Quand Bruxelles arrive… en France

Guillaume Narduzzi
4 min readDec 12, 2017

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Roméo Elvis dans “Bruxelles Arrive” (capture d’écran YouTube)

Si de nombreuses productions musicales hip-hop du plat pays ont attiré l’attention lors de ses deux dernières années, le tube “Bruxelles arrive” est, lui, quasiment devenu une métaphore du phénomène actuel.

Le titre n’est sorti sur aucun album, et est uniquement disponible sur YouTube. Pourtant c’est un immense succès: Bruxelles arrive presque sept millions de vues ! Un hymne générationnel, qui a pourtant été tourné avec des moyens limités, comme l’explique Benoît Do Quang, aussi connu sous le nom d’A$IAN ROCKY, réalisateur du clip de Bruxelles arrive.

Ce morceau est-il représentatif de la “nouvelle vague” du rap belge ?

Benoït Do Quang: “J’ai l’impression que c’est en effet devenu une sorte d’hymne pour le mouvement bruxellois, et son exportation. C’est vraiment génial ! J’ai l’impression que ça devient vraiment difficile de tomber sur quelqu’un qui ne connaisse pas ce refrain.”

“Bruxelles arrive” a connu un très beau succès sur YouTube. En tant que réalisateur du clip, comment considères-tu ce succès ? Quelle était l’ambition initiale de ce projet ?

“Je suis vraiment heureux que cela ait pris cette ampleur et je pense que de plus en plus de gens découvrent mon travail via cette vitrine. Au départ, je n’avais pas forcément prévu de faire ce clip. J’ai juste rajouté Roméo (Elvis) sur Facebook après avoir réalisé Repeat (de Caballero & JeanJass) et il m’a directement proposé ce projet. On avait aucun budget mais l’envie de faire un truc cool et drôle. Jamais je n’aurais cru qu’on allait atteindre le million de vues !”

Comment expliquer le succès du rap belge de ces deux dernières années ?

“Je pense que le rap belge -et en particulier le rap bruxellois- a vraiment réussi à se créer une identité propre, ce qui lui a permis de s’imposer internationalement. Les morceaux sont toujours teintés d’un second degré. C’est ce qui fait leur force.”

Comment est né ce mouvement ?

“Il a pris une grande ampleur lorsque les acteurs du milieu (rappeurs, réalisateurs, photographes, managers…) ont décidé d’unir leurs forces pour créer une union. Je pense que les gars de “Back in The Dayz” (label bruxellois) ont eu une grande part de responsabilité car ils ont beaucoup travaillé à professionnaliser le milieu. Ils ont su trouver les ressources nécessaires pour atteindre un stade supérieur.”

Que valait le rap belge avant 2015 ?

“Il s’agissait -à l’époque- d’une culture plus underground et peu connue du grand public. J’ai moi-même commencé à m’y intéresser assez tard en écoutant Caballero. C’est d’ailleurs avec lui que j’ai réalisé mon premier clip de rap en 2013.”

Peut-on parler d’un “effet de mode” avec le rap belge en France ? en Belgique ?

“Clairement. Je pense que des groupes comme 1995 en France ou des artistes comme Roméo Elvis en Belgique ont contribué à populariser le mouvement. Venant eux-même d’un milieu plutôt aisé et abordant des sujets plus “communs” ils se sont adressés à une partie plus large de la population.”

Quel rôle a joué YouTube dans ce succès ?

Le public rap est très actif sur cette plateforme. Les clips sont le média le plus prisés par les rappeurs et leur public. Depuis peu, de plus en plus de vidéos de Roméo, Caballero & Jeanjass, Damso, Hamza atteignent régulièrement le million de vues, ce qui paraissait comme un objectif insensé il y a encore trois ans de cela.

Comment est perçue cette réussite en Belgique ? Était-elle prévisible ?

“En voyant des réussites comme celles de 1995, Nekfeu, Orelsan (pour ne citer qu’eux) en France, il était prévisible que quelque chose de similaire se produise en Belgique aussi. Par contre, il était difficile d’imaginer que cela s’exporterait aussi bien en France, Suisse et au Québec. Je pense d’ailleurs que la scène rap québécoise a de beaux jours devant elle (je pense à Loud notamment).”

A-t-elle atteint son apogée, ou le meilleur reste à venir ?

“C’est très difficile à dire. J’ai l’impression qu’actuellement, le rap belge est à un très haut niveau de popularité. Au point qu’il éclipse parfois d’autres styles musicaux auparavant populaires. Mais c’est impossible de prévoir ce qui va se passer dans les années à suivre.”

Qu’est-ce que tu penses des rappeurs belges actuels ?

“Je suis un grand fan de Caba & Jass. Je trouve qu’ils ont développé un délire qui leur est propre. Ils ont une vraie complémentarité à deux, et c’est toujours un plaisir de travailler avec eux. Je suis aussi très attentivement Roméo depuis son EP Bruxelles c’est devenu la jungle. Et clairement, je trouve que Damso est un roi de l’écriture. Il a développé un phrasé et des formes de langage uniques, et est arrivé sur la scène belge comme un raz-de-marée. En un an seulement, il a sorti deux albums acclamés par la critique et le grand public. C’est d’ores et déjà “le roi du game”. Je pense qu’une grande majorité des fans de rap s’accorde à dire qu’il a un immense talent.”

Cette vague se limite-t-elle seulement au rap ?

“Je pense que le rap est pour l’instant en tête de gondole mais que la Belgique s’illustre aussi dans d’autres styles musicaux (avec des artistes tels Oscar & The Wolf ou encore Balthazar). Je sens aussi qu’on a de plus en plus de clippeurs talentueux, et que ça risque d’aller en s’améliorant.”

G.N.

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Guillaume Narduzzi

Journaliste @Konbinifr. Formé à @EFJ_Officiel. Ex @ParisMatch @Le_Figaro @Figaro_Culture @LesInrocks