Laurent Wauquiez serait-il l’idiot utile de la Macronie ?

François Matouerraie
3 min readOct 7, 2018

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Personnalité clivante, Laurent Wauquiez est autant détesté que Marine Le Pen par une grande partie de l’électorat, qui l’associe volontiers à la droite extrême, si ce n’est l’extrême droite. Tyrannique, indécis (on se demande encore s’il est pro ou anti-européen), opportuniste notoire au cynisme assumé, il a réussi peu de temps après sa victoire à l’élection de la présidence des Républicains à se décrédibiliser seul avec l’événement le plus médiatique de sa carrière politique : ses déclarations volées à l’EM Lyon.

Loin de profiter de la baisse dans les sondages d’Emmanuel Macron ou des difficultés judiciaires du Rassemblement national, les Républicains sont au mieux crédités de 15% des voix dans les sondages pour les européennes, alors que François Fillon avait réalisé un score de 20% lors de la présidentielle malgré la tempête médiatique provoquée par le Penelopegate.

Même au sein de sa famille politique, Laurent Wauquiez est loin de faire l’unanimité. Xavier Bertrand, qui a quitté le parti, ou Valérie Pécresse, qui ne cache plus ses velléités d’indépendance avec son mouvement Libres !, attendent patiemment leur heure. Leur ambition présidentielle est un secret de Polichinelle et on voit mal aujourd’hui le président des Républicains se faire porter par un élan unanime et fort vers une candidature incontestée en 2022. Cela d’autant plus que ses soutiens au poids politique le plus important (Eric Ciotti, Christian Jacob…) font pâle figure à côté, par exemple, des deux anciens Premiers ministres Alain Juppé et Jean-Pierre Raffarin avec qui les liens, s’ils ne sont pas rompus, sont à la limite de l’inexistant, malgré leur présence encore notable dans l’espace public et médiatique.

Alors que l’UMP puis Les Républicains avaient dominé pendant 15 ans et sans partage le créneau de la droite de gouvernement, voire de la droite tout court, force est de constater que le parti de Laurent Wauquiez s’acharnerait presque à devenir un acteur parmi d’autres. Non-content de subir les défections des Macron-compatibles et (bientôt) des gaullistes modérés, le président des Républicains s’en va concurrencer l’extrême droite avec bien moins d’aplomb que Nicolas Sarkozy. Cela alors même qu’il ne bénéficie pas des avantages qu’avait ce dernier : une conscience politique sans égale dans son parti, une forte capacité de rassemblement et surtout une stratégie neuve et audacieuse, que Wauquiez ne fait que recycler pauvrement 10 ans après en espérant un miracle.

Résultat : la gauche du parti a déjà foutu le camp, sa droite se fait prendre à son propre jeu et se fait happer par un Dupont-Aignan (pourtant outsider) qui récolte les ralliements de toutes parts depuis quelques semaines, quand ce n’est pas Marine Le Pen qui réussit quelques coups de râteau sur des proies d’autant plus faciles qu’elles sont insignifiantes, à l’image du désuet Thierry Mariani. Reste le centre du parti, gagné par l’attentisme en espérant des jours (ou des leaders) meilleurs.

Même les alliés de longue date, comme le PCD, le MPF ou CPNT, autrefois membres du comité de liaison de la majorité présidentielle et pourtant hérauts de la droite rance sur laquelle lorgne Laurent Wauquiez, ont pris la fuite dès qu’ils en ont eu l’opportunité.

Pour 2022, Emmanuel Macron ne pourrait donc rêver meilleur opposant que Laurent Wauquiez, sans nul doute destiné à devenir le Benoît Hamon de la droite et fossoyeur comme lui d’un parti historique, dont les fondations autrefois en béton armé sont devenus pieds d’argile.

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François Matouerraie

Progressiste convaincu, j’erre de temps à autre dans les couloirs de la Macronie.