Les aventures de Michel Vigaud, le héros sans cheval blanc d’Elsa Triolet

François Allafort
4 min readAug 15, 2017

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Elsa Triolet dans son roman Le cheval Blanc, nous prend par la main pour suivre au pas de course la fuite en avant de Michel Vigaud. Son héros, à la recherche d’un cheval blanc symbolique, va nous faire vivre des aventures haletantes, d’une légèreté de façade.

En Allemagne avant la première guerre mondiale, Michel Vigaud, alors enfant, s’enfuit du terrain de tennis d’une jeune allemande parce qu’il a peur d’être juif. C’est le début du roman et d’une longue liste de fuites. Il s’enfuit du collège pour devenir mousse sur un bateau avec lequel il ira jusqu’à Hawaï. Il revient à la mort de sa mère et se réfugie dans les bras d’une serveuse qu’il quitte précipitamment pour atterrir à la Vierge Folle, un club de Pigalle.
Il se lie alors d’amitié avec Gaston, le pianiste du club, qui lui propose d’être deuxième pianiste et l’accueille dans sa famille. Cela ne va pas durer… Il plie bagage sur un coup de tête et rencontre, à la campagne, une peintre. Leur romance tiendra deux jours avant que Michel ne reprenne la route en toute hâte et sans un “au revoir”. Il manque de peu de se faire embrigader dans un numéro de haute voltige à moto. Sa carrière de cascadeur s’achève, elle, avant même d’avoir commencé. Etc…

“Ils me fatiguent songeait-il, assis sur la banquette du tortillard, et quand on me fatigue, je lève l’ancre.” p176

Ces quelques lignes ne reflètent que les cent premières pages du roman. Je préfère m’arrêter là pour vous laisser le plaisir de découvrir les mille vies de Michel Vigaud. Pour ma part j’ai été pris dans le tourbillon de ses aventures, l’insouciance de sa vie, il m’était difficile d’en décrocher.

L’apparente légèreté de Michel cache une certaine noirceur qui transparaît de plus en plus, le récit avançant, Michel vieillissant. Ce qui ne fait que relever l’intérêt du roman.

Pourquoi Michel prend-il systématiquement la fuite face aux événements de la vie suscitant un engagement de sa part ? D’où vient cette volonté de devenir un héros et de chevaucher ainsi un cheval blanc ?

“Ce Vigaud qui avait vu le monde entier, un vagabond, un sportif, un musicien, un homme qui ne craignait rien, qui couchait avec toutes les femmes et n’en aimait aucune…” p149

J’ai vu une allégorie entre le destin de Michel, insouciant mais rattrapé par une noirceur, et le destin de l’Europe de l’entre-deux-guerres, respirant après la première et vivant sous la menace de la seconde.

Le Dôme, dans le quartier Montparnasse - Paris 1930

Les aventures de Michel ont également le mérite de nous faire voyager, principalement en France, mais nous avons droit à un peu d’exotisme avec des escales à New-York et à Berlin. En France, c’est à Paris que Michel use principalement ses semelles. De multiples occasions pour l’auteure de décrire la ville, de la ressentir de manière poignante. J’ai perçu chez Elsa Triolet un réel amour de Paris.

“Paris, il avait de la veine de revoir Paris ! Ces rues nocturnes, ces doubles chaînes de lumières, les coins de rues flambant rouge, quand c’était encore ouvert chez un de ces “Dupont” où “tout est bon”. Sur le macadam lisse, poli par les roues, passé au vernis noir, de rares taxis marchaient à toute allure, comme ils ne marchent qu’à Paris.” p202

Née à Moscou en 1896, ce n’est qu’au milieu des années 20 qu’Elsa Triolet s’est installée à Paris, dans le quartier, bohème à l’époque, de Montparnasse. La ville a su rapidement devenir une muse pour elle.
Mais sa véritable “muse” reste son deuxième mari en la personne de l’homme de lettres Louis Aragon. Son poème Voyageur est d’ailleur cité dans le roman.
Nous pouvons piocher un autre élément biographique qui a très certainement influencé l’écriture de Le cheval blanc. Sa mère était une pianiste de grand talent, nous apprend wikipedia, un talent partagé avec Michel Vigaud.

La transition avec la note musicale est toute trouvée. Comme bande son pour accompagner votre lecture, je vous propose tout naturellement Yes we have no bananas, interprété, ici, par Billy jones. C’est en effet un “gros tube” très léger de l’entre-deux-guerres qui est joué par Michel à la Vierge Folle.

Yes We Have No Bananas - Billy Jones

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Infos Pratiques :
Titre : Le cheval blanc
Auteur : Elsa Triolet
Editions : Gallimard, 1972 ( Collection Folio), première édition 1943
Nombre de pages : 537
Prix : 6,15 € chez Gibert Joseph
Difficulté : Le mode transports en commun est envisageable. La lecture ne demande pas une concentration extrême.

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François Allafort

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