Optimiste !

Philippe Guelpa-Bonaro
6 min readApr 24, 2017

--

Je n’aurais pas parié sur ce sentiment il y a 24 heures quand je découvrais Le Pen au second tour face à Macron. Et pourtant. Il y a de quoi se réjouir si l’on prend du recul et que l’on retrouve un peu de lucidité après l’émotion.

Bonne nouvelle, Fillon et Les Républicains ne seront pas au pouvoir.

Pour le deuxième quinquennat de suite, cela faisait 29 ans que ce n’était pas arrivé. C’est toujours bon à prendre.

Bonne nouvelle, Le Pen ne gagne “que” 1,2 millions de voix par rapport à 2012.

C’est finalement très peu après un quinquennat marqué par de nombreux attentats meurtriers, leurs lots d’amalgames islamophobes, une énorme vague d’immigration du Moyen-Orient et de multiples délocalisations industrielles (merci l’UE !) faisant tomber des milliers de familles en-dessous du seuil de pauvreté, cocktail explosif faisant le lit du Front National.

Dans le même temps, le candidat Mélenchon gagne plus de 3 millions de voix, j’y reviendrai plus tard…

Bonne nouvelle, le Parti Socialiste est à l’état de mort clinique.

Depuis le temps qu’il était sous assistance respiratoire. La principale victime est Hamon qui paie le prix fort de ses nombreuses qualités pour un homme politique : humilité, loyauté, abnégation, en avance sur son temps. J’espère personnellement qu’il restera en politique, dans un mouvement en cohérence avec ses valeurs.
Bien qu’il soit mort clinique, la dépouille du machin “PS” sera décisive dans la recomposition de la Gauche.

Scénario 1 : Le PS garde une certaine cohérence sur les idées ayant menées Hamon à être candidat, demeure dans l’opposition de gauche et par conséquent joue un rôle constructif avec La France Insoumise. Tout cela permettant dès les Législatives d’opérer à l’Union Sacrée que des millions de militants et d’électeurs de gauche ont appelé, en vain, depuis 4 mois.

Scénario 1

Scénario 2 : Le PS décide de s’allier au mouvement En Marche ! pour tenter de conserver un peu de prestance et des places au gouvernement. Ceci finira surement de transmettre à La France Insoumise une grande partie des derniers électeurs du PS et les “frondeurs” qui après avoir tout tenté “de l’intérieur” constateront que le PS n’est plus un parti socialiste mais un parti socio-libéral au service des lobbies et des multinationales (comme il l’est depuis 5 ans).

On assisterait alors à un “split”, un transfert naturel de nombreux électeurs et personnalités du PS actuel vers un rassemblement d’opposition de gauche où les anciens du PS pourraient amener des idées ayant fait le buzz (Revenu de base) et des élus/personnalités influentes solidifiant l’image du mouvement, qui se trouvera sans doute un nom plus consensuel.

La conclusion “bonne nouvelle” à ces deux scénarios devrait être un complément, un surplus bienvenu d’idées, d’électeurs et de militants à la bonne nouvelle suivante :

Bonne nouvelle : un vrai rassemblement citoyen et des partis de gauche a eu lieu, presque naturellement.

Autour de valeurs communes plus que d’un homme, de nombreux partis ont réussi à s’entendre, à se rassembler et à mobiliser des millions d’électeurs devenus militants.

Un coup d’œil au nombre d’adhérents des 5 grands partis/mouvements en lice :

La France Insoumise : 450 000
Parti Socialiste : entre 42 000 et 120 000
En Marche ! : 254 000
Les Républicains : 275 000
Front National : 85 000

Résultat, l’union d’une gauche humaniste, écologiste et démocrate s’est traduite dans les urnes avec le score de 19,5 % et plus de 7 millions de voix. C’est littéralement HISTORIQUE !

En 2012, Mélenchon avait réuni moins de 4 millions d’électeurs. Si l’on y ajoute le score d’Eva Joly, on arrivait à 4, 7 millions.

En fait, Jean-Luc Mélenchon a réussi un rassemblement similaire à ce qu’Eric Piolle a réussi en 2014 à Grenoble : un rassemblement des partis, des associations influentes et actives et des citoyens au service d’une idéologie sociale, écologiste et démocrate. Un programme surtout chiffré, précis, complet et réaliste salué par de nombreux experts :

Bonne nouvelle, les Législatives sont dans 1 mois et demi seulement !

Si Macron a des chances d’être élu Président, il va falloir le faire transpirer et ne pas lui laisser la possibilité d’avoir une majorité absolue. Et si toute la Gauche se réunit et se parle en bonne intelligence sur les 577 circonscriptions, j’ose même avancer l’éventualité d’une cohabitation.

Oui j’ose. Parce qu’en additionnant les voix de La France Insoumise et celle de Benoit Hamon, cela donne 9,3 millions d’électeurs potentiels réunis autour de cette idée de France humaniste et écolo. 9 millions d’électeurs, c’est très largement suffisant pour empêcher Macron d’avoir une majorité et l’obliger à former un gouvernement de coalition, soit avec la Droite, soit avec la Gauche. Ce choix sera révélateur.

En 2012, les Législatives n’avaient réuni que 26 millions d’électeurs au premier tour. Faites les comptes.

La clé du schmilblik réside en la capacité des électeurs de Gauche à rester mobilisés et à aller voter en juin ! A nous de jouer !

Des femmes montrent l’exemple : Charlotte Marchandise à Rennes, Isabelle Attard dans le Calvados, Nathalie Perrin-Gilbert à Lyon mobilisent et sont déjà portés par les citoyens et les partis de gauche. Prenons exemple et encourageons-les !

24 heures après les résultats du 1er tour, les bonnes nouvelles sont paradoxalement nombreuses.

Comme je le dis souvent, la Vème République ne nous invite pas à voter pour le meilleur mais pour le moins pire. Ce deuxième tour en est une nouvelle preuve et il est urgent de changer le système de vote.

D’ici là, il faudra faire passer Macron le 7 mai. Selon moi les deux finalistes sont aussi dangereux l’un que l’autre pour la cohésion sociale. Mais si l’une le serait immédiatement après son élection, l’autre ne le sera qu’à petit feu, sur un plus long terme. Ce long terme donne 5 ans de plus (voire moins, selon le gouvernement qu’il doit former) pour retarder le chaos et faire preuve d’écoute, de dialogue, de pédagogie et de bienveillance à l’égard de nos amis, cousins, neveux, voisins qui semblent ne pas faire les bons diagnostics sur leurs maux et les maux de la société.

En écoutant autour de moi, des gens qui semblent partager le même humanisme, les mêmes craintes, voire les mêmes valeurs que moi votent quand même pour des Le Pen, Dupont-Aignan ou encore Fillon, sans parler du “vote utile” Macron. Et ils ont bien du mal à dire pourquoi quand on creuse un tout petit peu. J’ai la conviction que de nombreux électeurs sont “paumés”.

Il n’est pas question de les convaincre mais de nous donner mutuellement plus à réfléchir par nous-mêmes et prendre plus de recul vis-à-vis des médias détenus par une poignée de riches hommes fortunés soutenant le futur président. Simplement discuter, partager nos sensations avec empathie et bienveillance pour comprendre pourquoi ils votent “comme ça” et qu’ils prennent aussi la peine de nous écouter expliquer pourquoi nous votons “comme ça”.

Insistons et finissons sur cette idée de réciprocité :

“Je t’écoute pour te comprendre et non pour te répondre,
écoute-moi pour me comprendre aussi.”

--

--

Philippe Guelpa-Bonaro

Observateur actif de notre monde, tantôt affligé, tantôt optimiste.