Jean-Luc Mélenchon n’est pas un démocrate, et il le montre déjà

François Matouerraie
3 min readSep 20, 2018

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Jean-Luc Mélenchon est la France Insoumise et la France Insoumise est Jean-Luc Mélenchon. Plus que créateur, il en est aussi l’incarnation, statut que personne, opposant ou sympathisant, ne lui conteste. Rares sont les personnalités qui émergent réellement à ses côtés. On pourrait citer les Alexis Corbière ou Adrien Quatennens qui ont su capitaliser sur leur élection à l’Assemblée nationale, mais leur notoriété (et leur pouvoir) reste bien faible par rapport à celle de leur leader. On peut s’avancer à remarquer une exception : François Ruffin, mais sa notoriété est plus liée au journal Fakir et surtout au succès du documentaire Merci Patron ! qu’à son appartenance à LFI. C’est peut-être d’ailleurs la raison pour laquelle la tension entre lui et Jean-Luc Mélenchon est palpable, et également celle pour laquelle il n’aura pas fait le déplacement aux AMFiS 2018 à Marseille, leur préférant un week-end en famille. On notera aussi le déplacement de Ruffin à la Fête de l’Humanité, à laquelle les autres élus insoumis n’ont pas souhaité participer après l’humiliation de l’année dernière.

Si le culte de la personnalité que cette situation génère n’est pas si grave (après tout on retrouve à peu près la même chose chez LaREM), c’est surtout la concentration des pouvoirs qu’elle a permise qui pose question. Car il est désormais établi que les décisions de Mélenchon sont celles de LFI, et que le contester c’est contester le parti.

En témoigne la montée au créneau du Collectif des Insoumis Démocrates (CID), qui se plaint que le programme des européennes (écologie, retraites et anti-macronisme) n’ait été décidé que par les instances dirigeantes. On peut également revenir sur la liste des candidats LFI aux européennes qui a provoqué beaucoup de tensions au sein du parti : il semblerait en effet qu’elle soit plus représentative des proches de Jean-Luc Mélenchon que de l’ensemble des sensibilités représentées au sein de LFI. À tel point que l’une de ses composantes (certes assez modeste), les Socialistes insoumis, a suspendu sa participation au parti début juillet.

Pour autant, n’allons pas croire que les vélléités de contrôle de Mélenchon ne se limitent qu’à ses propres adhérents. Son objectif de domination de la gauche, est, sur le fond, tout à fait normal, nous sommes en politique. Sur la forme en revanche, là encore, il soulève quelques interrogations. Car si Mélenchon fait bien de laisser certains des partis dont il a été par le passé membre ou allié se faire hara-kiri, la couleur pour les autres est déjà clairement affichée : plutôt que le rassemblement, c’est la soumission qui est demandée. C’est ce qui a fait dire à David Cormand, Premier secrétaire d’EELV à qui l’on a demandé s’il accepterait de s’allier à LFI pour les européennes : « Il [Jean-Luc Mélenchon] ne souhaite pas travailler avec nous, il souhaite qu’on lui prête allégeance. » Ambiance.

Dans ces conditions, est-il raisonnable de croire que le leader incontestable de la France Insoumise, s’il arrive un jour au pouvoir, démissionnera au bout d’un an, comme il le promettait durant l’élection présidentielle ? Qu’après presque 70 années de mandats électifs cumulés il cédera sa place tant convoitée à une Assemblée constituante composée uniquement de novices en politique ? Qu’une fois arrivé à la fonction suprême il ne se ravisera pas pour façonner la France selon sa propre vision ?

La frontière entre spéculation et procès d’intention est fine, et il s’agirait de ne pas la franchir. Il est tout à fait possible qu’il soit lui-même convaincu du fait que le jour venu, il saura tenir parole et passer la main. Il est également tout à fait possible que ce soit effectivement ce qui se produira s’il gagne la prochaine présidentielle. Néanmoins, considérant ce soutien indéfectible de Chavez puis de Maduro, ce grand admirateur de Robespierre et de Che Guevara, le doute est permis. En politique, les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent.

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François Matouerraie

Progressiste convaincu, j’erre de temps à autre dans les couloirs de la Macronie.