La focaccia genovese : le pain des navigateurs
Un pain, une fougasse... mais qu’est-ce que c’est ?
Et surtout, pourquoi elle s’est imposée dans le continent ?
Quand on parle de Genova, tu vas certainement penser au pesto*.
C’est vrai. Le pesto “alla genovese” est en effet originaire d’ici.
Mais ce n’est pas la seule spécialité de la région – et désormais t’auras compris qu’en Italie généralement chaque ville a plusieurs recettes traditionnelles.
Ceux qui ont déjà visité Genova (ou sa région) ont sûrement vu les habitants des lieux se promener avec un trésor dans la main.
Celui -ci:
La célébrissime FOCACCIA – alla genovese précisément.
On l’achète dans les boulangeries, ou plus précisément dans les focaccerie, car ici on la préfère largement au pain. On les dispose en pyramides, les unes sur les autres, avec un gout de la démesure typiquement italien. 😬
La focaccia est un plat omniprésent ici : on peut la manger aussi bien à l’apéro avec un spritz qu’au petit déj trempée dans le lait.
Oui, ça m’a déconcerté aussi, mais voici la preuve en image :
Bon, les français mangent de la soupe à l’oignon au matin pour faire passer la gueule de bois, donc on ne juge pas, ok ?
Mais pourquoi ce plat en particulier a conquis les genovesi ?
Pour comprendre les raisons de ce succès il faut encore une fois aller chercher la réponse dans l’histoire du lieu : la Liguria.
C’est par là :
La Liguria est une terre qui s‘enroule littéralement sur la mer Méditerranée, qu’elle a dominé durant des centaines d’années.
Son chef-lieu, Genova, était une des 4 puissantes Repubbliche Marinare, au coeur des commerces les plus prestigieux : la soie, les épices, …
Ses habitants étaient des commerçants, mais aussi des navigateurs et des aventuriers.
Parmi les stars du coin figure rien moins que Cristoforo Colombo.
Le rythme des départs et des retours de ces hommes de mer a aussi façonné la cuisine de la région, qui est donc une cuisine de voyage mais aussi d’accueil.
Et une cuisine ‘simple’ à cause de la nature de son territoire.
Ah bon, mais il a quoi de special ce territoire ?
Je parie que tu t’imagines déjà un paysage tout plat avec des vastes étendues de sable.
Alors là, tu te trompes complètement.
La Liguria est oui, terre de mer, mais aussi — et j’ajouterais surtout — une terre montagneuse.
Des montagnes que les habitants ont essayé de domestiquer pour l’agriculture : ainsi sont nées les terrazze, des sortes de marches creusées à flanc des montagnes.
Comme tu peux bien l’imaginer, cultiver sur ces terrazze est très difficile et demande énormément de travail. Ce sont essentiellement des récoltes manuelles car les machines agricoles ne peuvent pas fonctionner ici.
(Alors, la prochaine fois que tu vas faire tes courses et que tu te plains parce-ce que t’as 10 minutes de marche à faire, pense aux agriculteurs liguri)
Après tous ces efforts on peut donc comprendre pourquoi même les ingrédients les plus ‘simples’ sont très valorisés et mis à l’honneur à travers la cuisine locale : les épices, les plantes (comme le basilic), l’huile – ici les olives sont cueillies à la main pour donner un des huiles les plus prestigieux d’Italie.
Oui mais…La focaccia en tout ça ?
Oui, j’y arrive.
Donc pour résumer on a :
- d’un côté des voyageurs qui ont besoin d’un plat facilement transportable, qui peut se conserver longtemps et — si possible — riche en vitamines (pour éviter d’attraper des maladies type le scorbut)
- et de l’autre des cuisiniers (souvent les femmes de ces voyageurs) qui ont sous la main peu d’ingrédients mais d’une excellente qualité.
Et fut ainsi que Genova créa la focaccia, LA provision par excellence pour les navigateurs. TADAAAAAAAAAAM !
Donc on peut bien s’imaginer que Cristoforo Colombo, ait carburé à la focaccia pendant son voyage légendaire jusqu’aux Indes (bon, finalement l’Amérique).
Une dernière curiosité ?
Il nous est parvenue depuis le Moyen Âge une disposition des autorités religieuses genovesi qui menaçait de sanctions celles et ceux qui mangeaient des focacce pendant la messe.
En même temps, on ne peut pas dire que l’hostie soit super gourmande…
*oui, pesto et pas pistou, mais celle-ci est une autre histoire.
NOTA BENE : Il faut préciser (au risque d’insurrections populaires) qu’il existe des nombreuses variantes de la focaccia, aussi bien en Liguria (par exemple la célèbre focaccia au fromage de Recco) que dans le reste d’Italie. Mais il y a une seule focaccia genovese.
Point barre.
Sources :
Elena Kostioukovitch “Perchè agli italiani piace parlare del cibo” (Sperling & Kupfer Editori , 2006, pages 139–144
