Quand l’informatique copie la biologie

Joanne SABA
4 min readMar 31, 2019

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Photo by Sergey Pesterev on Unsplash

La première fois que j’ai entendu l’expression “réseau de neurones” dans un cours d’intelligence artificielle, j’ai cru m’être trompée de salle de cours. A ma connaissance, les neurones étaient des cellules qui formaient le système nerveux du corps humain, alors pourquoi s’incrustaient-ils en école d’ingénieur?

Le professeur nous a alors expliqué que les réseaux de neurones étaient utilisés pour résoudre des problèmes d’intelligence artificielle, notamment pour des classifications, et qu’ils fonctionnaient de la même manière que les neurones humains qui permettent à l’homme de faire la différence entre une chaise et une table.

Qu’est-ce que les réseaux de neurones ?

Au cas où vous auriez oublié vos cours de biologie de lycée, un neurone biologique possède une terminaison appelée axone grâce à laquelle il peut envoyer un signal à d’autres neurones. Lorsqu’un neurone reçoit un signal électrique provenant d’un autre neurone, il choisit d’envoyer, ou pas, un signal aux neurones qui suivent en fonction des signaux reçus.

Le neurone artificiel imite de très près le fonctionnement du neurone naturel grâce à des algorithmes et calculs mathématiques. Prenons un exemple concret:

En mauve, le neurone artificiel, reçoit deux valeurs en entrée (e1 et e2), et doit envoyer en sortie une valeur s. Le neurone fait la somme pondérée — en affectant un poids à chaque entrée — des entrées e1 et e2 (p1*e1+p2*e2). Si le résultat est supérieur à un certain seuil, alors s=1 (envoi de signal). Sinon, s=0 (pas d’envoi de signal).

Un neurone artificiel est donc une fonction mathématique qui reçoit des variables en entrée et produit un résultat unique en sortie, et qui possède des paramètres réglables: les poids des entrées, et le seuil de la sortie.

Dit comme cela, on a l’impression qu’un élève en cycle primaire serait capable de faire du deep learning. En réalité, c’est plus compliqué. En effet, un seul neurone est incapable à lui seul d’effectuer tous les calculs nécessaires à la reconnaissance d’images. Pour cela, on a créé le réseau de neurones, soit une association de plusieurs neurones capables tous ensemble d’effectuer les calculs très complexes et d’avoir les résultats les plus précis possibles. Le réseau est formé de plusieurs couches: la couche d’entrée, la couche de sortie, et entre les deux des couches intermédiaires, dites couches cachées. A la couche n, chaque neurone reçoit des signaux de la couche n-1, effectue les calculs nécessaires pour ensuite envoyer les signaux à la couche n+1, et ainsi de suite, jusqu’à obtenir un résultat unique à la dernière couche.

A l’heure actuelle, on peut créer des réseaux ayant des centaines de couches et plusieurs millions de neurones.

Avant de pouvoir faire des prédictions de tout genre, notre réseau de neurones doit passer par une phase d’apprentissage, durant laquelle il va s’entraîner à partir d’exemples: il suffit de lui fournir en entrée une base de données dont on connaît la sortie, puis de régler correctement ses paramètres (poids et seuils) jusqu’à l’obtention en sortie du résultat attendu. Passé cette phase, le réseau doit être capable de prédire la sortie pour n’importe quelle nouvelle entrée.

Pour information, ce réglage de paramètres dans les réseaux de neurones artificiels serait similaire à ce qui se passe en réalité dans les réseaux de neurones biologiques: les synapses — les connexions entre les neurones — peuvent changer de force en fonctions des expériences vécues, de nouveaux apprentissages, et donc de l’utilisation de la connexion. Ce phénomène est appelé la plasticité synaptique.

Les applications du deep learning

Les géants du web sont parmi les premiers à avoir voulu appliquer le deep learning afin d’analyser les détails partagés par leurs utilisateurs, que ce soit pour de la publicité ciblée, de la reconnaissance faciale, ou pour des raisons qu’on ignore encore. Mais ce n’est pas tout:

  • Des algorithmes de deep learning sont capables de décrire des scènes en une phrase afin de venir en aide aux malvoyants.
  • Les voitures autonomes, dont on rêve depuis plusieurs années maintenant, se basent sur des algorithmes de machine learning afin de pouvoir reconnaître les obstacles sur les routes.
  • Le modèle génératif du réseau de neurones permet de faire l’inverse de ce que j’ai déjà décrit jusqu’à présent: il s’agit de prendre le réseau “dans l’autre sens”, de lui donner en entrée une série de nombres, et notre réseau sera capable de produire une image en sortie, une image unique formée des caractéristiques imposées en entrée (c.f photo ci-dessous).
Designs de chambres à coucher, tous créés grâce à un modèle génératif de réseaux de neurones

Finalement, qui l’emporte?

Il est indéniable que les résultats apportés par les algorithmes de deep learning sont parfois surprenants. On a réussi à réaliser des calculs extrêmement difficiles, que l’humain n’aurait jamais pu effectuer même avec ses milliards de neurones, parce qu’il n’a ni la vitesse ni la capacité de mémoire de la machine.

Mais quand il s’agit d’autonomie, les machines sont encore loin derrière le cerveau humain. Et tel est l’enjeu majeur de l’intelligence artificielle: créer une machine capable de penser et de raisonner par elle-même.

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