Le béton biodynamique, une sorcellerie (moderne) ?
Tout le monde a déjà entendu parler de l’agriculture « biodynamique ». On sait par contre moins que cette technique – issue du mouvement anthroposophique – a essaimé dans d’autres secteurs, notamment celui du bâtiment. Focus sur le produit d’une entreprise pionnière dans le domaine, où il est notamment question d’écailles de papillon, de musique classique et… de parcs éoliens.
D’après le site internet du fabricant suisse, le produit Pneumatit® a pris forme dans le cadre d’un « projet écologique et social » impulsé par des entreprises privées ainsi que « le plus grand domaine biodynamique (Demeter) » du pays. Les dirigeants souhaitaient développer « un béton qui réponde aux exigences biodynamiques de vitalité des lieux, […] plus accueillant et plus sain pour les hommes et pour les animaux […], qui soutienne le développement et l’épanouissement individuel. »
Un béton « bienveillant »
L’action de cet additif liquide à « verser dans le béton frais ou le mortier frais […] ne s’exerce pas au niveau moléculaire, sur le plan matériel, mais exclusivement sur le […] plan bio-logique, celui où la vie s’organise, le plan des forces de vie. […] Les enveloppes éthériques et les enveloppes astrales [sont rendues] harmonieuses […], ce qui leur [permet] un effet de résonance contribuant à la sensation de bien-être éprouvée par les êtres vivants parvenant à proximité. »
Autres résultats issus des analyses « psychométriques » : « humeur très nettement meilleure […], beaucoup moins de fatigue, expérience plus ouverte et généreuse, […] résistance accrue au stress, […] récupération plus rapide et […] consommation de ressources plus faible avec les mêmes performances. »
« Chaque substance [qui compose notre produit] introduit et ancre dans le béton des forces très précises, reliant des domaines spirituels et supraphysiques aux substrats géologiques. »
Broyé dans la roche
Ses composants de base sont « évidemment naturels ». Il s’agit d’une préparation biodynamique incluant, en autres, des substances minérales et métalliques, des extraits de plantes souvent utilisés en homéopathie (Euphorbium et Gingko), de « l’eau d’une rivière de montagne », ainsi que des ingrédients d’origine animale : « fémur (droit) du Geai des chênes, coquille de Nautilus pompilius et écailles d’ailes de papillon ».
Et l’entreprise de préciser que ces trois derniers ingrédients « sont présents […] en quantités insignifiantes[,] chacun d’eux suffi[sant] pour des millions voire des trillions de mètres cubes de béton [grâce à] la biotechnologie utilisée […], incluant la dynamisation homéopathique. »
Mais pourquoi une coquille de mollusque, me direz-vous ?
Car « la force qui apparaît dans les globules rouges et par suite dans la chaleur spécifique du sang humain est également présente dans le Nautilus. Dans notre sang, nous portons toujours en nous, d’une certaine façon, la mer primitive avec ses immenses bancs de nautiles. La coquille du Nautilus “inocule” au béton […] une impulsion de chaleur vivante. Cette impulsion est très proche de la chaleur liée au “je”, dans notre sang, et la stimule. Le béton devient ainsi bienveillant »
Méthode de fabrication
Durant la phase de préparation du produit, relevons la présence, « placées dans l’environnement, […] de pierres précieuses […] comme la hyacinthe [ou] la topaze […] ; [de] bougies à la cire d’abeille ; [d’]un segment de boule d’or marqué d’un dessin ressemblant à un Tribrachidium [genre éteint vivant il y environ 600 millions d’années, soit avant le mythe de l’Atlantide, dont les lobes sont entortillés en spirales] ; [et d’]une sculpture de Nautile en bas-relief […], portée par une planche de chêne. »
Durant tout le processus, une procédure très stricte est respectée, dont les différentes étapes consistent entre autres à la « dynamisation par brassage lemniscatique [forme elliptique] ou selon des formes spéciales ; exposition à l’air libre ; exposition à la lumière électrique […] passant premièrement à travers une couche de poudre de cristal de roche, deuxièmement à travers des soies teintes aux plantes dans le spectre bleu-violet ». D‘autres conditions garantissent la validité du processus, dont on peut citer ici :
« Lecture des […] “Noces de Cana” et musique de violon (J.S. Bach), avec effet de tissage par decrescendo et crescendo alternés ; musique de flûte simple et légère ; méditation ; phases de repos […] dans un champ magnétique entre des magnétites naturelles, dans l’obscurité de la nuit, […] avec forte présence du monde végétal; magnétisation au centre d’un champ délimité par trois magnétites naturelles, maintenu pendant une nuit en rotation manuelle […] autour du produit en cours d’élaboration ; modulations rythmiques de la température, à l’aide de bougies et de glace, […] pendant trois nuits consécutives ; déclenchement de mouvements tourbillonnaires ». De plus, « certaines conditions sont créées pour soutenir activement le processus, [notamment] le choix des formes […] des récipients, celui des moments diurnes et nocturnes des travaux, de la position astronomique du Soleil et éventuellement des planètes, de l’orientation dans le système de coordonnées. »
La couleur bleue du produit final est, quant à elle, obtenue par l’addition d’un colorant chimique de synthèse (l’indigotine).
La clientèle
… réside dans 14 pays différents – principalement en Suisse, en France et en Allemagne – et recourt à l’adjuvant bleuâtre dans le cadre de la construction d’habitations privées, de locaux commerciaux, de bâtiments publics, d’écoles, d’hôtels, de locaux industriels, de centres de production agricole et de laiterie (Demeter), de restaurants, d’institutions médico-sociales, de centres culturels et artistiques, d’églises et… de socles d’éolienne.
Quelques exemples
Un ciment décarboné ?
Le produit Pneumatit s’oriente-t-il pour autant vers le secteur du béton « bas-carbone » ? À ce sujet, tableau comparatif à l’appui, le site internet indique seulement que :
« Du béton peu coûteux ennobli avec Pneumatit® est nettement plus avantageux que du béton à prix élevé sans Pneumatit® ».
Gardons finalement en tête que :
- La production de béton génère près de 8% des émissions globales de CO₂ et 2/3 y sont générés par la réaction chimique à la base de la fabrication du clinker (matériau fabriqué par la cuisson des roches à environ 1450 °C). D’une manière générale, les cimentiers, prétextant des investissements financiers trop lourds à supporter, tardent aujourd’hui à effectuer une transition vers des procédés de fabrication plus écologique ;
- Alors que certains ont fait le choix de concasser des coquilles de mollusque en tourbillonnant sur fond de musique de flûte, partout dans le monde des équipes scientifiques essaient quant à elles de développer des solutions innovantes et bon marché impliquant une proportion moindre de clinker, et donc moins d’émissions (jusqu’à 40% de réduction). Un matériau plus durable, plus respectueux de l’environnement – plus bienveillant, en somme.
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Source (sauf indication contraire) : Pneumatit.ch (consulté le 18.08.2021).
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