La République en panne

Les trois semaines qui viennent de s’écouler nous donnent à voir le visage particulièrement effrayant de la République que compte incarner Emmanuel Macron.

Elliot Lepers
3 min readJun 10, 2017
Photo © Soizig De La Moissonière

Un État est considéré démocratique s’il respecte la séparation des trois pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire. Or, l’ensemble de l’action du gouvernement ces derniers jours va dans le sens d’une concentration de ces pouvoirs et de la réduction de nos droits.

Pouvoir judiciaire

Le plus alarmant est sûrement le projet de faire entrer dans le droit commun, c’est-à-dire le droit qui s’applique en temps normal, les principales dispositions de l’état d’urgence. Notamment, les perquisitions administratives et les assignations à résidence pourront être décidées sans l’intervention d’un juge. Concrètement, cela veut dire que le pouvoir exécutif, dont le gouvernement et les préfets, peut décider seul d’interdire à des opposants politiques de manifester. Actuellement, hors état d’urgence, cette prérogative appartient au pouvoir judiciaire.

Un autre signal intriguant avait été envoyé par le garde des Sceaux, François Bayrou, garant de l’indépendance de la justice, quand il a “retweeté” et “aimé” un tweet de son amie Marielle de Sarnez, se défendant d’un potentiel emploi fictif au Parlement Européen.

Pouvoir législatif

Le deuxième aspect de ce positionnement autoritaire de l’exécutif concerne la réforme du code du travail. Emmanuel Macron avait fait part pendant la campagne présidentielle de sa volonté de réformer par ordonnances. Ce dispositif permet d’éviter tout débat au parlement sur un texte de loi. Le gouvernement propose uniquement un texte d’habilitation, voté au parlement, qui lui donne ensuite toute latitude pour rédiger un projet de réforme dans la limite du cadre validé par le parlement. L’ordonnance doit enfin être ratifiée par le parlement pour devenir une loi.

Mais entre temps, le débat législatif, déjà mis à mal par les six utilisations du 49–3, pour les deux précédentes « Loi Macron », prend un coup. Faire croire que le débat ne ferait que ralentir le processus, ne pourrait rien apporter de bon, laisser entendre que le gouvernement est compétent seul pour réformer, c’est affaiblir le parlement. La méthode Macron, depuis 3 ans, c’est de se passer du parlement.

Pouvoir médiatique

Aux État-Unis, on considère que les médias incarnent un quatrième pouvoir. Or, même celui-ci a été largement remis en question par la nouvelle présidence. D’abord quand l’Élysée a annoncé vouloir choisir les journalistes habilités à suivre le président dans ses déplacements, puis quand François Bayrou a fait pression sur Radio France pour se plaindre des méthodes des journalistes dans l’enquête sur les emplois fictifs du MoDem. Enfin, tout récemment, c’est Muriel Pénicaud qui assène le coup le plus violent, en portant plainte pour recel contre Libération, après la publication du plan secret du gouvernement pour réformer le code du travail, une procédure particulièrement rare.

En moins d’un mois, Emmanuel Macron a déjà multiplié les attaques contre tous les contre-pouvoirs. Cette tendance lourde à l’autoritarisme annonce-t-elle une méthode délibérément violente et anti-démocratique qu’il souhaite employer tout au long du quinquennat, aidé par une vraisemblable majorité absolue à l’Assemblée Nationale ? Le président du « renouvellement » nous obligera-t-il à organiser la lutte pour la démocratie ? J’y suis prêt. Et vous ?

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