Menstruation, 1ere partie (version française)

Cet article est le premier d’une série de deux.

Hatha Yoga Shala
8 min readApr 17, 2018
Seafolly swimwear. Photo : Pinterest

Je me rappelle d’une pub de tampon à la télé quand j’étais ado qui m’a beaucoup marquée. Vêtue d’un simple bikini, une top modèle avec des abdos en plaquette de chocolat chevauche un cheval blanc le long d’une plage de sable fin, ses long cheveux blonds au vent. Je me souviens m’être demandée de quelle planète vient-elle? Et je m’interrogeais, n’est-ce pas risqué? Encore combien de galops avant la remontée totale du tampon et la perte de la ficelle?

J’en vint alors à questionner ce qui n’allait pas avec moi, comment ce fait-il que je ne me sens pas de monter un cheval quand je saigne?

Chaque mois, l’image que je vois dans le miroir est loin de l’image de la déesse des guerrières sauvages et libres que l’on me demande d’être. Je me vois plutôt pas douchée, ballonnée, en mode bergère qui préfère porter le survêt et le vieux T-shirt XXL. Comment je me sens? Je veux juste faire la sieste. Le désir de parader presque nue le long d’une plage ensoleillée est la dernière chose qui me vient à l’esprit.

Quand? Pourquoi? et comment avons nous réussi à convaincre les femmes de cette planète que les jours durant les saignements, être fatiguée et introvertie n’est pas bien mais plutôt un signe de faiblesse qui ne devrait plus être permis?

Cette “malédiction mensuelle” soutient l’existence même de l’humanité. Ne devrions nous pas la respecter et la prendre au sérieux?

Photo : Pinterest

Mes premières règles sont arrivées relativement tôt à l’age de 12 ans. Mon initiation au passage de la jeune fille à la femme s’est produit sans avertissement préalable. J’ai reçu une grosse gifle de ma mère. Après le choc et les larmes, on m’a expliqué que c’était une superstition religieuse de gifler la fille de façon à garder le bon sang qui circule en elle tout au long de sa vie. Croyez moi j’aurais bénéficié beaucoup plus si l’on m’avait conseillé plutôt sur comment respecter cette occurrence mensuelle et comment régénérer mon système. La gifle n’a pas marché. J’étais épuisée très tôt et ne comprenais pas ce qu’il n’allait pas jusqu’à la trentaine.

Au lycée je ratais souvent les cours de sport, toutefois cela aurait pu être à n’importe quel moment car ce n’était pas mon sujet favori. J’utilisais l’excuse de “l’indisposition” mais le prof de gym s’en est vite rendu compte car la semaine précédente j’avais utilisé la même phrase. Je ne me suis jamais sentie de sortir, être active ou sociale quand mes règles arrivaient mais bien sur, j’y étais forcée. Dès l’âge de 17 ans c’était vu comme une malédiction, quelque chose qu’il fallait combattre et éviter le plus possible. Juste avance avec, travaille avec, fais de l’exercice avec et continue comme si de rien n’était. Ne laisse pas tes règles te diminuer, ferme la pour pouvoir sortir et être normale. Il n’y a rien à changer.

A l’âge de 24 ans j’étais une végétarienne en herbe, il m’était habituel d’avoir des épisodes d’hypotension et de vertiges. J’appris à vivre avec et les considerer comme “qui J’étais”. Mon docteur m’avertit de ne pas arrêter la pilule et de ne pas renoncer à la viande car j’étais au bord de l’anémie. Mais je le fis quand même. 4 ans plus tard j’en payais le prix. C’était toujours pire autour de mes règles. Aucune quantité de supplément en fer et de vitamine B12 n’était aussi efficace pour moi qu’un steak ou qu’un morceau de foie. Mes enseignants de yoga ainsi qu’un médecin Ayurvedique me dirent que je devais manger de la viande et mon corps le savait.

Tous mes enseignants de yoga étaient des femmes et pendant de nombreuses années aucune d’entre elles n’est allée dans les détails sur comment adapter la pratique pendant notre cycle. Il fallait simplement éviter les postures inversées. J’étais toujours autorisée à participer aux cours sans aucune modification. Mon mal être m’empêcha de participer à un ou deux cours pour me reposer mais avec l’aide des tampons je n’en n’ai pas manqué beaucoup.

C’est seulement à l’âge de 33 ans lorsque je rencontrais mon enseignant actuel que l’on me donna la permission de ressentir tout ce qui se passait pendant mes règles et enseigna qu’il était vital de l’accepter. Je traversais l’océan pour étudier avec cette personne et lors de mon tout premier stage je ne fus pas autorisée à participer pendant mes saignements durant 3 à 4 jours. Je devais m’assoir sur le côté et regarder.

J’ai tellement appris à être une femme de cet HOMME !

Quel soulagement de ne pas être forcée à l’exercice quand on a si peu d’énergie à dépenser. Je gagnais à regarder le cours et à laisser l’information s’encrer en moi sans être obligée de me dépenser physiquement. J’appris en observant les autres et de retour à la maison je n’étais pas moins informée que tout autre participant au stage. Je n’étais pas épuisée et donc capable d’intégrer plus d’information au repos qu’en mode de survie. On m’a enseigné à ne pas rejeter mon cycle mensuel comme une malédiction mais à respecter ses signes et à m’offrir un break comme un cadeau à moi même. Il me semblait approprié de ne pas pratiquer pendant 3 jours et d’adapter la routine 2 jours avant et 2 jours après mon flux. Je tombais naturellement dans un nouveau rythme d’attention à Soi qui depuis lors me nourrit.

Artiste : Cendrine Rovini. Photo : Pinterest

Bien trop souvent les femmes font l’erreur de croire qu’elles ratent quelque chose, que pour “le réussir” il faut “le faire”. Quand il s’agit du yoga et de sa réussite, “less is more”, surtout pendant les saignements. L’information arrive sous de nombreuses formes et façons. Il y aura un temps pour se mettre physiquement à l’action et un temps pour absorber et intégrer. Ce sont les cycles d’expansion et de contraction, inspire et expire, les phases de croissance et décroissance de la lune. Vivre une vie faite essentiellement d’expansion n’est pas naturel et amène éventuellement à une contraction soudaine et très forte jusqu’au point de rupture. Mieux vaut s’en occuper chaque mois et réduire le risque. La nature a un bien meilleur plan que votre programme limité alors mieux vaut s’adapter à elle.

Apres 354 cycles de perte de sang, à l’âge de 41 ans je commençais à travailler pour un docteur en médecine chinoise et je découvrais une formule de plantes qui a changé mes niveaux sanguin, mon tissu musculaire et ma vitalité en général. J’aurais aimé connaitre la formule Si Wu Tang bien plus tôt dans ma vie de femme. Je pense que cela m’aurait aidé bien plus qu’une bonne gifle. Il est si important de restaurer la perte de sang et de booster le système après chaque drain mensuel. Ce faisant cela, pourrait aider de nombreuses souffrances féminines. Même si c’est une formule commune à base de plantes comestibles, il est préférable de consulter l’avis d’un médecin qualifié avant de prendre tout remède.

Photo par Radhasri

Les femmes ne sont pas correctement éduquées et guidées pendant cette période inévitable. La façon dont la femme fait face, prend soin et se régénère peut véritablement booster ou briser sa vitalité et affecter sa vie entière ainsi que la vie des personnes autour d’elle !

Mon mari comprend et reconnait les signes du “commence à saigner bientôt” ainsi que les indicateurs de changement d’humeur. Il en partage même certains avec moi. Il va commencer à se fatiguer et dormir plus que d’habitude ou ses jambes vont paraitre plus lourdes. Je le taquine en lui disant qu’il va avoir la marée rouge avec moi, il ronchonne mais doit accepter. Les hommes ont eux aussi des rythmes et des cycles.

Nous sommes TOUS affectés par les cycles lunaires. Essayer de le nier va à l’encontre du concept universel et est un rejet de notre propre nature. Malheureusement, il est difficile de se connecter avec ces cycles lunaires en raison de l’introduction des lumières électriques artificielles. Notre vue du ciel a grandement diminué au milieu des murs de béton qui nous entourent. La différence entre le jour et la nuit, pleine et lune noire est devenue moins perceptible.

Photo par Radhasri

Tout ce que j’ai a dire c’est que mes ragnagnas arrivent et mon mari connait la musique. La préparation de la semaine de “vacances féminines” commence avec le nettoyage et le rangement, les courses et provisions sont achetées, peut être des plats à préparer à l’avance. Je m’organise au mieux pour n’avoir rien à faire les 3 premiers jours de flux. Pas de pratique, pas de tâche ménagère, pas de sortie sauf si absolument nécessaire. Une vrai retraite mensuelle où j’ai la chance d’être reine.

Bien sur ceci n’ai pas toujours possible. La vie nous montre ce qu’elle veut. J’ai eu des urgences, des obsèques, des rendez-vous, des mariages, des vols à prendre et des ateliers à enseigner, tellement de choses depuis tant d’années. Nous ne pouvons pas contrôler tous les événements. Mais nous pouvons prendre les précautions nécessaires et choisir avec sagesse quand les choix se présentent.

Alors au lieu d’enfiler ce bikini et sauter sur un cheval en te croyant supérieure et en niant ta condition, regarde ce qu’il se passe quand tu écoutes l’appel de la nature et va plutôt au lit. Je suis certaine que tu ne le regretteras pas.

Cet article est le premier d’une série de deux. Lisez la deuxième partie ici.

Radhasri (Rhonda Fogel), fondatrice du ‘Hatha Yoga Shala’ à Montréal, enseigne le yoga au Canada depuis 1998 et est certifié en Shadow Yoga depuis 2005. Pour en savoir plus visitez : Facebook, Instagram, Siteweb.

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Hatha Yoga Shala

Radhasri’s writings on Yoga, Life and Spirit. Teaching yoga since 1998, founder of Hatha Yoga Shala in Montreal. FB@shadowyogamontreal, www.hathayogashala.com