Pour un urbanisme de la respiration dans le 18ème arrondissement

Ecologie Paris 18
6 min readMay 17, 2020

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Projet alternatif Ordener-Poissonniers proposé par EELV

Une faute est commise sous nos yeux dans le 18ème arrondissement : alors que la crise climatique et la très forte densité de l’arrondissement nous commandent d’utiliser les derniers espaces disponibles pour y implanter de la nature, il est prévu au contraire de bétonner près de 20 hectares.

Le confinement nous confirme, si besoin était, que la nature est vitale pour notre santé physique et mentale. Ce besoin de nature va s’accentuer dans les années qui viennent car Paris, ville dense et minéralisée, est fortement exposée aux canicules qui vont s’amplifier. Dès 2030, les températures pourraient dépasser les 50 °C localement. En période de canicule, les écarts de température par rapport aux zones rurales peuvent grimper jusqu’à 10°C ! Notre ville va devenir proprement irrespirable, en particulier pour celles et ceux qui n’auront pas la chance de pouvoir se rafraîchir à la campagne ou à la montagne pendant l’été.

L’urgence de nature est plus grande encore dans notre 18ème arrondissement. Il souffre d’une très forte densité aggravant les effets de la chaleur et dégradant la qualité de vie : 32 455 habitants au km2, bien au-dessus de la moyenne parisienne (20 781 hab/km2) alors que Paris est déjà la ville la plus dense d’Europe. Par ailleurs, nous manquons déjà criement d’espaces verts : un.e habitant.e du 18ème dispose de moins d’1m2 d’espaces verts alors que l’Organisation Mondiale de la Santé préconise 10m2. Selon une étude américaine, de toute les capitales, Paris est celle où les piétons voient le moins d’espaces verts.

La solution est donc simple : rapatrier de toute urgence la nature dans la Cité. Là où il y a des arbres, dessous ou juste autour, la température peut baisser de 2 à 4 degrés. Sans parler des nombreux autres avantages comme filtrer la pollution de l’air, faire circuler l’eau, capter le CO2 et améliorer la santé physique et mentale des habitant.e.s. Car la nature est aussi un lieu de rencontre et de vivre ensemble.

Sur le papier et dans les discours, tout le monde ou presque s’accorde sur le constat (la crise climatique) et sur la solution (la nature en ville). Pourtant, sur le terrain, les actes sont malheureusement différents. Qu’on en juge : les 7 hectares libres à Chapelle International ont été récemment bétonnés, avec douze tours dont quatre de 50 mètres de haut. Le Parisien a même titré « Une petite ville pousse à l’ombre des tours de la Chapelle. ». Des projets avec une vision urbanistique identique doivent voir le jour sur la friche Hébert (5ha), Gare des mines (20ha), Ordener-Poissonniers (4,7ha) ou au rue Belliard (2ha). Pour Gare des mines, il est prévu des barres d’immeubles de 50m2, et même un immeuble pont qui recouvrira le périphérique, condamnant ainsi la possibilité de le réaménager en boulevard urbain dans le futur. Ces projets reflètent une vision culturelle dépassée du maire bâtisseur qui doit laisser une trace en construisant sa ville. Conçus pour certains de ces projets il y a plus de 10 ans, ils viennent d’une époque où les priorités étaient autres. Le dérèglement climatique était regardé à la marge. Les considérations environnementales pesaient moins lourd que la construction de logements. Mais l’époque a changé !

La vision de l’urbanisme portée par les écologistes est radicalement différente et conçue pour les décennies à venir : c’est un urbanisme de la respiration.

Étant donné l’urgence climatique, la nature doit devenir le point de départ de tout projet urbain. La première démarche doit relever de l’écologie. Nous devons prendre la carte de l’arrondissement et se demander comment nous pouvons y créer de la biodiversité : c’est-à-dire permettre l’installation d’une diversité d’espèces végétales et animales et favoriser les relations qu’elles entretiennent entre elles et avec nous, dans une logique d’écosystème. Cela nécessite l’étude des sols et des sous-sols, du cycle de l’eau et des flux d’air, une réflexion sur les corridors écologiques qui, dans la mesure du possible, devraient relier la nature de la ville à celle de la campagne. Ce n’est qu’après avoir réalisé ce diagnostic écologique que l’on peut penser à l’organisation des constructions et des voiries en harmonie avec cette biodiversité.

Naturellement, il faut continuer à construire des logements à Paris, ne serait-ce que pour remplacer les immeubles vétustes. Mais, il faut le faire raisonnablement, en ayant en tête que construire plus pour pouvoir loger plus de monde dans Paris intra-muros n’est pas un but en soi : c’est une fuite en avant qui ne fera qu’accentuer les problèmes liés à la densité. Et d’ailleurs, à quoi cela rime de construire des nouveaux logements alors même que plus 230 000 logements sont vacants à Paris (17% du parc immobilier). S’il y a bien une priorité, c’est de remettre sur le marché ces logements et, vu l’ampleur du problème, cela justifie des mesures d’exceptions !

La vraie question du logement à Paris est celle de la cherté. Par conséquent, si l’on doit en construire de nouveaux ce ne peut être que des logements anti-spéculatifs de type sociaux, intermédiaires ou dit OFS (où l’on dissocie le bâti du foncier, ce dernier restant à la ville, et le logement ne peut pas faire l’objet d’une plus-value à la revente). Construire des logements en accession libre ne ferait qu’augmenter le prix de l’immobilier et la gentrification. Mis en vente à plus de 10 000 €/m2, seuls les foyers fortunés ou les foncières pourraient les acheter et les revendre dans quelques années, à des prix qui se seront encore envolés.

Il est là le fond du problème : Paris est enclose et ne peut plus s’agrandir qu’au prix d’une sur-densification. C’est la raison pour laquelle, il faut désormais penser l’aménagement du territoire à l’échelle de la Métropole du Grand Paris dont Paris deviendrait un des centres-villes historiques. Ainsi, le plan local d’urbanisme doit se concevoir à l’échelle métropolitaine. Il doit intégrer une bonne fois pour toute le fait que les perspectives de développement, aussi bien en termes de logements qu’en termes d’emplois et d’attractivité culturelle, se situent dans la périphérie et non dans le centre.

Pour en revenir au 18ème arrondissement, un moratoire sur les projets urbains est urgent. Il n’est pas trop tard pour les repenser à l’aune des enjeux du XXIe siècle.

Concrètement, à Ordener-Poissonniers où la densité des quartiers au sud de la rue Ordener en face du projet immobilier est supérieure à 60 000 hab/km2 - soit presque deux fois plus que dans l’arrondissement - il faut créer un parc sur l’ensemble de la parcelle (à l’exception des bâtiments historiques qui seront aménagés en concertation avec les habitant.e.s). Concernant les autres parcelles, inversons le paradigme : partons des besoins en biodiversité et en espaces verts de l’arrondissement, puis imaginons les logements (anti-spéculatifs uniquement) et les espaces de vie qui pourraient s’articuler autours. Nous pouvons imaginer par exemple une proportion de 75% d’espaces verts et de 25% de construction sur une hauteur maximum de 8 ou 9 étages pour rester dans les standards parisiens. Ces projets doivent impérativement être pensés avec les habitant.e.s qui devront être intégrés dès le début de la conception et jusqu’à la livraison en bénéficiant de l’accompagnement d’experts.

Alors oui, cela aura un coût mais qui doit être envisagé comme un investissement qu’une ville comme Paris peut se permettre de porter sur plusieurs décennies voire un siècle. À l’époque de la création du parc des Buttes Chaumont et de la Villette, déjà les promoteurs offraient des ponts d’or pour construire, déjà il fallait répondre à la crise du logement, et pourtant, des responsables publiques courageux ont fait le choix du long terme. Qui peut s’en plaindre aujourd’hui ?

Pour signer la pétition pour un Parc à Ordener-Poissonniers (18ème) => https://unparcextraordener.wesign.it/fr

Emile Meunier, avocat en droit de l’environnement et candidat écologiste à la Mairie du 18ème arrondissement de Paris

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