Un homme a dit non !

JM Planche
8 min readMar 26, 2018

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Une nouvelle fois, l’horreur a frappé. Un n’importe quoi surgit d’un lieu qui m’est cher (Carcassonne) a fait parler de lui. Un type animé d’une rage, d’une foi destructrice. La foi qui transcende ? C’est dangereux la foi … Mais est-ce bien de cela dont il s’agit pour ces gens ?

N’est ce pas plutôt d’aveuglement, de formatage. Il y a tant à dire sur leur fragilité, leurs croyances, leur manipulation, leur endoctrinement, leur enfermement dans la haine, le ressentiment. C’est tellement connu. C’est tellement vieux.
Pas si loin de nous, cela nous a valu la 2e guerre mondiale avec son cortège d’horreur. A partir du moment où l’on se coupe de son ressenti, que l’on rentre dans l’univers des croyances, on perd son humanité et le sens des réalités.

Allemand, on a cru aux besoins expansionnistes, on a cru à la revanche, on a cru à la faute d’un peuple, on s’est laissé entrainé dans la folie de quelques-uns. Aurions-nous fait beaucoup mieux nous-mêmes, à leur place ?

Et aujourd’hui, enfermés dans nos croyances… ne devons-nous pas nous interroger sur les chemins que nous prenons et être particulièrement vigilants pour que « la bête immonde » ne revienne pas.

Un juif massacré hier, un barbu innocent demain… il y a des différences, mais le résultat est le même. Tous sont-ils à mettre dans le même sac ? Ces crétins manipulés de nos banlieues ont-ils les clefs pour comprendre ce qu’il se passe ? D’autres ne sont-ils pas tout autant, voir plus coupables ? Je ne veux rien excuser. Je ne pense pas comme un ancien premier ministre qu’il faille faire l’économie d’essayer de comprendre. A partir du moment où l’on fait cet effort, on touche mieux du doigt la difficulté de la solution, si elle existe et notre propre faiblesse. Qu’aurions-nous fait à leur place ? Qu’aurions-nous fait à la place d’Arnaud Beltram ?

Devant les morts à Trèbes, à Carcassonne, nos cœurs saignent une fois de plus.

Mais quelque chose de nouveau est apparu.

Au-delà de la profonde tristesse du massacre d’innocents et de « JE SUIS CHARLIE ». Quelque chose de nouveau nous envahit. Un sentiment d’admiration et même mieux, de sympathie profonde, bien au-delà d’un geste que certains (imbéciles) qualifient de folie. C’est de la compassion. C’est de l’amour oserais-je. Les larmes n’ont pas le même gout.

Arnaud a vaincu les terroristes. Il a montré qu’ils avaient définitivement perdu. N’est ce pas la solution ? Sans relâche, dire NON à l’ignoble. Dire que leur démarche est vaine car il y en aura toujours un qui se lèvera et sera dans le juste.

Ils ne peuvent gagner et ils le savent. Ils ont déjà perdu et c’est à nous de leur dire. Leur combat est vain. Ils sont dans l’erreur la plus profonde. Dans l’illusion de leurs croyances, apprises auprès d’autres qui se jouent d’eux !

Seul le silence est grand

Ce billet n’était pas facile, car je n’avais pas envie de rajouter quoi que ce soit, tellement tout me semblait tellement clair et la peine immense. Juste de penser à ceux qui ne sont plus de ce monde, à leurs proches. Aux miens qui auraient pu se trouver à leur place. Eh oui, j’ai habité à Dammartin en Goële et je conserve une demeure familiale à… Carcassonne et donc un certain ancrage.

Mais comment leur rendre l’hommage qu’ils méritent ?

Comment participer à faire changer ce que l’on nous annonce quotidiennement comme un mouvement de fond et immuable ?

Comment penser avec l’humanité juste, le respect à ce Lieutenant Colonel qui est allé au bout de son engagement… servir et protéger.

Je ne voulais rien dire. Me taire.

Mais là ça n’est pas possible

Ce que je vois surgir des réseaux sociaux me brule la rétine et ne me semble pas juste. Je ne connaissais pas Arnaud Beltram, je ne peux qu’imaginer, que compatir… surtout ne pas croire, juste SENTIR, avec humilité et pouvoir penser un : « je sais ».

Oh, non pas un « je sais » professoral, définitif. Un “je sais” qui vient du coeur. De l’expérience. Celui que l’on ressent au plus profond de soi même. Je sens évidement Arnaud comme quelqu’un de bien, qui avançait dans ce qu’il pensait juste. Il avait des principes, des valeurs que certains qualifieront peut être de trop “militaires”, de trop “chrétiennes”… mais ce geste, qui n’a rien à voir avec un sacrifice ou un devoir me suffit à penser qu’il était libre et à pris en conscience la décision qui lui convenait. Non pas celle de se sacrifier, mais celle de tout tenter pour sauver une personne de plus et faire son possible pour changer le cours des choses.

Arnaud, tu as changé le cours des choses !

A voir sa photo, on dirait quelqu’un que j’ai toujours connu. Curieux sentiment. On dirait un copain, un proche. Il pourrait être à côté de nous, nous conseiller, nous guider comme un grand frère… Et nous aussi, nous aurions pu être là pour lui, pour l’aider, pour ne pas qu’il prenne tout et trop sur ses épaules. Je l’espère libre. Libre du choix de ses engagements.

Mais quelque chose ne passe pas

Je pourrais laisser courir. A quoi bon ? Que fais-je changer ? En plus, qu’est-ce que j’y connais. Je n’ai côtoyé ni l’un (Arnaud), ni l’autre (ce prêtre). Mais désolé, ça ne passe pas et cela me semble ne pas rendre l’hommage qui convient à Arnaud Beltram…
D’ailleurs, Beltram, un nom étonnant non ? Arnaud, le prénom de l’un de mes fils.

Alors zut, j’ose le dissonant dans ce concert de louanges. Ou plutôt j’ose affirmer ma différence, mon opposition même à un témoignage monté en épingle qui surgit de partout :

L’hommage bouleversant du prêtre qui préparait Arnaud Beltram au mariage.

Oui, c’est un homme d’Église, comme il en existe tant. J’en ai croisé de bons et de très mauvais. Je ne sais de quel bois il est fait, mais ce qu’il dit ici ne passe pas :

Il commence déjà soft, ce qui en dit long sur sa vision « passéiste »

Passionné par la gendarmerie, il nourrit depuis toujours une passion pour la France, sa grandeur, son histoire, ses racines chrétiennes qu’il a redécouvertes avec sa conversion.

Les racines chrétiennes de la France… passons tellement c’est ridicule, nos ancêtres les Gaulois sont là pour en témoigner.

Saint-Nicolas du Chardonnet, sort de ce corps.

Il se reprend

En se livrant à la place d’otages, il est probablement animé avec passion de son héroïsme d’officier, car pour lui, être gendarme voulait dire protéger. Mais il sait le risque inouï qu’il prend.

Bien sûr qu’il connait le risque. Il sait et son geste est d’autant plus admirable. Mais je pense qu’il est faux de penser qu’il s’échangeait pour se sacrifier. Je ne l’imagine pas comme cela. Je ne pense pas que ses collègues auraient laissé faire. Il y avait de l’espérance dans ce geste, pas de l’espoir !.

Pour mieux tacler et se montrer d’un autre âge

Avait-il le droit de prendre un tel risque ? Il me semble que seule sa foi peut expliquer la folie de ce sacrifice qui fait aujourd’hui l’admiration de tous. Il savait comme nous l’a dit Jésus, qu’« Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis. » (Jn 15, 13). Il savait que, si sa vie commençait d’appartenir à Marielle, elle était aussi à Dieu, à la France, à ses frères en danger de mort.

Folie de ce sacrifice ?
Seule sa foi peut expliquer ?

Là j’ai bondi.

Comment peut-il dire cela ? Par quel endoctrinement que l’on concéderait aux catholiques et que l’on refuserait à d’autres ?

Oh bien sûr le terroriste islamiste se sacrifie pour tuer d’autres personnes (et par là même, atteindre profondément notre civilisation). Mais je n’accepte pas non plus le sacrifice de sa vie que la religion exigerait. Mais qui a dit cela ? Quel humain a pu imaginer une telle stupidité.
Le même qui a écrit “Dieu a créé l’homme à son image” … qui vaut bien moins que celui qui a répondu: “quel manque d’imagination”.

Quel esprit tordu a pu transformer un « Dieu est amour » en un « tu vas tuer ton fils pour moi, … tu vas faire le sacrifice de ta vie pour te racheter… »

C’est tellement réduire Arnaud Beltram que cela me dérange, au risque de ce billet.

Et s’il s’agissait d’autre chose ?

Et si au moment du choix, il n’y avait pas cette question de ‘sacrifice’ et de foi chrétienne, mais seulement d’un homme bon, respectueux et touché par la situation qui a préféré cette solution à une insupportable injustice. Et s’il y avait plutôt espérance ? Espérance qu’il pourrait changer le cours des choses ? Espérance et pas seulement le devoir !

Aucune folie là-dedans justement. Ca n’est pas lui rendre hommage de le penser. Il n’était pas fou. Bien au contraire. Il n’a pu faire ce choix qu’en toute connaissance de cause et en homme libre. Certainement pas contraint par je ne sais quelle foi, de sacrifice, que certaines lecture de la religion et ce prêtre tentent de nous imposer.

Mais ça n’est pas tout, le pire est à venir :

Je crois que seule une foi chrétienne animée par la charité pouvait lui demander ce sacrifice surhumain.

???

Que dire de plus ?

Une foi chrétienne animée par la charité qui demanderait (sic) un sacrifice surhumain vaut elle mieux qu’une autre foi qui exige exactement la même chose.

Mais on est où là ?

Dans une fois de 1.200 qui pousse à la croisade et à la conversion forcée des hérétiques ?

Mais son héroïsme saisissant va susciter, je le crois, de nombreux imitateurs, prêts à au don d’eux-mêmes pour la France et sa joie chrétienne.

Là je n’ose plus commenter. Le risque est si grand dans ce que je lis. Devons-nous nous lever et partir en croisade ? Le prêtre doit être submergé par l’émotion et ne sait plus ce qu’il écrit. Le don d’eux-mêmes ? Jusqu’à l’ultime sacrifice ?

Cette foi ne libère pas, elle enchaine.

Dans ce qu’ils nous racontent, je ne reconnais aucun des enseignements de Jésus, mais juste des ‘histoires’ trop de fois racontées pour maintenir l’humain à genoux, dominé par un Dieu inventé vengeur qui nous ferait naitre avec le poids du pécher original sur les épaules.

Arnaud Beltram ne mérite pas cela.
Arnaud vaut et est mieux que cela.
Je ne le connais pas, mais j’en suis sûr.

Arnaud était un homme en chemin, qui cherchait des réponses, mais il était debout. Il a fait son propre choix, guidé par sa conscience, son cœur.

Je l’imagine libre.

En tous les cas, à lui seul, il a vaincu l’horreur. Il a été plus fort qu’elle. Le catholique pourrait dire “comme Jésus qui a accepté la condition humaine jusqu’au bout… jusqu’au bout de l’ultime sacrifice”. Je ne sais pas. Ca nous dépasse. Mais je sais que son geste restera dans nos mémoires. Sans haine ni violence, il a été plus fort qu’eux. Il a su toucher nos coeurs alors que les autres ne font qu’exciter nos esprits.

Mais peut-être que ce prêtre voulait dire que par cet exemple, cela suscitera une prise de conscience générale, chez eux, ceux qui ont juré notre fin, chez nous aussi. Du moins, je préfère le penser comme cela.

Arnaud Beltram ❤.

Source photo par le frère d’Arnaud qui a écrit un bien bel et émouvant hommage

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JM Planche

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