Le fondement des Trumponomics

Hervé Berville
3 min readApr 11, 2017

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Tribune initialement publiée dans Les Echos, le 3 mars 2017.

Pour sa première intervention devant le Congrès américain, le président Donald J. Trump a défendu sur le fond une doctrine économique en rupture avec la doxa républicaine conservatrice tout en essayant d’apparaître moins clivant sur la forme.

Dans une société américaine exaspérée par les excès du capitalisme financier et usée par des logiques politiciennes stériles, M. Trump a donc livré un discours dans la continuité de la rhétorique populiste développée au cours de sa campagne.

S’enivrant facilement des vapeurs d’un passé mythifié, l’homme d’affaires a réaffirmé, certes de manière moins virulente qu’à l’accoutumée, les fondements budgétaires de son nationalisme économique : programme d’investissements de 1 000 milliards pour la construction d’infrastructures, hausse de 54 milliards des dépenses militaires, réduction massive de l’impôt sur les sociétés ou encore diminution drastique de l’aide internationale.

En faisant le choix d’une politique isolationniste et protectionniste, le président américain signifie au monde que les États-Unis n’entendent désormais plus honorer la responsabilité qui incombait traditionnellement à la première puissance. Le retrait du traité transpacifique et la dénonciation du traité avec le Mexique et le Canada reflètent à cet égard moins le souci de protéger les travailleurs que de changer les règles au bénéfice absolu des États-Unis.

Face à une mondialisation qui n’est plus synonyme d’occidentalisation et a fortiori d’américanisation, M. Trump tente en effet d’imposer un nouveau rapport de force exclusivement favorable aux intérêts américains. Les nouvelles réalités étant rarement accompagnées de leur mode d’emploi, la Maison-Blanche a donc recours à de vieilles recettes éculées, car incapables de proposer une stratégie économique innovante.

En prônant un mercantilisme particulièrement agressif, c’est à dire un enrichissement de l’État au moyen du commerce extérieur, le président américain fait pourtant une double erreur d’analyse économique : la première de considérer que le commerce international est un jeu à somme nulle et la deuxième, de croire qu’un retour des emplois industriels perdus permettrait de “Make America Great Again”. Les échanges commerciaux peuvent en effet être bénéfiques à tous les pays, à condition d’accepter qu’il n’y ait pas un unique gagnant, tandis que l’enjeu industriel n’est plus de ramener les emplois d’hier, mais d’investir dans l’outil productif de demain.

La volonté affichée par M. Trump de relever les barrières douanières et d’engager un bras de fer avec les principaux partenaires commerciaux vise ni plus ni moins qu’à retirer l’échelle qui a permis à l’économie américaine de se hisser au premier rang. En ciblant les échanges commerciaux, il défend la thèse selon laquelle la situation économique et sociale actuelle est le fruit de mauvais accords avec des pays comme le Mexique et la Chine. La désintégration du tissu social américain et le creusement des inégalités trouvent pourtant moins leur source dans l’intégration commerciale internationale que dans une financiarisation outrancière de l’économie nationale.

Ainsi, en adossant son mercantilisme à une dérégulation de Wall Street, M. Trump prétend améliorer les opportunités pour les travailleurs américains en redonnant de la liberté économique alors qu’il organise en définitive le retrait de la puissance publique face aux marchés financiers.

Triste liberté que la liberté de l’impuissance.

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