Comment les objets connectés vont remplacer les canaux de distribution traditionnels
Echo, Withings, Lunii, Lovebox : les objets connectés transforment l’économie en devenant de puissants canaux de distribution.
Cet article est la conséquence de 6 mois de réflexion sur le business model de Lovebox, que Marie et moi avons fondé il y a plus de 2 ans, avec une connaissance très limitée des business models du secteur. Si j’écris cet article, c’est pour deux raisons. D’une part, le lire m’aurait permis de gagner des mois de travail sur cette réflexion, et j’espère qu’il aidera de nombreux fondateurs de start-ups hardware. D’autre part, j’aimerais que l’écosystème prenne conscience de l’ambition démesurée que les start-ups hardware peuvent se permettre d’avoir, car nous ne sommes pas seulement des fabricants de produits, nous sommes les canaux de distribution de demain.
Nous ne sommes pas seulement des fabricants de produits, nous sommes les canaux de distribution de demain.
L’épée de Damoclès : la commoditisation
S’il y a une chose sur laquelle la totalité de l’écosystème est d’accord, c’est qu’une start-up avec un produit hardware qui adopte un modèle de revenus uniquement basé sur les ventes du produit n’est pas viable sur le long terme, d’autant plus (mais pas seulement) si les barrières à l’entrée sont faibles. Sur le long-terme, la commoditisation est difficilement évitable. Le succès appelle à l’imitation; s’en suit une course à la complexité pour faire face à la concurrence; le consommateur final finit par ne plus vraiment voir la différence entre tous les produits; et pour finir, les revenus et les marges décroissent et aucun acteur majeur n’émerge vraiment. Il y a des livres et des dizaines d’articles à ce sujet, donc je ne m’attarderai pas sur ce point. Faire ce choix, c’est renoncer à une trajectoire de start-up, c’est renoncer à créer une valeur long terme.
Chez Lovebox, nous avons rapidement choisi de faire face à cette réalité. Nous avons été bien aidés dans ce choix par tous les entrepreneurs, mentors et investisseurs que nous avons rencontrés, notamment dans la Silicon Valley lors de notre séjour dans l’accélérateur The Refiners. Pendant des mois, nous avons été dans un état complètement bipolaire. Nous étions d’une part dans une certaine euphorie, complètement dépassés par la traction sur les ventes de notre produit. Générer 50 000€ de pré-ventes sur Kickstarter en 12 minutes, vendre et livrer 10 000 Lovebox en France et aux Etats-Unis en six mois, c’était la magie d’un lancement réussi. Et pourtant, au milieu de cette euphorie, nous avions conscience qu’il fallait déjà se ré-inventer, notre produit à peine lancé. Nous avions un produit à succès, la Lovebox, mais nous devions désormais construire une vision d’entreprise avec une valeur long terme tirant parti de ce succès.
Les 3 business models hardware à revenus récurrents identifiés par l’écosystème
Face à ce défi, mon réflexe a été de lire des dizaines d’articles traitant du sujet. Après toutes ces lectures, il semblait y avoir un certain consensus dans l’écosystème avec trois idéaux-types de business models, particulièrement bien présentés dans cet article de BOLT VC, un fonds d’investissement early stage spécialisé dans le hardware :
- Hardware-as-a-Service : c’est sûrement le plus connu parmi les start-ups hardware B2B. Le client profite du produit et du logiciel qui l’accompagne en contre-partie d’une souscription mensuelle / annuelle. On trouve de nombreux exemples, par exemple Klaxoon, qui vient de réaliser une belle levée de fonds, confirmant encore l‘enthousiasme de l’écosystème pour ce modèle.
- Hardware-enabled Services : c’est un modèle très similaire au précédent, à la différence que le produit peut être utilisé sans le service qui l’accompagne. On retrouve par exemple Dropcam, qui propose une souscription premium pour stocker les vidéos de surveillance captées par le produit.
- Les consommables : c’est souvent le premier exemple de business model innovant que l’on enseigne dans les business schools, le modèle “lame/rasoir” (Razor/Razorblade model). Dans le secteur des objets connectés, on peut citer comme exemple Amazon Kindle ou Petnet.
Hardware As A Distribution Channel — L’objet connecté : un cheval de Troie pour créer un réseau de distribution
Pendant des semaines, nous avons essayé de coller à l’un de ces modèles, mais pour réussir, il nous a fallu les voir sous un jour différent pour finalement se rendre compte que ces 3 modèles n’étaient que des variations d’un seul et unique canevas. En effet, ces 3 modèles utilisent tous l’objet comme un moyen de distribuer des produits ou services : que ce soit une capsule de café, un service de stockage de vidéos sur le cloud, ou bien encore un logiciel de gestion de réunion. L’objet est simplement un cheval de Troie pour accéder au client final et lui offrir des produits et services.
Amazon Echo apparaît alors comme l‘un des objets connectés les plus ambitieux, puisqu’il s’agit de mettre en place un canal de distribution universel à l’intérieur de nos maisons. On comprend également que Withings n’est pas tant un fabricant d’objets connectés de santé, mais plutôt un distributeur de solutions pour vivre en bonne santé. Sur le long-terme, Withings pourra proposer à ses clients des compléments alimentaires, des prestations de santé, du sport, ou encore du coaching, grâce aux données récoltées et à la légitimité de la marque sur ce domaine. Quant à Lovebox, ce n’est pas seulement un canal pour transmettre des messages d’amour, mais un canal pour transmettre des petites attentions. Nous avons donc l’opportunité grâce au réseau Lovebox (et à ses dizaines de milliers d’utilisateurs) de devenir un distributeur dans le secteur des petites attentions.
Hardware As A Distribution Channel — Un changement de paradigme
Prendre conscience que le produit hardware est un canal de distribution est un réel changement de paradigme. En effet, lorsqu’on cherche seulement à “rajouter du service” au produit hardware, on a tendance à se limiter à des produits et services qui viennent directement compléter la valeur proposée par le produit hardware. C’est le cas des capsules de café Keurig, du stockage de vidéos Dropcam, ou encore des livres du Kindle. Cela peut être suffisant pour ces entreprises, mais trop limitant pour d’autres. En considérant le produit hardware comme un canal de distribution, on élargit le champ des possibles. D’une part, le produit ou service vendu via l’objet n’est pas nécessairement un produit de l’entreprise, il peut être le produit d’un partenaire. D’autre part, il ne vient pas nécessairement directement compléter la valeur du produit hardware ou être consommé sur le produit hardware, il peut être simplement aligné avec la mission de l’entreprise et venir compléter l’offre de manière transversale.
Pour réussir à développer une start-up hardware selon ce paradigme, il faut se poser deux questions clés, que nous nous posons aujourd’hui chez Lovebox et auxquelles nous avons trouvé des premiers éléments de réponses.
- Quel produits distribuer ? La réponse à cette question ne dépend pas tant du produit hardware, mais bien davantage de la mission plus large de l’entreprise. Il n’est pas évident de savoir pourquoi faire payer une souscription à l’utilisateur d’une montre ou d’une balance connectée. En revanche, la mission de Withings est de nous aider à être en bonne santé, et Withings a toute la légitimité pour nous proposer des produits et services pour rester en bonne santé, personnalisés à l’aide des données récoltées.
- Comment intégrer la distribution de ces produits au sein de l’expérience ? Cette question est clé car c’est cela qui détermine le taux de conversion du canal de distribution. Si les objets connectés peuvent devenir de puissants canaux de distribution, c’est parce qu’ils peuvent proposer un produit ou service, dans le bon contexte et au bon moment. Un client Withings sera plus à même d’acheter une solution pour sa santé en étudiant les statistiques remontées par les capteurs Withings. Un client Lovebox sera plus à même d’offrir une petite attention à un proche, lorsqu’il est dans une démarche généreuse au quotidien avec ce proche, via le réseau Lovebox.
Chez Lovebox, nous sommes heureux d’entrer dans cette nouvelle phase de développement de l’entreprise, où la vente des produits n’est pas une fin en soi. Les 18 prochains mois se concentreront sur l’engagement, la rétention, et l’intégration d’un canal de distribution au sein de l’expérience : faire de la Lovebox un cheval de Troie certes, mais un cheval de Troie du Bonheur.
Cet article présente une vision applicable à tous les objets connectés grand public, sans se concentrer sur le cas précis de Lovebox. Je le ferai dans de prochains articles. Pour en savoir plus sur nos projets et/ou participer à la levée de fonds de Lovebox (business angel, family office, fonds d’amorçage), contactez Marie et moi à l’adresse fondateurs@lovebox.love. Visitez également notre page Sowefund pour nous soutenir, et voir Marie et moi en vidéo ! N’hésitez pas à réagir en commentaires pour en discuter : si je partage ces convictions, c’est pour en parler.