La tâche est immense, nous ne lâcherons rien !

Hervé Berville
7 min readOct 31, 2017

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© Marc OLLIVIER

Entretien avec Joël Bigorne et Maxime Lavenant, publié dans le Ouest-France daté du 27 octobre 2017.

Cinq mois après votre élection, quel premier bilan ?

Que ce soit sur les dossiers locaux ou nationaux, on se rend compte de l’urgence à agir, que la tâche pour laquelle on a été élu est immense, avec une forte attente des concitoyens. Ces cinq mois me donnent envie de continuer d’avancer sur le chemin qu’on s’est fixé.

La réalité du travail parlementaire correspond à l’idée que vous en aviez ?

Avant d’être élu, l’image que je m’en faisais était un peu lointaine, avec surtout les questions au gouvernement, ce moment un peu théâtral.

Des changements sont nécessaires ?

Il y a une impérieuse nécessité d’accélérer le temps législatif, de le rendre plus efficace. Le circuit parlementaire, parfois un peu tortueux, mériterait une révision. Tout le monde en convient.

Il y a trop de députés ?

Je pense que nous pouvons faire la même chose avec moins de députés, mais qui ont plus de moyens. Le travail du parlementaire ne se réduit pas à la production de textes de loi, il doit aussi être dans l’évaluation et le contrôle des politiques publiques.

Certains vous reprochent de privilégier les plateaux de télévision à votre circonscription. Que leur répondez-vous ?

Je les invite à regarder mon agenda. Je suis tous les week-ends en circonscription. Je suis là pour écouter mes concitoyens. Ils lancent des anathèmes mais, au fond, ils ne savent pas. Ces critiques disent beaucoup de la fébrilité de l’opposition.

Vous êtes l’un des quatre porte-parole du groupe parlementaire LREM. Vous l’aviez demandé ?

On me l’a proposé. Je ne m’y attendais pas. Mais c’est une noble mission. On ne peut pas mener une bonne politique si on ne l’explique pas bien. Ou quand on fait parfois l’inverse de ce pour quoi on a été élu… Ça a été un problème pour le gouvernement précédent… Le rôle du porte-parole, c’est de faire ce travail de pédagogie.

Cette fonction bride aussi la parole. Pas trop contraignant ?

Il faut faire davantage attention à ce qu’on dit. Mais quand ça s’inscrit dans le projet qu’on a porté, il n’y a aucun souci. Nous avons deux réunions de groupe par semaine, c’est là où on essaie de peser, de convaincre. C’est un peu facile d’aller devant les micros pour dire son désaccord. Une fois les débats tranchés en interne, on joue collectif. Ce qui a tué le précédent quinquennat, ce qui tue la politique, c’est que tout le monde cherche la lumière.

Lors du débat de l’entre-deux tours avec Didier Déru, vous aviez promis d’organiser des réunions publiques quasi hebdomadaires. C’est toujours valable ?

Les gens peuvent venir tous les lundis à la permanence pour échanger. L’idée, c’est de rencontrer les citoyens individuellement, mais aussi de travailler par groupe de manière hebdomadaire, par thématique. C’est un travail moins visible mais plus important. Le rôle du député, c’est aussi d’être le porte-voix des gens qu’on n’entend pas.

Ces derniers jours, la question de l’ISF a provoqué de vifs débats. L’opposition a parlé d’un président des riches. Du coup, le projet a été amendé par les députés… Il y a eu des erreurs ?

À mon avis, certains membres de l’opposition sont atteints de myopie, de paresse intellectuelle. L’ISF, on a fait campagne dessus, le sujet n’était pas caché. En France, il y a un manque de capital pour investir. Le gouvernement a présenté un texte et, comme c’est souvent le cas, l’Assemblée nationale a proposé de l’amender. Par exemple, en maintenant une imposition sur les yachts et les lingots d’or. N’oublions pas qu’à côté, nous mettons, par exemple, le paquet sur la formation, avec 15 milliards d’euros. Pareil quand nous prévoyons la construction de 40 000 logements très très sociaux.

À ce sujet, Dinan Habitat a fait ses calculs. Avec la baisse des loyers annoncés dans le projet de loi de finances, l’office HLM perdrait un million d’euros par an…

Le constat, c’est quoi : on dépense chaque année 40 milliards pour une politique du logement assez inefficace. J’ai rencontré la directrice de Dinan Habitat, on a eu une discussion très franche. Les mesures vont lui permettre un gain de 300 000 à 400 000 euros sur son coût d’endettement. C’est-à-dire que ce coût, qui sert à financer, va être moins cher. À côté de ça, on met de l’investissement, notamment pour la transition énergétique. À la fin, ce sera moins onéreux pour le bailleur comme le locataire. Et pour récompenser les vertueux, on fait entre bailleurs de la mutualisation, et surtout de la péréquation. Cela permet de répartir l’effort.

En matière d’effort, le gouvernement envisageait 10 milliards d’euros d’économies sur le dos des collectivités. Finalement, ce sera 13 milliards. La droite locale estime qu’on peut « ubériser » beaucoup de choses mais pas les collectivités. Que lui répondez-vous ?

Il faut être précis. Cet effort de 13 milliards concerne les 361 collectivités les plus importantes. Pour les petites communes rurales, qui ont besoin de l’État, on met le paquet. Là, nous ne parlons que de dépenses de fonctionnement. En parallèle, nous prévoyons un plan d’investissement de 57 milliards, qui va aussi bénéficier aux collectivités territoriales. Par contre, on demande à tout le monde d’être dans une maîtrise de la dépense publique. C’est plutôt sain. Et puis, venant de la droite, qui demandait 100 milliards d’économie lors de l’élection, c’est assez savoureux. Nous ne sommes ni dans du saupoudrage, ni dans des coupes brutales, mais quelque chose d’équilibré.

La suppression de la taxe d’habitation, mesure emblématique du gouvernement, est considérée par certains comme une fausse bonne idée. Quelle est votre réaction ?

La taxe d’habitation est un impôt injuste… Et pour cause : vous payez parfois plus quand vous habitez dans une commune rurale pauvre que lorsque vous résidez dans une commune urbaine plus favorisée. Le gouvernement a tranché : 80 % des ménages ne paieront bientôt plus de taxe d’habitation. Cela leur donnera un peu plus de pouvoir d’achat… Une vraie mesure de justice sociale.

Et que répondez-vous aux communes qui craignent que la compensation « intégrale » promise par l’État ne soit pas pérenne.

On peut comprendre cette crainte. Mais que les communes se rassurent : le gouvernement s’est engagé à rembourser toutes celles qui vont être impactées par cette mesure. Et nous tiendrons parole… comme nous le faisons depuis cinq mois maintenant… Même si c’est compliqué, même si le contexte devient défavorable, nous ne lâcherons rien. Ce ne sont pas les polémiques que certains tentent d’allumer ici et là qui vont nous empêcher d’agir. C’est vrai, les gouvernements précédents sont revenus sur leurs engagements… Nous ne devons pas les imiter. Il y va de la crédibilité de la parole publique.

Autre levée de boucliers : la suppression des emplois aidés…

Là encore, précisons les choses. En 2015, 460 000 emplois aidés ont été créés par le gouvernement Valls. Dont acte. L’année suivante, le même gouvernement décide de ne plus en financer que 280 000. Soit 180 000 de moins. Et on voudrait nous rendre responsables de cette baisse ! Nous n’y sommes pour rien ! Au contraire, nous avons décidé d’en financer 40 000 de plus et de les recentrer sur quatre secteurs : l’urgence sanitaire et sociale, l’éducation, les personnes en situation de handicap et les communes rurales. On a regardé au cas par cas. Pour l’école Diwan, on est tous montés au créneau…

Pour l’année prochaine, combien d’emplois aidés prévoyez-vous ?

Environ 200 000… C’est un chiffre en baisse, c’est vrai. Mais les emplois aidés ne peuvent pas être une solution définitive… Ils engendrent des situations trop précaires et ne permettent pas une insertion durable. Dans le secteur non marchand, il n’y a que 25 % des gens qui retrouvent un emploi… Plutôt que continuer à financer des emplois aidés, il faut investir massivement dans la formation professionnelle et l’apprentissage.

Vos opposants avaient prédit des mouvements sociaux contre l’action du gouvernement… Ils ont été moins suivis que sous le précédent gouvernement. Comment l’expliquez-vous ?

On n’a pas agi par surprise : les mesures que nous appliquons ont été annoncées pendant la campagne. Les gens ne sont pas forcément d’accord avec. Mais ils n’ont pas le sentiment d’avoir été trahis… Pour toutes les réformes réalisées ou à venir, il faut procéder avec la même méthode : on écoute d’abord. Et c’est là que peuvent se faire entendre les voix discordantes… Mais après, il y a le principe de responsabilité. On a été élu sur un programme. On doit trancher en étant conscient qu’on ne peut satisfaire tout le monde…

Dernière question : le grand Dinan… Voilà 50 ans qu’on en parle : êtes-vous pour ?

C’est peut-être un serpent de mer, mais il ne faut pas céder à la précipitation… Laissons le temps à la concertation… Sinon, on pourra connaître de regrettables marches arrière comme à Binic-Etables… Pourquoi ne pas attendre les élections municipales ? Voilà un forum idéal pour en discuter… Il faut une envie qui parte de la base… Sinon cela créera des frustrations, des crispations…

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