Pourquoi la gauche se saborde elle-même

François Matouerraie
3 min readSep 14, 2018

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Dure réalité que celle des partis cherchant à exister entre LaREM et LFI aujourd’hui. EELV, Génération•s et PS (pour ne citer qu’eux) se battent pour un espace politique aussi restreint que flou, et bien malin celui qui saurait le définir aujourd’hui idéologiquement et politiquement. Car si l’on pourrait affirmer sans trop de risques que les deux premiers sont légèrement plus à gauche que le troisième, il n’en reste pas moins que les différences entre chacun de ces partis sont extrêmement peu claires.

Elles le sont d’autant moins que peuvent exister dans chacune de ces organisations deux mêmes courants opposés. Anti et pro-européens y cohabitent autant que socio-démocrates et anciens frondeurs de l’époque de François Hollande ou écologistes altermondialistes et réformistes. Finalement, le facteur le plus important de l’effondrement du PS, à savoir la multiplicité des courants qui n’avaient en commun que l’ambition du pouvoir et les guerres internes perpétuelles, est encore plus que jamais à l’oeuvre aujourd’hui, à un niveau plus élevé. Du linge sale lavé en famille, on est passés à la blanchisserie collective.

Ajoutons à cela une idéologie dépassée dont le logiciel aurait dû être réécrit depuis 30 ans : le socialisme n’est plus qu’un vestige du XXème siècle, à tel point que Jean-Luc Mélenchon lui-même évite de s’en revendiquer. La social-démocratie est en crise dans toute l’Europe et l’écologie n’est plus un thème exclusif à la gauche, à tel point que même Marine Le Pen désormais s’avance (certes timidement) sur le terrain.

Cela a mené de fait à l’entrée de ces trois partis dans une spirale de l’échec qui exacerbe les divergences et interdit désormais toute entente entre eux, comme l’a montré le refus de toute négociation entre PS, EELV et Génération•s pour les élections européennes. Ce dernier en est même arrivé, plus par dépit que par réel opportunisme, à entamer des discussions avec le PCF, qui n’est pourtant plus que l’ombre de lui-même et vit ses derniers jours.

Finalement, les partis politiques cherchant un espace entre LaREM et LFI n’existent plus aujourd’hui que comme une alternative à ces deux mouvements. On pourrait à la rigueur faire exception d’EELV, qui a fait le choix du positionnement particulier sur l’écologie, mais elle n’est de fait audible que sur cette thématique, que Jean-Luc Mélenchon tente d’ailleurs, et à raison, de lui disputer.

Au vu des sondages, il n’en restera donc au mieux qu’un seul d’ici la prochaine présidentielle. Et si d’aventure au moins deux d’entre eux réussissaient à survivre d’ici 2022, ça ne serait que pour mieux se neutraliser mutuellement. Car franchir le seuil des 5% de voix, qui ouvrent à chaque parti une représentation au Parlement européen, ne semble pas être acquis pour le moment, alors même que l’atteinte ou non de cet objectif conditionnera la capacité de chacun à se positionner pour les élections suivantes.

La spéculation quant au parti survivant est d’ailleurs d’autant plus grande que l’assèchement est loin d’être achevé. Emmanuel Maurel, dont le départ pour LFI est imminent, sera suivi par d’autres, à commencer par les militants de son propre courant. Les élus apportent subventions et cotisations à leurs partis respectifs. Ceux qui auront fait le choix de rester jusqu’aux prochaines élections prendront le risque de les perdre. Dans tous les cas, les perspectives financières et militantes sont peu reluisantes.

Si je devais me risquer à faire un pronostic, j’avancerais que Génération•s sera le premier à disparaître : passé le temps de la nouveauté, il n’y a plus guère que les attaques désespérées de Benoît Hamon contre Emmanuel Macron pour faire vivre le parti médiatiquement. À l’instar d’un Florian Philippot, le leader de Génération•s ne peut réellement plus compter que sur sa (maigre) notoriété. Passés ses premiers échecs, ses partisans finiront par se résoudre à rejoindre la France insoumise.

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François Matouerraie

Progressiste convaincu, j’erre de temps à autre dans les couloirs de la Macronie.