One-on-One, l’outil essentiel du servant leader

Gilles Cruchon
12 min readApr 10, 2020

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Photo by Zdeněk Macháček on Unsplash

Le One-on-One est probablement le premier outil que vous devez mettre en place en arrivant dans une équipe. C’est un moyen efficace pour construire une relation de confiance avec chacun de ses membres. Ayez bien en tête que le One-on-One est en premier lieu le moment privilégié du collaborateur pour parler à son manager. Et pas l’inverse. Il est donc primordial d’être disponible, à l’écoute afin de pouvoir apporter son soutien et son aide.

Les objectifs du One-on-One

Ce moment d’écoute a plusieurs objectifs tournés vers le bien être du collaborateur :

  • prendre en compte le contexte immédiat du collaborateur ;
  • régler les irritants (individuels, collectifs ou systémiques) que rencontre votre collaborateur ;
  • vérifier que ce que fait le collaborateur est aligné avec ses objectifs individuels et collectifs et l’orienter ou le débloquer, le cas échéant ;
  • montrer toute votre gratitude (et celle de votre entreprise) pour le travail accompli par votre collaborateur ;
  • orienter le collaborateur dans la construction de sa carrière et la gestion de ses compétences ;
  • récupérer des feed-backs sur votre collaboration.

Tout est question de contexte 🌦

En premier lieu, il convient de connaître et prendre en compte le contexte immédiat de personne en face de vous. Il s’agit de lui faire verbaliser les émotions qui l’envahissent en ce moment (joie, peur, colère, anxiété), les sentiments sous-jacents (bonheur, insécurité, méfiance, confiance). Cela ne vient pas forcément naturellement, n’hésitez pas à poser des questions comme « Que ressens-tu ? » ou à reformuler « Et cela t’a mis en colère ? ». Il convient aussi de se renseigner – tout en respectant sa vie privée – sur son contexte hors boulot (notamment du stress lié à une situation, ou – au contraire – un retour de vacances qui l’ont revigoré). Il est également important de prendre en compte la réaction du collaborateur face à ses tâches quotidiennes (est-ce qu’elles ont du sens pour lui ? est-ce qu’il apprend des choses ? est-ce qu’il s’amuse dans son travail, …). Cette écoute sera d’autant plus efficace que vous aurez cerné le mode de communication (Process Com) ou son type de personnalité (il existe de multiples modèles : MBTI, 16personalities, Ennéagramme, OCEAN).

Gérez les frustrations et les blocages 😖

Ensuite, toujours dans le but créer un environnement pour que le collaborateur soit heureux, vous pouvez creuser pour découvrir les irritants avant qu’ils ne deviennent de plus gros problèmes. Ces irritants peuvent être liés à des frustrations concrètes d’un projet (pas assez de temps / budget pour faire ci ou ça, pas de moyen d’accéder à telle ou telle info, telle application interdite dans la boîte, …), mais peut aussi venir de l’équipe en elle-même, de frictions entre deux personnes, de commentaires qui ont froissé, etc. Dans les deux cas, en tant que manager, il vous faudra vous retenir d’intervenir directement, mais plutôt guider la personne vers des solutions (la faire réfléchir à des solutions, encourager la personne à donner / recevoir des feed-backs constructifs, …). Si ces solutions ne fonctionnent pas, ou si elles ne sont pas opérables au niveau hiérarchique de votre collaborateur, vous pourrez alors intervenir vous-même. Il est important de noter ces actions comme les résultats de votre One-on-One, et vous pourrez vérifier, au prochain rendez-vous, que les actions ont bien été menées.

Vérifiez votre alignement 📐

Le One-on-One vous permettra également de vérifier que le collaborateur est en phase avec les objectifs qui ont été fixés – que ce soit des objectifs personnels ou des objectifs d’équipe. C’est le moment où il pourra vérifier que ses priorités du moment correspondent bien à ce qui est bon pour l’équipe. C’est aussi dans cet échange que vous pourrez redonner du sens en la mission si jamais le collaborateur se sent perdu. En cas de besoin, vous pourrez aussi aider le collaborateur à prendre du recul sur la situation, fournir votre point de vue pour faire prendre de la hauteur ou dédramatiser. Et si tout va bien ? Ça sera alors l’occasion de formuler explicitement votre confiance ou votre gratitude. Portez une attention particulière à la façon dont vous dites « Merci ». Il est important de contextualiser le remerciement, de le personnaliser et d’expliquer ce qui vous a poussé à l’exprimer et pourquoi ce qu’a fait la personne est important pour vous. Bref, il doit être sincère et à la hauteur de tout ce que la personne a accompli ! Prenez le temps de le préparer. Attention, vous pourrez être tenté de transmettre le « merci » des pairs de votre collaborateur, si cela part d’une bonne intention – surtout si votre interlocuteur manque de confiance en lui – n’oubliez pas qu’il est préférable d’encourager les feed-backs entre pairs, le message en sera d’autant plus fort !

Prenez la longue-vue 🔭

De temps en temps, vous pourrez orienter le One-on-One sur une vision plus long terme de la carrière du collaborateur. Savez-vous à quoi aspire votre collaborateur ? Que souhaite-t-il faire dans un an ? dans trois ans ? dans cinq ans ? Il est possible qu’il ne le sache pas lui-même. Il faudra alors le guider, il existe plusieurs outils pour cela (qui feront probablement l’objet d’un article à part entière). Une fois le ou les chemins identifiés, assurez-vous que le collaborateur ait identifié les formations à réaliser et les personnes à rencontrer (pour se créer les bonnes opportunités). Assurez-vous également que les tâches que vous lui donnez vont lui permettre de grandir vers ces chemins de carrière.

Récupérez du feed-back 🎁

De ma propre expérience, il est rare que les One-on-Ones abordent un sujet pourtant très important : votre collaboration directe avec la personne en face de vous. La plupart du temps, les collaborateurs n’osent pas vous faire de feed-back, en encore moins à leur propre initiative. Peur de blesser ou peur d’être mal vu… peu importe la raison, il est important de montrer à votre collaborateur que leur feed-back est important, qu’il n’aura pas de mauvaise conséquence (au contraire). Le meilleur moyen de l’obtenir est de le demander via une question ouverte. Par exemple, demandez « Selon toi, qu’est-ce que je pourrais faire ou arrêter de faire pour mieux t’aider dans ton travail ? ». Et puis, silence, taisez-vous. Le silence est très inconfortable et la personne en face de vous ne pourra pas éternellement se taire. Attendez. Patiemment. Cinq secondes, dix secondes. Ne lâchez pas et les réponses viendront. Si vous ne souhaitez pas « prendre au piège » les membres de votre équipe, vous pourrez les prévenir en avance que la question sera posée au prochain One-on-One. Et, surtout, ne vous arrêtez pas à la réponse échappatoire « Tout va bien ». Il est toujours possible de s’améliorer, rappelez-le à votre collaborateur et, si nécessaire, reformulez la question. Quand une réponse arrive enfin, commencez par remercier la personne de l’avoir fait (là encore, un remerciement sincère). Ne cherchez jamais à vous justifier. Prenez le feed-back tel qu’il est. C’est un feed-back sur votre façon de manager, pas sur qui vous êtes. Si vous ne le trouvez pas assez factuel (ou plutôt, si vous ne voyez pas à quel fait il est relié), demandez à la personne de vous fournir un exemple. N’oubliez pas que le feed-back appartient à celui qui le donne, ne cherchez pas à l’édulcorer ou à le détourner. Prenez-le tel qu’il est et servez-vous en pour améliorer ce qui va moins bien dans votre management.

OK sur le fond… mais la forme ?

Il est important de garder en tête qu’il n’y a pas qu’un seul format de One-on-One, qu’il est possible de le faire sous de multiples formes. Certains collaborateurs auront besoin d’une discussion informelle autour d’un café (ou d’une 🍺 — mais c’est interdit sur le lieu de travail 🤫), d’autres auront besoin d’un cadre plus formel. Il est donc primordial de personnaliser le One-on-One en fonction de votre interlocuteur. Autre bonne pratique : changez le format de temps en temps. Cela évite de rentrer dans une routine qui pourrait nuire au contenu. Un format original est le One-on-One « en marchant ». Je ne l’ai personnellement jamais tenté, mais il m’intéresse beaucoup (pas uniquement parce que c’était le format préféré de Steve Jobs). La marche a des effets bénéfiques (réduction du stress, amélioration des fonctions cognitives, gain en créativité, focus sur le contenu de la conversation, …). Dans tous les cas, assurez-vous que l’échange soit efficace pour la personne que vous avez en face de vous. Vous pourrez mesurer son « inefficacité » par le nombre d’annulations et la motivation de la personne en face de vous.

Prenez des notes ✍️

Si le One-on-one peut être perçu comme une discussion informelle, il est important qu’il reste efficace et utile pour le collaborateur. Rien de pire pour une personne que d’avoir à répéter sans cesse les mêmes choses à son manager. Au mieux, cela sera considérer comme un manque de respect de votre part… au pire… je n’ose imaginer. Personnellement, je prends des notes au fil de l’eau sur mon ordinateur portable 👨‍💻 , tout en faisant attention à ce que celui-ci ne constitue pas une barrière. Cela étant, il peut être parfois utile de « fermer le PC » lorsque la conversation doit se faire de manière plus confidentielle ou lorsque le collaborateur est mal à l’aise avec la prise de note. Dans tous les cas, assurez-vous d’un moyen de bien retenir les faits marquants et les actions à réaliser. Une autre façon d’y arriver est de demander au collaborateur de formaliser (via un email, via un mini-CR dans un outil, via une todo-list d’actions, …) ce qu’il a retenu du One-on-One. Cette solution possède un avantage supplémentaire : c’est une forme de reformulation qui permettra de s’assurer que vous êtes sur la même longueur d’onde !

Les inconditionnels du One-on-One

Quel que soit le formalisme de vos One-on-Ones, certaines choses sont invariables :

  • 📅 Planifiez vos One-on-Ones : la fréquence dépend de votre équipes (de sa taille, de sa séniorité, …). Tentez une fréquence donnée puis, en rétrospective d’équipe, laisser votre équipe décider si ce doit être plus souvent ou moins souvent. Il est préférable d’avoir un jour fixe et une heure fixe. Le calendrier des managers est souvent vampirisé par des réunions dans tous les sens. Les One-on-One doivent être les éléments les plus prioritaires de votre agenda !
  • ⏳ La durée : démarrer par 30 minutes. Adaptez-vous en fonction de votre équipe (et de la fréquence choisie). Là encore, l’avis de l’équipe est important. Posez-vous aussi la question : récupérez-vous assez d’info ou pas ?
  • 👐 Tous les membres de votre équipe doivent être vus en One-on-One. Il se peut que les échanges soient tendus avec certains de vos collaborateurs, mais ne sacrifier jamais au grand jamais les One-on-Ones. N’isolez aucun membre de votre équipe et soyez irréprochable sur l’équité. C’est une des 6 pratiques du manager bienveillant !
  • 🤐 Le One-on-One se réaliser en tout confidentialité. Un One-on-One à la cantine ou au café, alors que d’autres personnes peuvent entendre peut limiter la conversion. De la même façon, une information personnelle reçue en One-on-One ne doit pas être diffusée. Il est important de libérer la parole des collaborateurs, il doit pouvoir tout dire et se sentir à l’aise. La confiance est un élément clé pour des One-on-Ones réussis.
  • 👀 Il est nécessaire de pouvoir lire le langage non verbal. Il est parfois impossible de se trouver dans la même pièce (télétravail permanent ou confinement exceptionnel), privilégiez alors la visioconférence (Skype, MS Teams, Slack, Google Hangout, Zoom… les outils ne manquent pas !).
  • 👂 Posez des questions ouvertes. L’idée est de pratiquer l’écoute active. N’hésitez pas à commencer par demander comment la personne va. Le One-on-One est une occasion de monter que vous tenez au bien-être de la personne. Si vous avez lu Radical Candor, c’est le moment de montrer votre « Care personally ».
  • 📝 Arrivez préparé à votre One-on-One. Ayez une liste de sujet à ne pas louper, relisez notes précédentes, passez en revue tous les points importants qui ont eu lieu depuis le dernier rendez-vous. En tant que collaborateur, c’est pareil, arrivez préparé, notez vos succès et partagez-les avec votre manager (c’est aussi le moment de montrer que vous avez réussi beaucoup de choses).
  • ✅ Finissez toujours le One-on-One en établissant un plan d’actions, que vous pourrez récapituler ou faire récapituler pour être sûr d’être sur la même page. N’oubliez pas de prioriser les actions — les vôtres et celles du collaborateur — tout n’a pas le même degré d’urgence !

En cadeau-bonus, quelques erreurs à éviter lors des One-on-Ones :

  • Faire état des décisions collectives uniquement lors les One-on-Ones : vous risquez soit désynchroniser une partie de l’équipe (tout le monde n’a pas son One-on-One en même temps avec vous). Le temps que vous ayez fait le tour de l’équipe, certaines personnes seront déphasées de la solution ou la découvriront par les autres. Elles seront, au mieux, moins efficaces (car non alignées) ou, au pire, vexées de ne pas être encore au courant — voire carrément contre-productive car en opposition avec la décision. Bref, les décisions collectives sont annoncées lors des Team meetings (article à venir sur le sujet).
  • Faire ses One-on-Ones à l’arrache : si vous n’avez pas le temps de préparer… c’est que vous n’accordez pas assez de temps à vos collaborateurs. Il se peut que vous soyez temporairement débordés — les périodes de rush existent partout — dans ce cas reporter le One-on-One à une date où vous serez disponibles et ouvert à l’écoute. Si vous êtes trop souvent débordé, c’est qu’il y un souci (organisation personnelle, équipe trop grosse, trop de pression du management, …). Dans ces cas-là, levez le crayon, allez parler à votre manager à vous, à vos RH. Ne laissez pas la situation durer.
  • Attendre le prochaine One-on-One pour faire un feed-back « constructif » : si, pour une raison bien factuelle, le comportement du collaborateur n’est pas satisfaisant, il convient de lui faire un feed-back dit “constructif”. Evidement, un tel feed-back se fait en tête à tête — je reviendrais probablement sur la bonne façon de faire un tel feed-back dans un prochain article — mais n’attendez pas le prochain One-on-One pour le délivrer. Tout d’abord parce qu’un tel feed-back, s’il ne se fait pas « à chaud », il ne doit pas non plus se faire trop longtemps après l’incident. Mais surtout, n’oubliez pas que le One-on-One n’est pas votre moment, c’est celui du collaborateur, c’est donc à lui de faire les feed-backs. Je vous conseille donc séparer vos feed-backs à vous dans un tête à tête hors du One-on-One.
  • Annuler un One-on-One : il faut toujours essayer de le reporter à une date ultérieure. Il y a bien sûr des exceptions, si vous prenez tous les deux trois semaines de congés… effectivement, attendez le prochain One-on-One. De la même façon, si vous n’avez rien à vous dire, pas de souci, annulez. Posez-vous alors la question de la fréquence. Peut-être vaut-il mieux éloigner les occurrences ?
  • Transformer le One-on-One en point d’avancement sur les projets : pour rappel, le One-on-One est un temps d’écoute. Si vous l’utilisez uniquement pour votre compte et vous tenir au courant de l’avancement du collaborateur sur son projet, vous ratez le point essentiel de ce rendez-vous. Si le collaborateur souhaite évoquer l’avancement, évidemment, écoutez-le. Ce sera alors l’occasion pour vous d’élargir sur les blocages, les irritants, les frustrations, …
  • Faire une évaluation de la performance du collaborateur lors du One-on-One : fort à parier que votre entreprise a des processus d’évaluation de la performance qui laissera libre cours à l’exercice. Lors des One-on-One, vous pouvez évoquer les objectifs à atteindre et faire en sorte d’aider le collaborateur à les atteindre, mais ce n’est pas le moment d’émettre un avis définitif sur le sujet !

Vous voilà armé pour réaliser des One-on-Ones efficaces. N’oubliez pas le point essentiel : ce moment appartient à votre collaborateur, il est donc de votre devoir de lui faire comprendre qu’il doit en prendre la responsabilité, le contrôle. Ce n’est pas facile, surtout si vous avez un style de management directif. C’est le moment de tenter le style délégatif ! Les collaborateurs ont tendance à vous laisser la main ? À vous d’inverser la balance ! N’oubliez pas que vous êtes un servant-leader ! :-)

N’hésitez pas à donner vos tips (choses à faire ou à éviter) dans la zone de commentaires ci-dessous !

A lire ou écouter

Merci à Aurelien Vanhoucke et Hélène pour leur relecture et leurs conseils précieux.

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Gilles Cruchon

Software craftsman👨‍💻, manager for happiness🎉 & agile padawan👣