Quel accompagnement pour les PME en Afrique subsaharienne ?

iroko project
10 min readApr 26, 2016

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Faciliter l’accès au financement est un des aspects majeurs de l’important soutien aux PME en Afrique subsaharienne. Reste que le financement, seul, n’est pas suffisant pour consolider ce segment d’entreprises et en permettre un développement pérenne et inclusif.

Importance de l’accompagnement

Il est en effet crucial que, indépendamment de l’obtention d’un éventuel financement, les PME soient accompagnées pour pallier leurs difficultés ou se renforcer. Ce segment d’entreprises pâtit de plusieurs faiblesses souvent structurelles, parmi lesquelles une “faible maîtrise du cycle d’exploitation ainsi qu’un manque de contrôle des outils de production et des techniques marketing, ce qui engendre des besoins importants en fonds de roulement” (1). Ces difficultés proviennent notamment d’un déficit dans la formation des dirigeants ainsi que d’une croissance pas nécessairement bien maîtrisée : en grandissant, une PME doit en effet mettre en application, entre autres, un système de gouvernance et des outils de comptabilité.

Pour faciliter ces démarches, L’État a, dans plusieurs pays d’Afrique subsaharienne, mis en place des structures chargées d’assister les PME en améliorant leur formation et en leur fournissant un appui technique. Parmi ces initiatives, citons les exemples de l’Agence de Développement et d’Encadrement des Petites et Moyennes Entreprises (ADEPME) ainsi que le Bureau de Mise à Niveau (BMN) au Sénégal, le Centre de Formalités et Création d’Entreprises (CFCE) au Cameroun ou l’Institut Ivoirien de l’Entreprise (INIE) en Côte d’Ivoire. Si leur efficacité ou celles de leur programmes spécifiques restent à confirmer avec le temps, elles démontrent néanmoins la volonté des pouvoirs publics de soutenir les PME et la prise de conscience que ce soutien doit être impulsé par des acteurs publics ou privés-publics.

Sur quelles thématiques accompagner ?

Un pan entier de l’accompagnement concerne l’augmentation du niveau de formalisation des structures informelles, notamment en vue d’une demande de financement. Ainsi pour M. Ndao, directeur de la Direction des PME au Sénégal, “l’informel peut être une opportunité à saisir pour l’économie nationale, à condition qu’il puisse avoir accès au financement et soit progressivement conduit vers davantage de formalisation”.

M. Ndao, directeur de la Direction des PME au Sénégal

Il est nécessaire que les structures publiques d’accompagnement des PME soient assez indépendantes (notamment vis-à-vis de l’administration fiscale) pour garantir aux dirigeants d’entreprises que leur but n’est pas de conduire un redressement pour le compte de L’État mais bien un accompagnement progressif vers un niveau plus élevé de formalisation. Assurer une relation de confiance entre l’organisme d’accompagnement et le dirigeant est ainsi une première étape indispensable.

Il est nécessaire que les structures publiques d’accompagnement des PME soient assez indépendantes (notamment vis-à-vis de l’administration fiscale) pour garantir aux dirigeants d’entreprises que leur but n’est pas de conduire un redressement pour le compte de L’État mais bien un accompagnement progressif vers un niveau plus élevé de formalisation. Assurer une relation de confiance entre l’organisme d’accompagnement et le dirigeant est ainsi une première étape indispensable.

L’accompagnement dans la formalisation est une assistance technique mais pas uniquement : il s’agit d’abord de convaincre le dirigeant des bénéfices qu’il peut tirer d’une formalisation plus avancée (accès à des sources de financement, mais aussi à des services supplémentaires proposés par l’organisme d’accompagnement). Puis, l’appui à la formalisation met l’accent sur l’enregistrement auprès des diverses administrations, ainsi que sur la constitution d’états financiers fiables et conformes à l’activité réelle de l’entreprise.

Au-delà de la formalisation, l’accompagnement des PME doit permettre d’améliorer les compétences des équipes de direction des PME en proposant des modules de formation. Si les thèmes de ceux-ci sont à adapter en fonction des besoins, certains aspects sont tout de même indispensables : comptabilité, organisation interne, gouvernance, constitution de business plans, réponse aux appels d’offres, etc.

Les agences d’accompagnement peuvent également offrir d’autres services extra-financiers aux PME. L’ADEPME au Sénégal, par exemple, offre quatre types de services :

  • Appui à la gestion de l’entreprise
  • Développement de nouveaux produits et/ou marchés : accompagnement des PME dans la réalisation d’études de marché ou d’études sectorielles
  • Veille technologique : identification de technologies disponibles, abordables et compétitives sur le marché ; conseil aux PME pour leur acquisition
  • Aide à la recherche de financement : informer les PME des solutions existantes et aide à la constitution de leurs dossiers
Siège de l’ADEPME à Dakar (Sénégal)

L’ADEPME a également développé un outil d’évaluation des PME. Cette évaluation est utile pour d’éventuels bailleurs, mais aussi pour les PME elles-mêmes qui peuvent ainsi mieux se connaître et identifier leurs faiblesses. Il faut préciser que tous ces services ne sont pas mis gratuitement à la disposition des PME : grâce à un fonds à frais partagés, l’agence prend en charge une partie des coûts mais non leur intégralité, notamment afin de s’assurer de l’engagement et de la motivation de la PME.

Lien entre financement et accompagnement

Si les agences d’accompagnement aident les PME à accéder à des financements, il est également important que se développe le recours à l’accompagnement parmi les bailleurs.

Au sein des banques, les PME, une fois le crédit octroyé, bénéficient de peu d’accompagnement car ce type de services n’est souvent pas dans les compétences de la banque, ce qui les rend lourds et coûteux. Néanmoins, avec le développement de véritables départements spécialisés pour les PME, les banques travaillent à la mise en place de services de suivi dédiés aux crédits pour PME. Il ne s’agit pas d’accompagnement à proprement parler, mais cet aspect extra-financier importe de plus en plus, notamment car il permet aux banques de réduire leur taux de défaut.

Les instituts de mésofinance, à l’image de Cofina, se sont au contraire constitués autour de la nécessité d’un suivi rapproché des PME clientes : “L’autre point essentiel, c’est l’accompagnement. Des chiffres révèlent que 60 % des entreprises ciblées font faillite dans leur première année d’existence. Or les banques et IMF sont insuffisamment outillées pour le suivi de leurs clients”(2), confie Jean-Luc Konan, directeur du groupe. Cofina est ainsi mieux outillée pour un suivi des PME. Ce suivi ne constitue toujours pas un authentique accompagnement, mais il augmente sensiblement le taux de remboursement en assurant aux équipes d’être au plus près des emprunteurs et en leur permettant de réagir rapidement aux incidents de remboursement.

Les fonds d’investissement, en revanche, offrent un réel accompagnement aux PME de leur portefeuille. Ce “service” est directement lié au mode de financement utilisé : en s’inscrivant dans la durée dans le capital de l’entreprise, les fonds ont la capacité et l’intérêt d’accompagner au maximum les équipes dirigeantes : “après investissement, il faut rester durablement sur place pour monitorer et accompagner les entrepreneurs.” (3). Ce mode de financement est donc très complet et accompagne réellement la PME dans son développement. L’inconvénient est cependant le volume de PME concernées : très peu, en raison de la rareté des fonds d’investissement présents sur ce segment d’entreprises et de la lourdeur du modèle (longueur de la phase de due diligence notamment).

Une solution de financement participatif en dette ne permettrait pas, en tant que telle, un accompagnement approfondi des PME emprunteuses en direct. C’est pourquoi s’appuyer sur les structures d’accompagnement existantes est une opportunité extrêmement intéressante. Ouvrir ce nouveau canal de financement aux PME déjà accompagnées permet à la fois de s’assurer en amont de leur sérieux et ainsi de réduire le taux de défaut, mais également d’être certain que la PME est dans une dynamique de formalisation et de structuration positive.

Making access to finance easier is one one the most effective ways to support SMEs in Sub-Saharan Africa. Yet finance without support is not enough to enable small firms to thrive sustainably.

Support is key

It is crucial that SMEs be accompanied, had they access to finance or not, in order to strengthen their capacities and overcome their difficulties. SMEs suffer from weaknesses that often are structural and mainly regard “poor control of their operating cycle, production tools and marketing techniques, which leads to high working capital requirement” (1). These weaknesses are mainly generated by a lack of training of managers and the consequences of an uncontrolled growth. Indeed, a growing SME faces several challenges — dealing with governance and accounting, notably — and has to implement new tools to address them.

In several countries of Sub-Saharan Africa, governments have created support structures dedicated to SMEs in order to improve the training of the managers and to assist them. Some examples of these structures are the Agence de Développement et d’Encadrement des Petites et Moyennes Entreprises (ADEPME) in Senegal, the Centre de Formalités et Création d’Entreprises (CFCE) in Cameroon or the Institut Ivoirien de l’Entreprise (INIE) in Ivory Coast. The efficiency of these structures is still to be confirmed but they embody public authorities’ will to support SMEs and the acknowledgment that the support must come from public or private-public players.

What kind of support should be provided?

The main idea is to increase the level of formality of informal SMEs, notably because it will then enable them to access to finance. Therefore support structures must be independent enough (and notably towards tax authority) to ensure businesses’ owners that the goal is not to conduct tax adjustments on behalf of the government, but rather to progressively assist them towards higher levels of formality. A relationship of trust between the support structure and the owner of the SME is a key first step.

Support towards formality is not only about providing technical assistance. It is also about convincing the SME’s owner that he will benefit a lot from getting more formal (notably easier and cheaper access to funding, access to complementary services provided by the support structure). Then, support towards formality must stress the importance of registering with several authorities, as well as the need for reliable financial statements.

Beyond formality, support structures SMEs must improve the skills of the management team by offering training modules. The topics studied can change depending on the needs but some themes are undebatable: accounting, firm organization, governance, business plan, responses to calls for tenders, etc.

Support structures can also provide SMEs with other non-financial services. For instance, the ADEPME in Senegal offers four kinds of services:

  • assistance to manage the company
  • development of new products and/or new markets: market studies or sector-based analyses
  • sector-based technology intelligence: identifying available, affordable and competitive technologies; advising SMEs in how to acquire them
  • assistance to access to finance: inform SMEs about existing solutions and help them to set up their file

The ADEPME also developed a scoring tool dedicated to SMEs. The scoring is useful for financial institutions that can rely on it to grant some funding easilier. But it is also useful for SMEs because it enables them to better know themselves and to find out what their weaknesses are. We also have to say that these services are not available for free: it always is a shared-cost programme so as to be sure that the SMEs is motivated and genuinely engaged in the process.

Link between finance and support

Even though support structures help SMEs to access to finance, it is equally important that financial institutions also increasingly implement technical support.

Banks are not familiar with providing support to SMEs that have been granted a loan. They generally have poor competences for these services, which makes them expensive and complex to implement. Yet banks increasingly develop departments dedicated to SMEs, and therefore also develop services that enable them to better keep tracks of the loans granted. It cannot be considered genuine support for SMEs but these non-financial services still become more and more important, notably because they make it possible to reach lower rates of default.

On the contrary, mesofinance institutions, like Cofina for instance, were created with the purpose of following closely the credits granted to SMEs : “The other essential element is support. Figures show that 60% of targeted SMEs go bankrupt within one year of existence. Yet banks and MFI do not have the proper tools to follow their clients efficiently.” (2). Cofina indeed capitalises on better tools to follow SMEs closely. Again, following them is not the same as assisting them but it still increases the rate of reimbursement by placing the team as close as possible to the clients and allowing it to react quickly in case of repayment incident.

Investment funds provide real support to SMEs of the portfolio. This “service” is directly related to the kind of funding: investment funds enter firms’ capitals for several years, therefore they have time and interest to support as much as possible the management team: “after the investment has been realised, it is necessary to stay with the team in order to monitor and assist it.” (3). Investment funding is quite comprehensive and goes with genuine support for the SMEs. The drawback is that only very few SMEs are of interest for investment funds, notably because of the long and expensive due diligence process.

A sheer crowdlending solution would not provide extensive support for SMEs that borrow money through the platform. That is why backing the solution on existing support structures is a tremendous necessity and opportunity. Opening this new access to finance for SMEs that have been assisted by independent structures allows to cut the rate of default (and therefore of interest) and gives some kind of guarantee that the SME is shifting towards higher levels of formality and structuration.

(1) Mebarek, A. (2011, Septembre 13). Assistance et investissement, le duo gagnant pour les PME africaines. Récupéré sur L’Express : http://www.lexpress.fr/actualite/monde/afrique/assistance-et-investissement-le-duo-gagnant-pour-les-pme-africaines_1400780.html

(2) Konan, J.-L. (2015, Janvier 31). La mésofinance : pour rétablir la confiance entre les banquiers et les entrepreneurs. Récupéré sur Le Monde Afrique : http://www.lemonde.fr/afrique/article/2015/01/31/la-mesofinance-pour-retablir-la-confiance-entre-les-banquiers-et-les-entrepreneurs_4567490_3212.html

(3) Abdelkrim, S. (2015, Juin 25). Comment Teranga Capital est devenu le premier fonds de capital-risque sénégalais. Récupéré sur Le Monde Afrique : http://www.lemonde.fr/afrique/article/2015/06/25/comment-teranga-capital-est-devenu-le-premier-fonds-de-capital-risque-senegalais_4662028_3212.html

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