Quelques réflexions sur l’anthroposophie

Free Binder
5 min readAug 9, 2021

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L’anthroposophie n’est pas un complot

« Ce qui est très difficile avec l’anthroposophie, quand on commence à la découvrir, c’est de ne pas tomber dans le complotisme, parce que ça ressemble à un complot. Il ne faut pas penser en terme de complot, il faut penser en terme de projet. L’anthroposophie a un projet. Et pour réaliser ce projet, elle a mis en place une organisation qui va centraliser tous ces différents domaines et les connecter entre eux. […] Le but c’est de créer une nouvelle civilisation. […]

Tous les domaines de la vie, vos vêtements, votre nourriture, mais aussi vos manières d’être, vos moeurs, vos comportements, […] seraient anthroposophisés eux aussi. […] C’est un vrai projet de civilisation. »

Sur les épidémies

« Les situations épidémiques favorisent les discours sectaires. Pourquoi l’anthroposophie est-elle favorable aux épidémies ? […] Comme ce sont des situations où la peur domine, […] ça favorise l’adhésion à des thèses apocalyptiques, conspirationnistes, délirantes, etc. Le mouvement anthroposophique a effectivement tout intérêt, même si c’est cynique, à ce que les épidémies se répandent un peu partout dans le monde. […] Toute situation pour laquelle on a pas encore une explication scientifique favorise ces mouvements. »

Le contact avec la nature

« Quand vous êtes anthroposophe, vous n’êtes que faussement sensible à la nature. Vous vous mettez en contact avec […] celle-ci, mais c’est pour y projeter vos gnomes, vos sylphes, vos ondines, vos forces cosmiques, etc. En fait, la nature, vous ne la voyez pas vraiment. […] Vous lui ouvrez votre sensibilité et aussitôt vous projetez sur elle tout un tas de fantasmes de Rudolf Steiner. Ce qu’il faudrait, c’est une sensibilité à la nature sans tout ce processus de projection, c’est-à-dire sans l’anthroposophie. […]

Nous sommes des êtres en interaction sensible avec notre environnement, […] les enfants et les adultes que nous sommes avons besoin de ça. Est-ce qu’il faut transformer ça en religion ? […] Comme une limite absolue ? […] Oui, notre sensibilité à la nature est importante. Mais […] pourquoi la circonscrire dans un fatras de croyances qui ne nous disent rien […] sur la nature ? »

Un anthropomorphisme

« Le projet des anthroposophes, c’est l’anthropomorphisme. C’est voir la nature comme si c’était un prolongement de l’être humain, […] comme s’il n’y avait plus de frontière entre l’intérieur, la sensibilité intérieur, et l’extérieur, c’est-à-dire le monde, la nature. Ce que refusent les anthroposophes, c’est la coupure “sujet, moi”– “objet, le monde, la nature”. Et ce qui donne la force de la pédagogie Steiner-Waldorf, c’est que quand vous anthropomorphisez tout, vous vous intéressez à tout : si une colline devient un prolongement de vous-même, si un arbre devient une espèce d’homme inversé, avec ses racines qui sont comme un cerveau qui s’enfonce dans la terre et ses branches et ses feuilles qui sont comme des pieds qui volent vers le ciel (comme le pensent les anthroposophes), évidemment que ça vous intéresse de voir la nature, le monde avec ces yeux-là. […]

Oui, c’est un besoin profond que nous avons tous, en tant qu’être humains, d’ouvrir notre sensibilité à la nature. [Mais] cette sensibilité à la nature ne doit pas être un horizon indépassable et il n’est pas nécessaire de la charger de croyances pour l’activer. Nous pouvons être sensibles à la nature, à la beauté d’un paysage, à la poésie d’un désert, d’un lac, sans […] y projeter quelque chose de religieux. […] Le réel devrait nous suffire. Il n’y a pas besoin d’enchanter le réel pour que celui-ci soit beau.

C’est tout le courant philosophique actuel […] qui s’appelle le “réenchantement du monde”. Nous aurions besoin de “réenchanter” le monde. Et du coup, les croyances seraient nécessaires. Le mot enchantement veut dire ce qu’il veut dire : il y a la magie, […] la religion dans enchantement. Non, nous n’avons pas besoin de réenchanter le monde pour que celui-ci soit beau, pour que notre sensibilité vibre, résonne au contact de celui-ci. Reconnaissons ça comme un besoin humain, mais pas comme un besoin humain indépassable et pas nécessairement connecté à une dimension religieuse. Et là, on arrivera à dépasser l’anthroposophie. […]

Ça n’est pas parce qu’on s’extasie de manière croyante et passive vis-à-vis d’un paysage qu’on respecte la nature. […] Je crois que pour respecter vraiment la nature, il faut être actif et rationnel. Et l’anthroposophie ne rend ni actif, ni rationnel : elle rend passif et délirant. […]

Tous ces gens plus ou moins proches de l’anthroposophie sont d’accord sur une chose essentielle : ils veulent une société où la croyance reste présente, […] et où la science n’[est] pas quelque chose de prédominant. Je crois que c’est ça au fond qui donne à l’anthroposophie sa capacité de se trouver des alliés et de fédérer, c’est cette idée que […] que la vie sociale et l’être humain ne pourraient pas se passer de croyances. »

« Est-il anthroposophe ? »

« Les gens ne s’expriment pas sur ce sujet : même quand ils le sont, ils ne disent pas qu’ils le sont ; quand ils ne le sont qu’à moitié, ils ne savent pas jusqu’à quel point ils le sont eux-mêmes ; et parfois ils le sont sans le savoir. C’est donc très difficile et […] pas légitime […], de dire : “telle personne est anthroposophe”. On peut dire : “il est plus ou moins proche de l’anthroposophie”. On peut ajouter que peut-être il ne le sait pas lui-même. […]

Dans l’anthroposophie, il y a un processus de dissimulation. […] La plupart des gens sont plus ou moins anthroposophes, ne le savent pas et ne pourraient pas l’assumer. C’est toute la difficulté. »

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Source

Quelle est l’influence de l’anthroposophie dans l’écologie ?, interview de Grégoire Perra, Podcast Echanges climatiques, 02.08.2021. [URL : https://youtu.be/qb_9PHXedkI]

Plus d’infos

Une vie en anthroposophie, entretiens avec Grégoire Perra, Podcast Meta de Choc, mai 2019. [URL : https://www.metadechoc.fr/shocking-5-gregoire-perra]

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