Une journée chez Twitter
Un an plus tard, la routine est toujours aussi peu prévisible…
Ceci est la version intégrale du texte que j’ai partagé avec Antoine Char, vous pouvez lire la version du Quotidien Métro Montréal sur leur site (voir note #1 en bas de page).
Lundi matin, 7h. La musique de mon réveil me tire de mon sommeil. J’ouvre les yeux, je pense déjà à ma journée de travail. Résiste à vérifier mes courriels sur mon iPhone. Pas une bonne idée en se levant. Respire tranquillement. Effleure l’épaule de ma femme qui ne dort pas vraiment. Attrape mon iPad en me levant, sur ma table de nuit. J’ai scanné LaPresse+ du jour hier soir à 23h, avec le décalage de trois heures entre Montréal et San Francisco, j’attrape l’édition du lendemain chaque soir au lit. J’aime bien me faire livrer par réseau mon 10-15 minutes de survol de l’actualité du Québec. Le matin, je passe au travers mes fils d’actualités avec Feedly, mon lecteur de nouvelles préféré. Je passe des centaines de titres en 15-30 minutes chaque matin, je sauvegarde avec Instapaper ceux que je vais lire le soir ou la fin de semaine. Et je regarde la pile de courriels depuis hier soir. 58, pas si pire.
Douche rapide. Saute sur mon vélo. 15 minutes de mon domicile à côté du Golden Gate park jusqu’au QG de Twitter sur Market street, dans un des pires quartier, qui s’améliore d’ailleurs, c’est pour ça que Twitter y est. 8h, stationne mon vélo dans la cage à vélo au sous-sol, le parking n’est pas que pour les voitures. Ascenseur jusqu’au neuvième étage. Bip, bip, carte de sécurité et bonjour Georges, happy Monday! Traverse la grande salle commune, qui fait office de cafétéria. Lance, le chef de cuisine qui tweete et qui Vine ses recettes, est en forme ce matin. Fruits frais, petit-déjeuner chaud, ça fait partie des bénéfices des employés de Twitter. Me ramasse un bol de fruit et un bagel Montréal-style en provenance d’Oakland ainsi qu’une tasse de café. Croise Dick Costolo, notre président, qui marche d’un pas vif et décidé. Good morning!
8H30 sors mon laptop de mon sac #hackweek, branche le grand écran, clavier, écouteurs. 104 courriels. Pas mal tout ce que j’ai besoin est quelque part sur le réseau, ma vie c’est une série de fenêtres sur internet avec des dizaines d’onglets. Chrome, Firefox et Safari sont ouverts en permanence. Une ou deux applications Twitter (Tweetdeck et Yorufukurou). Quelques fenêtres de consoles de texte, pour se connecter aux APIs de Twitter “à la mitaine”. Sublime Text est mon éditeur de texte/code, Rdio et Last.fm pour la musique, Libre Office et Keynote au besoin, mais la plupart de ce que j’écris va dans des documents sur Google Drive ou sur dev.twitter.com, un site en Drupal.
Révise mon agenda dans iCal. Quelques meetings, quelques appels. Un développeur en Australie, premier appel Skype, il est tard pour lui et tôt pour moi. Un deuxième appel avec un partenaire qui développe une intégration avec l’API publicitaire de Twitter (c’est sur ça que je travaille depuis quelques mois). 187 courriels, assez bien triés par priority inbox. Je passe au travers les 50 plus importants que je classe par étiquette @next (que je tente de vider chaque jours) ou @sometime (que je tente de vider à chaque semaine). Si un courriel demande moins de 2 minutes, je réponds tout de suite. Quand je reçois des questions techniques ou des rapports de bugs, je crée tout de suite un ticket dans JIRA, le système qu’utilisent plus de 1000 employés chez Twitter, une base de donnée de toutes les tâches. Si je sais qui peut régler le truc, je l’assigne à la bonne personne. Sinon, la directrice du département concerné va réviser et assigner à la meilleure personne.
Avec tout ça il est rendu 10h30 et il me semble que je n’ai pas vraiment encore commencé ce que je voulais faire aujourd’hui… je révise ma liste de trucs à faire, un simple fichier todo.txt dans Dropbox et je choisi les 2-3 tâches importantes que je veux faire aujourd’hui, si possible. 10H45 c’est l’heure du standup. Je travaille avec une équipe de 10-15 ingénieurs dirigé par une gestionnaire de produit chevronné, April. La moitié des ingénieurs senior sur notre équipe sont des femmes, c’est assez rare dans l’industrie, on en est assez fier. En 15 minutes, tout le monde debout (pour que la rencontre soit courte), chacun énumère rapidement sur quoi il a travaillé hier, une ou deux choses à accomplir aujourd’hui et si quelque chose bloque la progression. Une des personnes présente prends des notes de style télégraphique et après le standup elle les envoie à une adresse de courriel à laquelle tous les employés de la compagnie peuvent s’abonner. Tout le monde peut voir tout le temps qui travaille sur quoi et ce que l’empêche de progresser. La plupart des tâches sont des tickets dans le système de gestion.
Aujourd’hui je dois documenter une nouvelle option de l’API, j’ai un ticket pour ça, qui est lié avec celui qui décrit ce qui est à programmer et qui contient aussi la discussion de l’équipe sur la meilleure manière de faire, avec plusieurs liens vers des pages wiki ou des document sur Google Docs (pour commenter, ré-écrire). Je profite de l’heure qui me reste avant le dîner pour clancher 50 autres courriels et faire quelques petites tâches plus courtes, ajouter des détails à un billet sur notre blogue, répondre à deux développeurs, un via Twitter l’autre dans un forum de discussion. Je révise le code qu’un des développeur a terminé ce matin, à chaque fois que quelqu’un termine quelque chose, il ajoute 2-3 personnes pour faire un review, réviser que tout semble correct. C’est le cas, je donne mon ok. Ship it !
À 11h45, je vais me cherche un dîner à la cafétéria, 4 ou 5 choix de plats plus délicieux les uns que les autres, produits frais, locaux, bio, équitables. On est en Californie après tout. Je tente de résister aux options les plus caloriques, un terme circule, le Twitter Twenty, c’est le 20 livres que certains ont pris avec toute cette fameuse bouffe. Je pense que c’est mon cas… Je vais travailler sur ma présentation que je donne plus tard cette semaine dans une conférence de startups, à Moutain View. Je mange devant mon écran en travaillant là dessus. Pas une bonne habitude, mais je suis un peu rushé cette semaine (encore). À 13h30 je reçois de la visite, Antoine Char, professeur à l’UQAM visite la Silicon Valley, il veut comprendre un peu mieux le rôle de Twitter dans l’écosystème des médias.
On s’installe dehors, terrasse sur le toit, au soleil mais au vent (il fait presque toujours soleil ici, mais jamais vraiment chaud, vent et brume sont de rigueur). Rencontre rapide, 30 minutes, c’est plutôt court mais c’est pas mal standard, certains jours je peux faire 6-8 rencontres de 30 min, en plus du reste. Assez difficile, ça me rends le cerveau en bouillie. Je suis bilingue, avec mon accent de grenouille of course, c’est quand même plus difficile d’écrire et de discourir en anglais, je n’ai pas la autant maîtrise qu’en français, mais ça se fait quand même naturellement pour moi.
De 14h à 16h je me suis bloqué du temps pour écrire, je ferme le courriel et mes applications Twitter. J’enfile mes écouteurs et je mets du Led Zeppelin volume à 11. Good times, bad times. Cet après midi j’écris un plan stratégique pour améliorer la manière dont on gère le développement des nouvelles fonctionnalité, les relations avec les partenaires et nos processus d’opérations du Ads API. Ça sera un document assez concis, une page ou deux, de haut niveau, avec des points d’action. Pas de discours ou de théories ici, tout va vite, on va à l’essentiel, no bullshit.
De 16h à 18h, je refais du courriel, du blogue, du Twitter, même une petite pause facebook de 5 minutes. Traité 200 courriels aujourd’hui. Répondu à 65, archivé ou jeté un autre paquet et il m’en reste une vingtaine auxquels j’aurais voulu répondre aujourd’hui. Au début ça me stressait, je voulais répondre à tout, mais c’est impossible. Le volume entrant et l’intérêt envers Twitter est tellement grand qu’il faut apprendre à prioriser, décider, répondre rapidement et malheureusement aussi, en laisser aller une partie. Si c’est vraiment important, ça va revenir…
Beau soleil dehors, tour d’ascenseur, tour de vélo vers la maison, détour par le parc pour profiter de l’air frais du mois de Juin. J’arrive à la maison un peu en sueur (le matin ça descends, mais le soir je remonte des côtes, c’est loin d’être plat SF). Ça sent bon dans la maison. Ma blonde a préparé un bon souper. Je l’embrasse, je lui dis que je l’aime. Je lui dis ça souvent. On s’installe à table pour jaser ensemble. Ensuite, lecture (oui même des livres en papier) ou séries télés via internet. Peut-être une heure ou deux de travail au besoin, comme ce soir. Ou skype avec la famille et les amis, ça garde pas trop loin. Très heureux ici, mais on s’ennuie aussi.
On recommence demain. Un soir ou deux cette semaine je vais aller à un événement techno, startup ou de l’industrie. La fin de semaine, on fait des balades pour explorer la ville à pied, ou la nature superbe des environs en zipcar (même principe que communauto)… Si je ne suis pas trop fatigué je vais tenter de trouver du temps pour écrire ou coder, parce que j’aime ça.
Mon ami Bruno Boutot est aussi cité dans l’article de Métro, voici l’intégrale de sa citation:
Si Sylvain Carle était un concept il serait une maille du réseau; “pas d’internet, comme le précise James Bridle, mais du réseau fait de nous tous et d’internet, entrelacés.” Sylvain Carle a sans doute été un des premiers a incarner cette dualité.
Aujourd’hui on sait qu’internet n’invente pas la communication en réseau mais permet seulement de multiplier par mille (ou davantage) le rayonnement de nos réseaux humains, culturels, naturels. C’est à la portée de tous, sauf que Sylvain Carle le pratique consciemment depuis 20 ans.
Une maille du réseau n’est pas au dessus de la mêlée, au contraire: elle est très ordinaire mais aussi très singulière. Sylvain Carle est forcément identitaire, donc nationaliste, égalitaire, donc solidaire, hyperconnecté donc spirituel. Il est évidemment abordable et peut converser avec vous dans tous les langages universels de ses réseaux: la programmation, certes, mais aussi la bière, les données ouvertes, le skateboard, la politique, la musique, les start-ups, la paternité, le web et une douzaine d’autres. Et les réseaux nous multiplient par combien déjà? En 20 ans? Heureusement, Sylvain Carle est une maille ordinaire du réseau, donc plein de défauts. Autrement, comme ils disent à San Francisco, watch out.
Merci Bruno!
- Petite note éditoriale, dans l’article on fait mention de mes 4 enfants (c’est vrai!) ma femme Yannick et moi attendons une première fille, mes trois grands ados à Montréal sont liés d’amour et de quotidien avec elle, mais pas de sang (cet honneur revient à leur mère Isabelle avec qui j’ai été 10 ans).