Les manipulations du Quotidien

Victor PETIT
3 min readMar 5, 2019

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« A mal nommer les choses, on ajoute au malheur du monde » disait Camus. A mal traduire les mots également. C’est à tout le moins ce que l’on peut penser en s’attardant sur un reportage diffusé dans l’émission Quotidien, de Yann Barthes. Rappel contextuel : l’acteur américain Morgan Freeman est accusé de harcèlement sexuel par plusieurs femmes. Quotidien s’empare du sujet et va alors diffuser un document publié sur la chaîne américaine CNN. Dans ce document, une journaliste de cette chaîne, alors enceinte, raconte avoir subi une remarque graveleuse ainsi qu’un regard concupiscent de la part de l’acteur américain lors d’un entretien pour la promotion du film Braquage à l’ancienne. La scène, entièrement filmée, est alors diffusée.

On y découvre Morgan Freeman, assis sur une chaise, entouré de ses acolytes Alan Arkin et Michael Caine. Caine raconte une anecdote selon laquelle, un jour, il félicita une femme pensant qu’elle était enceinte, alors qu’elle ne l’était pas. La vidéo ne montre nullement ce qui s’est dit auparavant, néanmoins, on pourrait penser que la grossesse de la journaliste fut évoquée. Caine évoque bien évidemment l’immense moment de gêne qui fut le sien lorsqu’il s’aperçut que celle qu’il croyait enceinte ne l’était pas. C’est alors que Morgan Freeman prononce la phrase suivante : « boy, do I wish I was there », ce que l’on peut traduire par « mon garçon, qu’est-ce que j’aurais aimé être là ». Il n’en fallut pas davantage à la journaliste pour déceler, au-delà du regard davantage fatigué que lubrique de Freeman, une insupportable attaque sexiste. Nous avons ici une merveilleuse illustration de ce qu’Elisabeth Badinter appelle : le « féminisme victimaire ». Ne nous attardons même pas sur le regard que Freeman aurait jeté à cette journaliste. Quiconque sur terre a déjà connu ce moment où les yeux dans le vague, on prononce une phrase en remontant nonchalamment les orbites vers le visage de son interlocuteur. Attardons-nous sur cette phrase : Boy, do I wish I was there. Comment ne pas comprendre qu’elle fait évidemment référence à l’anecdote de Caine, laquelle, rappelons-le, évoquait une immense gaffe et le moment de gêne qui s’en suivit. Bien entendu, Freeman voulait dire par là qu’il aurait adoré assister à ce moment, non qu’il aurait aimé voir la journaliste en pleine conception de son enfant, comme elle laisse l’entendre.

Venons-en à Quotidien. L’émission de Yann Barthès se saisit évidemment de l’affaire et traduit la phrase de Freeman dans son reportage par : « Oh, comme j’aurais aimé te le faire » au lieu de « Mon garçon, comme j’aurais aimé être là ». La malhonnêteté de cette traduction est tout simplement aberrante. Nul doute qu’il doit pourtant bien se trouver un ou deux bilingues dans l’équipe de Yann Barthès. Cette traduction erronée n’a évidemment pour autre but que de faire le buzz. Mais elle en dit long sur le degré d’endoctrinement idéologique de Barthès et son équipe, prêts à manipuler les faits et les mots pour servir le politiquement correct, avancer le vent de dans le dos et s’acheter une bonne conscience auprès du public.

Après ce reportage, les investigations de la journaliste de CNN permirent d’identifier plusieurs femmes se disant victimes de Morgan Freeman. Les enquêtes diront si oui non, l’acteur est un immonde satyre. Il n’en demeure pas moins que les propos de l’acteur ne s’adressaient nullement à cette journaliste, mais ont en plus été manipulés sciemment par Quotidien. A l’heure où la question des fake news fait l’objet d’âpres débats, que penser d’une émission de télé, aussi regardée et suivie, qui manœuvre les faits pour servir ses intérêts et son idéologie ? Entendons-nous bien, l’objet de ces quelques mots n’est pas de présager de l’innocence ou de la culpabilité de Morgan Freeman. L’objet de ces quelques mots est davantage de pointer du doigt une émission partiale et politisée bien que souvent citée à titre de référence.

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