Il suffit d’un épisode de “Bron” pour comprendre que Saga Norén est un des meilleurs personnages de série du moment

Les 10 meilleures séries scandinaves

Geoffroy Berson
8 min readAug 29, 2016

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Il y a encore peu, le marché des séries de qualité était écrasé par les anglo-saxons. Mais depuis quelques années, le monde des sériephiles est enfin devenu multipolaire. Et parmi les régions qui nous produisent la meilleure marchandise, on trouve la Scandinavie, Danemark en tête.

Pourquoi ces petits pays, surreprésentés dans l’exportation de bonnes séries? Peut-être parce qu’après avoir été les maîtres du roman policier, ils ont su s’adapter au format du petit écran tout en gardant la même patte. Et il est vrai que comme dans un polar de Mankell ou Larsson, la marque de fabrique de la série scandinave est bien souvent cette capacité à exprimer, avec une intrigue lente et des images froides, ce qu’il y a de plus violent dans la société, de plus tordu chez l’homme.

Bien heureusement, les nordiques ne font pas que des séries policières (il n’y en a que 2 dans ma liste ci-dessous) et maîtrisent tous les genres, mais le polar reste probablement la meilleure porte d’entrée pour un débutant habitué aux productions américaines qui cherche à découvrir l’ADN des œuvres scandinaves. Et si vous ne savez pas par où commencer, ou si vous n’avez vu que quelques-unes des plus connues, voici ma liste (subjective, forcément) de leurs 10 meilleures séries.

[Dernière mise à jour : décembre 2018]

1. Borgen 🇩🇰

Tout simplement ma série préférée. Meilleure série politique depuis The West Wing, Borgen a réussi à rendre passionnant le système politico-médiatique danois, pourtant célèbre pour son régime parlementaire où la culture du consensus est à des années-lumières de l’ambiance à couteaux tirés d’un House Of Cards. C’est dû une prestation excellente de la part des acteurs, une réalisation qui démontre que les nordiques n’ont pas de leçons à recevoir de qui que ce soit en ce domaine, et surtout à un scénario qui autopsie superbement ce que la pratique du pouvoir implique comme sacrifices, comme renoncements, comme compromis et équilibres. On y suit l’ascension de la radieuse Birgitte Nyborg, centriste qui devient Premier ministre à la surprise générale, mais qui ne veut pas renoncer à sa vie de famille en arrivant aux affaires. Ironie du sort, quelques mois après la sortie de la première saison de Borgen, Helle Thorning-Schmidt est devenue la première femme élue à ce poste dans l’histoire du Danemark… Depuis 2012 environ, la série a doublé son succès danois de diffusions dans le monde entier, dont en France sur Arte (qui a ainsi largement dépassé ses audiences habituelles)… À tel point que la chaîne américaine HBO annonce travailler avec Adam Price, le créateur de Borgen, sur un remake adapté au contexte américain. Ce que je ne saisis pas : cette série est le produit d’un système politique bien particulier, tout comme The West Wing et House of Cards sont indissociables du régime présidentiel américain. Il n’empêche que lorsque HBO, chaîne impératrice des séries cultes, veut faire main basse sur le créateur d’une production étrangère et son concept, on tient une reconnaissance qui vaut bien les quelques prix que Borgen a remporté par ailleurs. Bref, une des séries majeures de la décennie 2010.

2. Bron | Broen (The Bridge) 🇩🇰🇸🇪

La série policière la plus fascinante. D’abord pour ses enquêtes diablement bien écrites, complexes, à la tension maîtrisée de bout en bout — celle de la saison 1 commence d’ailleurs avec une certaine originalité : un corps est retrouvé posé à la frontière entre le Danemark et la Suède, sur le pont de l’Øresund, forçant les polices des deux pays à coopérer. Et surtout pour son duo fantastique de personnages principaux : Martin Rohde, le Danois bon vivant et à la moralité fragile, tente de faire équipe avec Saga Norén, la Suédoise ultra consciencieuse atteinte du syndrome d’Asperger (une forme d’autisme). C’est ce couple aussi unique qu’improbable, porté par des performances d’acteurs de très haut vol et accompagné d’une réalisation excellente, qui fait de Bron une série à part. À travers sarcasmes et incompréhensions, on y découvre aussi les différences entre Suédois et Danois, ressortissants de pays qui peuvent paraître identiques depuis nos contrées, mais qui ne le sont pas tant que ça.

En 2013, 2 ans après la sortie de Bron, le concept a été adapté par la chaîne américaine FX pour une série policière se passant à la frontière américano-mexicaine (The Bridge), puis Canal+ et Sky Atlantic en ont fait un remake franco-anglais (Tunnel).

3. Forbrydelsen (The Killing) 🇩🇰

Avec sa saison 1 sortie en 2007, c’est The Killing qui a ouvert le bal des séries nordiques à succès, en montrant que leur maîtrise du polar pouvait être transcrite sur petit écran. Alors que l’époque était aux séries policières américaines toutes identiques où 1 épisode = 1 meurtre résolu en fin d’épisode de 45 mn après 2 fausses pistes, celle-ci prend le temps. Vingt épisodes d’une heure pour une seule et même enquête, précisément. Et le moins qu’on puisse dire, c’est que ça fonctionne. Lors de sa sortie, plus du tiers des 5,5 millions de Danois ont suivi pendant plusieurs semaines les aventures de l’enquêtrice Sarah Lund, avec ses pulls devenus cultes, pour savoir qui a tué la jeune Nanna Birk Larsen. Mi-série policière mi-série politique, la première saison se partage entre l’enquête de Sarah Lund, le deuil de la famille Birk Larsen, et la campagne pour l’élection du maire de Copenhague. D’abord distinctes, ces trois trames se croisent de plus en plus au fur-et-à-mesure que le rythme de la série s’accélère. Maîtresse du cliffhanger en fin d’épisode, c’est clairement la plus addictive de cette liste. Si je lui préfère désormais légèrement Bron, je n’ai quasiment jamais retrouvé depuis cette intensité à n’en pas dormir ressentie en découvrant la saison 1 de The Killing, sur Arte à l’été 2012.

La chaîne américaine AMC en a fait un remake à partir de 2011, nommé The Killing.

4. Skam 🇳🇴

Je suis le premier surpris à retrouver une série pour ados aussi bien classée, mais je ne suis pas le seul : initialement adressée au jeune public avec des diffusions de courtes séquences tout au long de la semaine sur Facebook, Skam (“Honte”) a en fait conquis tout le pays — et même au-delà. Si le succès a été tel, c’est que l’histoire de ces 5 lycéennes d’Oslo, écrite en collaboration avec des jeunes de cet âge, et filmée presque à la façon d’un documentaire, vise très juste. À travers leur quotidien le plus souvent banal, c’est tous les principaux sujets de société qui sont abordés, et avec beaucoup plus de talent que 90% des séries que vous pourrez trouver sur les mêmes thématiques. Les 4 saisons (d’une dizaine d’épisodes d’environ 20 minutes) se suivent mais prennent chacune le point de vue d’un personnage différent: la fleur bleue de la bande, puis la féministe, ensuite leur ami gay, et enfin la fille d’immigrés marocains. Les héroïnes de Skam figurent parmi les personnages de série les plus attachants qui soient, et la série est hautement addictive.

Skam a fait l’objet d’une demi-douzaine d’adaptations à travers le monde (devrais-je dire de copier-collers), dont une en France, qui d’après les quelques minutes que j’ai toléré regarder, relève de l’accident industriel.

5. Au nom du Père 🇩🇰

Le retour d’Adam Price, qui avait signé Borgen. On retrouve clairement sa patte dans ce portrait d’une famille issue d’une lignée de pasteurs danois depuis 250 ans. Au nom du Père (Ride upon the Storm à l’international) aborde avec beaucoup de beauté et d’humanité des sujets tels que la foi, l’engagement, l’autorité, et bien sûr un large panel de sentiments à travers les situations des membres de la famille. La série est centrée autour de la figure ambivalente d’un père charismatique et autoritaire formidablement interprété par un Lars Mikkelsen impressionnant de talent.

Tous les épisodes sont en ligne grâce à Arte jusqu’au 29 décembre

6. Don’t ever wipe tears without gloves 🇸🇪

Cette superbe mini-série suédoise de 3 épisodes, sortie en 2012 sur SVT (notamment à l’origine de Real Humans), est aussi belle que son titre. Elle suit Rasmus, 19 ans, qui quitte son village natal pour suivre des études à Stockholm — et peut-être surtout pour en découvrir l’active communauté gay, en ce début d’années 1980. Précisément l’époque où le Sida, maladie encore incomprise qui semble surgir de nulle part pour s’abattre sur les homosexuels, fait ses premières victimes. Un à un, les amis de Rasmus tombent malades et meurent… Don’t ever wipe tears without gloves, qui ferait pleurer un roc, mériterait d’être reconnue d’utilité publique.

7. Occupied 🇳🇴

Série imaginée par l’un des maîtres du polar, le norvégien Jo Nesbø, et produite en collaboration avec plusieurs chaînes européennes, dont Arte. Mention spéciale à son excellent pitch, qui fait les trois quarts du boulot : alors que la Norvège élit un gouvernement écologiste qui coupe la production de pétrole, l’UE mandate la Russie pour envahir le pays et le forcer de relancer les forages. L’occupation se fait au départ discrète et limitée, mais prend de l’ampleur au fur-et-à-mesure que la situation politique se tend à cause d’événements dont on ne sait jamais bien s’ils sont calculés ou fortuits. Le reste (acteurs, réalisation) est à la hauteur du standard scandinave, sans se hisser tout à fait au niveau des meilleures du genre. C’est cependant, dans cette liste, de loin celle qui fait le plus cogiter : pourtant écrite avant la crise ukrainienne, son scénario fait froid dans le dos et ne peut que rappeler des épisodes réels. Elle force à se poser cette question lancinante : et moi, comment je réagirais, si mon pays se voyait priver de ses libertés, de façon “temporaire”… mais qui perdure ?

8. Arvingerne 🇩🇰

La série tchékhovienne de la liste. Arvingerne (“Les héritiers”) est une fresque grandiose en 10 épisodes, l’autopsie du délitement inéluctable d’une famille après la mort d’une mère artiste n’ayant visiblement pas livré tous ses secrets de son vivant. Bluffante de maîtrise, la série est un chef d’œuvre d’écriture, de jeu d’acteur et de réalisation. Sortie au Danemark en 2014, elle s’est exportée sur le tard mais commence cette année à récolter à l’étranger la reconnaissance qu’elle mérite, sous le nom de The Legacy.

9. 1864 🇩🇰

1864 : l’aristocratie du royaume danois, ivre de nationalisme et assoiffée de conquêtes, provoque la guerre avec son grand voisin prussien. S’en suit un conflit aussi aberrant qu’effroyable, déchirant les hommes pour quelques kilomètres de terres. Plus gros budget de l’histoire des séries danoises, et affichant les meilleurs acteurs révélés par Borgen, 1864 frappe fort. C’est beau comme l’étrange histoire d’amour qui en sert de trame, c’est fort comme le cri de ces milliers de soldats qui se lancent ensemble dans les plaines du Schleswig, et c’est la meilleure illustration de l’horreur implacable de la guerre. Tout le talent danois est convoqué pour rendre palpables pendant 8 épisodes ces cœurs en larmes et ces corps déchiquetés par un nationalisme absurde et aveugle.

10. Rita 🇩🇰

La série feel good de la liste. Sorte de Modern Family à la danoise, Rita suit la vie d’une prof quadra du même nom au caractère bien trempé. Progressiste jusqu’au bout, libre dans sa tête, considérant que son rôle de prof est de “protéger les enfants de leurs parents”, elle ne se fait pas que des amis et galère à gérer sa propre vie. Mais en étant toujours très drôle.

En France, TF1 en a fait un remake cette année sous le nom de Sam. Je n’ose pas vraiment tenter…

Si vous les avez toutes vues et que vous cherchez d’autres idées, il y a encore de quoi faire : https://www.senscritique.com/liste/Florilege_series_scandinaves/163940

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