Hermès #Jesuisuncheval

Jérémie Gentien
4 min readJul 29, 2014

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https://www.youtube.com/watch?v=Fo0GQ5zlk5M

C’est un poil consterné que j’observe aujourd’hui les réactions des habituels relayeurs de montée en buzz, les early adopters toujours dans les starting block pour tweeter et interagir sur le hashtag « bankable » du jour. A grand coup de tweets fourre-tout “WTF”, “Bad Buzz” et j’en passe, ces chers twittos se cabrent devant la dernière campagne Hermès #Jesuisuncheval et restent passivement consternés devant cette vidéo où des “anonymes” plutôt stylés bruitent et s’agitent avec un mimétisme équin dans un décor épuré. Devant tant d’incompréhension et sans vouloir monter sur mes grands chevaux, j’applaudis des deux mains. Bravo. Cela faisait fort longtemps qu’une campagne basée principalement sur du brand content et les réseaux sociaux n’avait pas autant aiguisé mon appétit social.
Pourquoi tant d’engouement ? Tout d’abord parce que ce contenu sobre et de qualité ne laisse personne indifférent. Parce que l’incompréhension générale provoque un engagement certain mais surtout parce que cette incompréhension signifie que la campagne touche sa cible en plein coeur. Replongé plusieurs années en arrière alors jeune poulain de la communication sur les bancs de l’amphi, j’entends la ritournelle de mon vieux prof de marketing :

« Si vous ne comprenez pas le message alors vous n’êtes pas la cible ».

Les Ayatollahs de la communication numérique militent pourtant depuis longtemps pour que le luxe s’emparent intelligemment du digital pour créer des expérience qui soient en résonance avec notre société connectée sans pour autant vulgariser son caractère élitiste, souvent à grand renfort de plateforme de marque. Avec simplement 1minutes et 29 secondes de vidéo, Hermès cambre son positionnement, étrille son image et lance la communauté dans une chevauchée infernale. La métamorphose

Hermès ce n’est pas uniquement des carrés ostentatoires mais également de la bijouterie, de la maroquinerie, du prêt à porter et de l’art de vivre. C’est surtout une marque de caractère, racée à l’image de son emblème et de son activité historique dans les articles d’équitation. Cette vidéo s’inscrit donc dans un retour au source qui va bien au delà des produits, un galop vers la ligne de force de la manufacture dans un moment où il faut savoir toucher une clientèle plus hétéroclite, plus jeune, plus “branchée” comme le témoigne sa récente campagne publicitaire Printemps/Eté 2014 “La métamorphose, une histoire Hermès ». Retour au paddock version digitale
Fini donc l’image poussiéreuse de la haute bourgeoisie dans son carré, le digital participe à redorer la créativité et le raffinement inhérent à la marque au cheval. C’était déjà le cas pour la très belle la campagne Vive le Sport qui intégrait brillamment les produits Hermès dans un dispositif créatif et élitiste de display+brand content car oui l’élitisme est compatible avec le digital pourtant accessible à tous.

https://www.youtube.com/watch?v=BfYE8W9pFBo

Avec #Jesuisuncheval qui semble reposer principalement sur une vidéo Youtube, l’élitisme tend à s’apparenter à du snobisme dont, avouons le, est friand la cible CSP++. Comprenne donc qui pourra, certains y verront peut-être un clin d’oeil à l’art contemporain d’autre une référence à la relation homme-animal que certains cavaliers doivent bien connaitre. Je suis persuadé que #lesvraissavent comme disent les jeunes et qu’un bon nombre de personnes qui s’offusquent d’une absence de sens sur Twitter n’ont jamais eu de véritable intention d’achat pour cette marque (certes pas vraiment abordable pour le commun des mortels) mais restent malgré tout des relais vers la communauté ciblée par ce message. On remarque d’ailleurs que l’edit des videos Youtube sur le compte Instagram de la marque suscite beaucoup plus de réactions positives que négatives, preuve d’une audience plus engagée. Chevauchée sociale

Si Hermès ne semble pas cherche à toucher le grand public, elle vient pourtant parader sur son terrain de jeu favori à la recherche d’engagement mais surtout de contenus créatifs. Un pari plutôt risqué surtout sans récompense à la clé d’autant plus qu’on voit mal la marque s’approprier ou même simplement relayer des productions lo-fi d’internaute pas toujours inspirés ou vaguement arty. N’empêche reste l’impression que la marque ne se prend pas trop au sérieux et qu’elle cautionne les quidam à jouer avec son image en 140 caractères. Pas sûr que beaucoup de ses concurrents seraient prêt à se risquer à ce genre de manège. En tout cas certaines marques, beaucoup moins premium pour le coup, saisissent l’occasion pour se faire connaitre et profiter du carrefour d’audience du hashtag controversé.

https://twitter.com/DeguiseToi/status/494042273722552321

En prenant les rênes d’une communication digitale décomplexée et résolument sociale, Hermès place la barre assez haut dans l’industrie du luxe. Enfin du moins pour cette campagne car il faut tout de même constater que le compte Twitter @Hermes_Paris est désespérément muet arborant fièrement un logo bien pixelisé comme on aime. Cette abnégation de provoquer à la fois la parole des “foules connectée” sans prendre part à la conversation est-elle volontaire? Reste donc à savoir s’il s’agit d’un simple galop d’essai ou si la marque compte inscrire cette démarche de partage d’identité dans la durée. Pour ma part, je m’y suis plongé le temps d’une matinée et même si je ne suis pas Bartabas, je dois surement avoir un peu de sang équin qui sommeille en moi.

https://www.youtube.com/watch?v=yx_E4DUWXbE

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Jérémie Gentien

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