin des deux, mais s’il faut choisir entre guérir dans l’inconfort ou rester malade et drogué : faites le bon choix !

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Duc Ha Duong
l’avenir appartient

Entrepreneur, father, barbarian, dreamer, prospectivist, teal evangelist, optimistic, french-vietnamese, parisian, feminist, caretaker. Blind to legal fictions.