Le Maître Artisan de la chevelure, Raphaël Knafo

Mia-Jade
6 min readJan 26, 2022

Incontestable fervent du cheveu, Raphaël Knafo symbolise la passion au sens littéral du terme. En 1973, le “Salon Raphaël” s’implante au 4 rue Houdon dans le quartier le plus enflammé de la capitale, Pigalle. Quelques années plus tard, on le désigne comme perruquier officiel et exclusif du légendaire cabaret fondé par Alain Bernardin, le “Crazy Horse”. Débordant d’énergie et d’affection pour le métier qu’il exerce, Raphaël nous a fait part des péripéties de sa vaste carrière qui prospère encore aujourd’hui.

Raphaël Knafo au Crazy Horse

Raphaël entre à l’âge de 14 ans et demi en école d’apprentissage à la coiffure et obtient la totalité des diplômes que la profession proposait à l’époque. Plus tard, il enseignera à ce même établissement parallèlement à son poste de conseiller de l’enseignement technologique au sein de l’éducation nationale, en tant que chargé de l’organisation des examens de la coiffure. Passionné depuis très jeune de la crinière féminine, Raphaël acquiert rapidement le statut de “Maître Artisan”.

Raphaël est contacté par l’équipe du célèbre couturier et créateur Yves Saint Laurent durant l’année 1972. Il sera désigné perruquier officiel pour la création d’une centaine de perruques mettant en scène la meneuse de revue Zizi Jeanmaire grâce à l’inoubliable chorégraphe Roland Petit au Casino de Paris. “C’est cette expérience qui m’a vraiment donné le goût de la perruque de spectacle”, souligne Raphaël.

Raphaël Knafo avec ses perruques élaborées pour le Casino de Paris en collaboration avec Yves Saint Laurent
Zizi Jeanmaire et les danseuses portant les perruques créées par Raphaël Knafo au Casino de Paris en 1972

Ainsi, après avoir travaillé deux années consécutives chez un perruquier, ce dernier ouvre son propre salon de coiffure en 1973, précisément au 4 rue Houdon dans le 18e arrondissement de Paris, au sein du quartier aux vices multiples, Pigalle. Situé à proximité des plus prestigieux cabarets de la ville, le “Salon Raphaël” attire et conquiert le coeur de toutes les dames du quartier. De ce fait, sa notoriété ne fait qu’accroître. Considérant que son métier représente “le cheveu sous toutes ses formes”, Raphaël, avide de modernisme et de nouveauté, s’attaque à une mode encore novice dans les années 1970, la perruque.

Raphaël Knafo en 1973 au sein du “Salon Raphaël”

Fondamentalement autodidacte et doté d’une curiosité peu commune, Raphaël expérimente la nouvelle tendance avec ardeur et réel enthousiasme. Des parisiennes de tout âge se précipite dans l’optique de s’offrir l’objet tant convoité. Dames mûres, adolescentes et jeunes femmes ne désirent qu’une chose, s’harnacher de ces perruques et flamboyer à l’image de Barbara Streisand aux Oscars.

Le “Salon Raphaël” en 1974

Cependant, l’univers de la perruque regroupe un nombre important de complexités à prendre en compte lorsque l’on débute. Raphaël souligne le fait qu’une perruque à chevelure synthétique “ne donne pas le droit à l’erreur”. Effectivement, contrairement à une crinière humaine qui repoussera en cas d’impair, aucune possibilité de retour en arrière n’est envisageable concernant la perruque. Il est ainsi impératif pour un perruquier novice de se montrer extrêmement méticuleux, attentif et minutieux.

Le “Salon Raphaël” en 1974

C’est toutefois en 1998 que la carrière du fondateur du “Salon Raphaël” va prendre un tournant considérable et fortuit. Le jadis perruquier du Crazy Horse et futur prédécesseur de Raphaël, M.Poulain, décide d’arrêter son activité. M.Knafo, à l’affût d’une nouvelle expérience probable, le questionne sur une potentielle reconquête du terrain délaissé. “Vois avec le Crazy Horse”, lui lance M.Poulain. De nature inébranlable, notre cher Raphaël contacte ainsi directement cette institution inaccessible et obtient un rendez-vous avec la fille du fondateur, Sophie Bernardin. Cette dernière a une demande bien particulière. Elle souhaiterait costumer ses danseuses de perruques de “couleur blonde très claire, coupée en V à l’arrière, en trapèze et rigide à l’image d’un casque”, nous raconte Raphaël. Instantanément, notre perruquier se munit de deux perruques classiques, à première vue banales, puis les transforment radicalement. Lors de l’essayage de la perruque tant désirée, la fille Bernardin s’exclame d’un “C’est exactement ce que je veux !”. C’est ainsi que Raphaël Knafo a conquis l’âme du Crazy Horse.

La Crazy girl “Mika Do” avec le carré blond à frange rectiligne Crazy

L’univers capillaire au sein de ce cabaret représente un enjeu fantastique pour un coiffeur-perruquier. De fait, il était autrefois convenu que les perruques possèdent la distinction du “sur-mesure”. Toutefois, par souci de budget et de temps, Raphaël met au point une monture qui sied à toutes les danseuses. Cependant, elles sont nominatives et chaque danseuse possède ses propres perruques : “personne n’a la même hauteur de front, la même hauteur de nuque, le même volume de cheveux”, nous précise ce dernier.

En 2004, le Crazy Horse, en collaboration avec la chorégraphe Sofia Balma, présente son nouveau spectacle “Taboo”. Des perruques “complètement déstructurées et de 14 couleurs différentes” sont réclamées à Raphaël pour l’élaboration d’un DVD uniquement. Néanmoins, il n’existait à cette époque aucune réelle diversité en termes de coloris. Ainsi, celui-ci a ingénieusement coloré les 14 perruques l’une après l’autre. Le jour du tournage, les danseuses harnachent leur nouveau bijou capillaire coloré et se dressent sur scène. Sophie Bernardin, le visage réjouit et les yeux baignés de féerie s’extasie : “Raphaël, c’est à tomber par terre”.

Création capillaire de Raphaël Knafo à coloris multiples pour le spectacle “Taboo” en 2004

Obstinée à les présenter sur scènes devant les futurs spectateurs du show “Taboo”, cette dernière conjure Raphaël de trouver LA solution dans le but de faire part au monde entier de cette jouissance visuelle. Ce dernier fait ainsi réaliser par son fournisseur des perruques d’une “matière teintée dans la masse d’origine”. En effet, il est difficile de ne pas s’émerveiller devant l’authenticité des perruques réalisées par Raphaël Knafo dotées de tons doux et pastels. En revanche, les autres, de couleurs franches et vives, symbolisent davantage l’aspect déjanté et audacieux du spectacle.

Résultat final sur scène du spectacle “Taboo” en 2004

Au fil des années, Raphaël a évolué avec son cher cabaret. Véritable temple de ces dames, le Crazy Horse est doté d’une équipe artistique hors du commun. En mars 2006, le cabaret est racheté par l’homme d’affaires Philippe Lhomme et confie la direction artisitique à Andrée Deissenberg qui a su rendre hommage au fondateur du lieu, M.Alain Bernardin, à merveille. Elle engage ainsi une talentueuse équipe de costumières, qualifiée de “doigts de fée du Crazy”, avec qui Raphaël fait union pour la confection de costumes et de perruques.

Ce dernier a oeuvré pour le talentueux Ali Mahdavi, Antoine Kruk ou encore le chanteur drag-queen Conchita Wurst. Pour l’anecdote, Raphaël a créer des perruques identiques à la coiffure de Wurst pour les danseuses qui déambulaient à ses côtés. Celles-ci portaient d’ailleurs la même barbe sur certains tableaux.

Conchita Wurst avec les danseuses du “Crazy Horse”

Dans un tout autre genre, la créatrice de mode Chantal Thomass collabore avec le Crazy Horse en 2016 et 2017 pour le spectacle “Dessous Dessus” dans l’optique de célébrer les 65 ans de glamour et de folie du cabaret. Pour ce faire, Raphaël réalise, à sa demande, une perruque “Marie-Antoinette” volumineuse à souhait et de couleur rose. Cette oeuvre représente des heures de travail pour notre habile perruquier et symbolise véritablement son aptitude à métamorphoser l’aspect d’une création, d’abord banale, à époustouflante. Il est doté d’une solide capacité à façonner, corriger et enfin révolutionner une chevelure.

Perruque “Marie-Antoinette” pour le spectacle “Dessous Dessus” en collaboration avec Chantal Thomass

Incarnation de l’artiste hétéroclite, Raphaël Knafo possède un don inné et naturel certifié par ses multiples expériences dans le domaine de la coiffure. Cet amoureux de la chevelure est doté d’une dextérité sensationnelle et manie perruques ainsi que cheveux humains à la perfection. De part sa vaste carrière complétée par ses titres de “Maitre Artisan”, coiffeur et perruquier, Raphaël Knafo n’a cesse de faire rêver les admirateurs d’innovation capillaire et de spectacles. Après 25 ans de fidèle collaboration, le jeune coiffeur du “Salon Raphaël” est aujourd’hui baptisé “perruquier exclusif, officiel et historique du Crazy Horse”.

Le “Salon Raphaël” aujourd’hui

Mia-Jade

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