2. La charge des Dothrakis

3 erreurs de stratégie militaire dans la Bataille de Winterfell (S8, E3 de Game of Thrones)

HistOuRien
5 min readJun 13, 2019

Tout d’abord, il me faut vous prévenir que, comme le précédent, cet article contient des spoilers sur la saison 8 de la série Game of Thrones. Si vous désirez vous conserver la surprise, je vous invite à passer votre chemin.

Cela étant dit et maintenant que nous sommes entre gens de bonne compagnie, je peux me plonger dans le vif du sujet. Dans l’article précédent nous avons parlé de l’absurdité de placer des troupes hors des murs de la forteresse de Winterfell réputée imprenable par la force. Dans les lignes qui suivent, je vais me pencher sur ce qui a choqué la plupart des spectateurs : la charge frontale de la cavalerie Dothraki contre l’armée des morts. Nous allons voir que cette charge peut trouver son origine et son explication dans l’utilisation que fait la série de cette cavalerie et dans la manière dont elle est systématiquement représentée.

La charge Dothraki

Comme je l’avais déjà souligné dans mon article “[…]Une guerre de siège hors des murs”, je n’ai pas été particulièrement heurté par cette action d’éclat menée par les Dothrakis. Excepté un premier moment d’étonnement, cette manœuvre reste, pour moi, dans la continuité du reste de la série. Je trouve, cependant, amusant qu’il ait fallu attendre cet épisode pour voir apparaître une telle levée de bouclier contre cette utilisation de la cavalerie Dothraki. En réalité, la raison pour laquelle cette scène ne m’a pas interpellé outre mesure c’est que, depuis le début de la série, ceux-ci ont été employés dans les affrontements comme s’ils constituaient une cavalerie lourde (ce qui n’est évidemment pas le cas étant donné leur armement). Par conséquence, dans toutes leurs interventions ils ont été exploités de manière peu réaliste. Par exemple, durant l’attaque sur le convoi Lannister revenant vers Port-Réal avec le butin de Hautjardin (Saison 7, épisode 4), les Dothraquis opèrent aussi une charge frontale sur des lignes de piquiers (aux lances trop courtes pour les arrêter). Dans cette bataille, leur nombre et l’appui de Daenerys sur son dragon font la différence mais, encore une fois, la tactique n’est pas optimale pour épargner des soldats. En fait, comme les erreurs scientifiques dans les films de science fiction, les incohérences militaires ne sont pas rares dans la série de Game of Thrones. Elles me faisaient légèrement sortir de l’histoire au début mais, au fil du récit, j’ai appris à en faire abstraction.

Les Dothrakis ne sont, en effet, pas armés pour lancer des charges frontales. Il leur manque clairement des armures lourdes, des boucliers et, surtout de longues lances. Les lancent de cavalerie ont pour objectif de frapper les ennemis avant que ceux-ci ne frappent ou ne heurtent les chevaux ou leurs cavaliers. Les Arakhs dothrakis constituent des armes trop courtes pour être efficaces contre une armée à pied, équipée d’armes d’hast et faisant bloc. Il est à noter que même les quelques lances que l’on peut apercevoir ça et là entre les mains de certains des cavaliers d’Essos ne sont pas assez longues pour être employées à l’horizontal et calées sous le bras. En réalité, la cavalerie Dothraki en tant que cavalerie légère devrait davantage repérer les positions de l’ennemies, le harceler de flèches ou s’abattre sur ses flancs ou ses arrières pendant qu’il est occupé à combattre un autre corps d’armée, mais pas foncer dans le tas de front. Toutefois, dans l’histoire de Game of Thrones, il peut exister une explication culturelle à cette représentation que l’on considère, avec notre vision extérieure, comme erronée. Effectivement, les Dothrakis sont des pillards originaires de régions où les traditions guerrières sont particulières. Ils n’affrontent que rarement des armées entraînées et disciplinées. Comme le souligne judicieusement Mestre Thibaut dans la vidéo qui leur est consacrée, les Dothrakis misent davantage sur leur nombre et la peur qu’ils inspirent chez leurs adversaires pour remporter les victoires. Face à des ennemis désorganisés et fuyants, ils possèdent effectivement l’avantage. Quand ils se confrontent à une armée professionnelle comme celle des immaculés devant la cité de Qohor, ils ne font plus le poids. Pour ma part, l’ultime charge menée au début de la Bataille de Winterfell s’inscrit dans la continuité de cette logique culturelle et scénaristique.

Le troisième écrit de cette série s’intéressera au positionnement de l’infanterie lors de la bataille de Winterfell. Au final, ces incohérences militaires ne peuvent guère perturber que les pinailleurs comme moi et n’enlèvent rien aux qualités esthétiques et narratives de la série et de cet épisode.

Et vous ? Quelle est votre opinion sur le sujet ? Pensez-vous que la représentation de la guerre médiévale comme elle est faite dans cet épisode est réaliste ? Connaissez-vous des sources qui pourraient changer notre vision ? N’hésitez pas à faire vos commentaires et à en débattre. Si vous avez aimé cet article, vous pouvez le partager, l’applaudir, le liker et allez faire un tour sur ma page facebook.

Si, comme moi, vous êtes passionné d’Histoire militaire médiévale, vous pouvez aussi aller voir cette bibliographie non-exhaustive d’Histoire militaire médiévale.

Vous pouvez aussi acquérir cet ouvrage de référence dans le domaine :

CONTAMINE Ph., La guerre au Moyen Âge, Paris, 1980, 1992, réédité en 2003.

Illustrations : Cavalerie Dothraki aux épées enflammées (Game of Thrones, saison 8, épisode 3) ; Bataille du Butin de Hautjardin (Game of Thrones, saison 7, épisode 4) ; Charge Dothraki à Meereen (Game of Thrones, saison 6, épisode 9).

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