Mboa Tape ….et de 4!

Esther Diane Naah
6 min readDec 22, 2017

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  • “Bonjour! Esta…”
  • “…de Mboa Urban?”

Le nombre de fois que mes conversations ont débuté de cette manière ces dernières semaines, j’ai fini par confirmer une fois de plus la puissance des internets et de Twitter en particulier.

Pour ceux qui ne me connaissent pas, je suis Esta (@esta__ sur Twitter), la personne derrière Mboa Urban Music. Cela fait 4 ans que je roule ma bosse dans le milieu de la musique urbaine camerounaise à travers une vision, un mouvement incarné par une compilation “La Mboa Tape”.

Mboa Tape Vol 4 Cover Art By Bine Moukouri

J’ai très peu l’habitude de m’exprimer sur mes activités et sur ma personne, mais à l’occasion de la sortie du quatrième volume de la compilation, j’ai décidé de prendre sur moi, de sortir de ma réserve pour parler de la démarche et mettre une histoire derrière ce qui est pour moi plus qu’un produit.

En 2013, après quelques recherches et au hasard des rencontres, j’ai eu l’idée de réaliser une compilation de titres 100% camerounais, offrant une plate-forme à des artistes underground, débutants ou émergents dans un environnement où la musique urbaine camerounaise avait du mal à s’exprimer face à la musique nigérianne jouée à tous les coins de rue. Pour ce faire, j’ai choisi le canal qui pour moi me semblait le plus adapté, Internet et Twitter en particulier.

Mboa Tape Vol 1 Cover Art By February 16th

Pourquoi Twitter quand Facebook est le réseau le plus populaire au Cameroun?

Mon objectif en réalisant la Mboa Tape Vol 1 était de casser les préjugés portés à l’égard du Hip Hop Camerounais. Mon entourage et moi-même ne portions aucun intérêt à ce qui se passait localement. Mon retour m’a permis de voir ce qu’à 6000 km du pays on ne pouvait pas vraiment percevoir, l’onde de choc “Don 4 Kwat” et l’album “HIV”, l’arrivée de Stanley Enow, l’émergence d’une nouvelle scène urbaine incarnée à l’époque par des rappeurs comme Dareal. Ma première cible était donc ces personnes ayant le même profil que moi, découvrant et consommant la musique sur internet, partageant leurs avis sur Twitter, sensible au packaging et à une stratégie marketing adaptée.

Twitter m’a également séduit par la viralité et l’instantanéité que le réseau offre, permettant à la Mboa Tape d’entrer dans les conversations et de bénéficier d’une portée organique générée par ceux qui téléchargent et commentent la compilation sur le réseau.

À ma grande surprise (et je remercie encore tous ceux qui y ont contribué), ce premier volume pensé plus comme une playlist personnelle qu’une tracklist visant à toucher des publics et des sensibilités différentes, a été un franc succès. Pour beaucoup, Mboa Urban n’a jamais, en 4 volumes, réussi à faire mieux que cette première édition. Major release pour moi, c’était ma première expérience dans un domaine que je ne connaissais pas mais pour lequel j’ai développé une passion incommensurable. Aujourd’hui, je vis, je mange et je respire musique urbaine camerounaise. C’est une grande fierté.

Trois éditions plus tard, ce 18 Décembre, c’était le même sentiment qui m’habitait lorsque j’ai vu Twitter envahi du hashtag #MboaTape 4. Il est important de rappeler que deux ans se sont écoulés entre le volume 3 et ce volume 4. Beaucoup me mettaient au défi de mobiliser et d’intéresser à nouveau le public autour du projet, je suis fière de dire que je l’ai fait (#FuckHumility). Ce volume 4 a eu un démarrage tellement fort le jour de sa sortie que nous avons atteint une limitation Google Drive au cours des 24 premières heures. Je répète, j’en suis très fière.

Ce volume 4, que l’on aime ou pas, prouve encore une fois que les camerounais sont prêts à consommer notre musique, le défi est de trouver comment leur offrir les produits en question. Nous, nous avons opté pour le gratuit. Pas un jour ne passe sans que l’on me demande comment je rentabilise (oui parce que produire une compilation demande de l’argent et du temps) à cela je réponds que ce projet m’a ouvert des portes que je n’imaginais même pas. D’autre part, je fais parti de ces gens qui pensent que la musique tend vers la gratuité et que la rentabilité repose sur ce qu’il y a autour de la musique, je pense live, synchronisation, brand partnership et autre… l’important est alors pour un artiste d’être écouté au maximum et de rendre sa musique la plus accessible possible. Imaginons par exemple que la Mboa Tape soit disponible uniquement en vente sur Itunes, Spotify ou Tidal, combien d’entre vous l’aurait acheté, écouté et commenté? Le projet aurait-il eu la même portée? Je vous laisse répondre.

Concernant la démarche artistique de ce volume 4, il s’agit sûrement du volume le plus difficile que j’ai eu à réaliser. Jusqu’au Samedi 16, soit deux jours avant la sortie, je n’avais pas la tracklist définitive. Nous avons reçu énormément de chansons et de bonnes chansons. Le défi était de proposer un produit cohérent et des titres qui pourraient plaire au plus grand nombre, que nous, en interne, les aimions ou pas. Faire la part des choses entre nos goûts et ceux du public, nous a poussé à opter pour un choix que nous n’avions jamais fait auparavant, séparer la partie Afropop et ses dérivées à celle du Hip Hop/Rap. Cette idée d’une face A et d’une face B est donc née deux semaines avant la sortie de la compilation. Nous voulions donner une place de choix au Hip Hop qui a eu beaucoup de mal à trouver sa place face à l’Afro cette année. Offrir plus de 45 minutes de Rap était un défi que nous avons fait en sorte de relever le mieux possible. Ma grande fierté de ce quatrième volume réside dans ce choix et surtout du fait que le titre le plus plébiscité soit un TRAP que j’ai moi-même produit et A&R du choix de la prod jusqu’à l’ingénieur de son en charge de mixer et mastériser le titre “NDOLE”. Fidjil l’a si bien dit:

‘Ce son est l’âme de la Mboa Tape”.

J’espère pouvoir en produire beaucoup d’autres de ce calibre dans le prochain volume.

Je ne remercierai jamais assez les artistes qui ont joué le jeu, m’ont confié leurs titres, leurs équipes, Bine Moukouri, Guy Kouekam qui ont mis leur créativité au service la compilation, les personnes qui de près ou de loin ont soutenu le projet, m’ont apporté la force et le courage d’aller au bout même quand j’étais à deux doigts de tout arrêter, ils se reconnaitront.

Pour finir, cette compilation je voudrais la dédier à une personne qui m’a permis de comprendre que ce que je réalisais là n’était pas négligeable et que je devais en être fière. Il m’a dit :

“Une fois c’est peut-être un hasard mais 2 puis 3 fois, non Esta ce n’est pas un hasard”.

Il s’agit de Marc Antoine Moreau, le Directeur d’Universal Music Africa qui nous a quitté il y a quelques semaines. Il m’a redonné confiance en moi, m’a motivé à réaliser ce quatrième volume, m’a ouvert les portes sans même me connaitre. Je ne l’oublierai pas.

Je suis certainement partie dans tous les sens mais j’écris ces quelques mots avec beaucoup d’émotions, complètement en mode freestyle, ca sort comme ca sort et pour moi, n’en déplaise à certains, du moment que le message passe, tout est bon!

Vous pouvez télécharger et écouter la Mboa Tape sur le site mboatape.com

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Esther Diane Naah

Creative Project Manager • Small Business Owner • Consultant • I talk about life, Branding and Entertainment.