Mesurez la quantité de vide de vos discours avec l’indice Hugo Lloris !

Jonathan Sabbah
6 min readJul 18, 2017

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Mmm... intéréssant

Voici un extrait d’une conférence de presse du capitaine de l’équipe de France de Football. À la suite de deux victoires consécutives et près d’un an avant l’Euro 2016, il a déclaré :

« Il y a un mois de ça, on a réussi à faire deux très bonnes performances qui suivaient les deux échecs face à la Belgique et l’Albanie. Il faut continuer sur cette voie là. On a montré un beau visage et il ne faut pas s’arrêter là. Le chemin est encore long avant l’Euro.
Y’a des nouveaux joueurs également […] qui s’intègrent à l’effectif. Toujours dans un souci de collectif, on a envie d’avancer et de continuer à gagner. »
— Hugo Lloris (l’interview complète est en bas de l’article)

Dans cette interview très importante, on a appris, entre autres, que :

  1. Lloris connait les scores des derniers matchs de l’équipe dont il est le capitaine,
  2. il souhaite continuer à gagner des matchs (!).

Indice Hugo Lloris

À partir de maintenant on appellera Indice Hugo Lloris la quantité moyenne d’information d’un message énoncé.

Indice Hugo Lloris = Nombre d’informations par minute de message

Par exemple dans la dernière interview, l’Indice Hugo Lloris est à peu près égal à zéro IPM (Info. Par Minute).

Combien ?!

La théorie de l’information

D’après le chercheur américain Claude Shannon, plus un message est inattendu (à faible probabilité), plus il est riche en info. Et inversement, un message connu à l’avance ne contient aucune information. Si on peut deviner à l’avance l’intégralité d’un message, c’est donc qu’il est vide.

La quantité d’information d’un message dépend beaucoup du moment où il est énoncé. Le message « Sarkozy est éliminé du second tour de la primaire de la droite et du centre » est riche le soir de la primaire, mais vide aujourd’hui. Autre exemple : si on se place au soir du premier tour, le message « Jean Lassalle n’accède pas au deuxième tour » est très pauvre en info parce qu’on s’en doutait, mais pas totalement nul parce qu’on ne sait jamais !

Lassalle 2017 !

Dans cette logique, une banalité, c’est-à-dire un message connu par tous, ne renferme aucune information et son indice Hugo Lloris est donc nul.

En avril dernier, la campagne bat son plein, le candidat Macron fait un meeting devant 6000 personnes à Marseille. Tout se passe comme prévu, mais à peine 15 minutes après le début du meeting, des journalistes de France 5 remarquent un certain nombre de personnes quittant la salle. En leur donnant le micro, ces derniers déclarent que « c’est du vide, du vent ». Un autre évoque « des banalités ». Pour justifier son départ, un troisième estime qu’Emmanuel Macron « ne va pas assez au fond des choses ».

Quand on dit d’un discours que c’est « du vent », on signifie tout simplement que son auteur ne communique pas plus d’information que s’il se contentait d’expirer l’air de ses poumons. Autrement dit, l’Indice Hugo Lloris du meeting de Marseille était plutôt faible.

Quelle différence avec la langue de bois me direz-vous ? Aucune, en fait ! Un bon usage de la langue de bois comme celui-ci :

« Les forces vives de la Nation et le vrai peuple authentique, tous ensemble, vont travailler à faire les efforts nécessaires pour l’ensemble du pays ! »

ne contient absolument aucune information et son auteur pourra se vanter d’avoir atteint un niveau d’exactement zéro info. par minute.

Not bad

À la télévision, les émissions et chaines d’information possèdent certaines particularités qui les éloignent de l’information au sens défini précédemment.

Le problème avec les chaînes « d’information »

Crashs aériens, banalités et BFMTV

Les chaînes d’information maitrisent remarquablement bien l’exercice du Parler-pour-ne-rien-dire. Notamment lors d’évènements de crise comme les attentats ou encore les crashs aériens. Rien n’est aussi important que la crise du jour et parler d’autre chose semblerait incompréhensible pour les spectateurs. Le problème est évident. Très peu d’informations sont disponibles en cet instant, mais l’audience attend fébrilement derrière son écran. Une solution : le vent.

En cas de crash aérien, on aura droit à un festival de vieux pilotes et d’experts aux titres pompeux qui répéteront inlassablement que :

  1. L’avion est le moyen de transport le plus sûr qui existe,
  2. depuis le dernier crash, la sécurité s’est encore améliorée,
  3. mais malheureusement, le risque zéro n’existe pas.

Rappelez-vous, si on peut deviner à l’avance l’intégralité d’un message, c’est que c’est du vent.

En accompagnement du vent, ces fameux experts utilisent abondamment la prétérition. Vous savez, quand on parle de quelque chose juste après avoir annoncé que l’on n’allait pas en parler. La plupart de leurs phrases débutent généralement par : « à ce stade, on ne peut pas faire d’hypothèse, mais il semblerait que… ». Morale de l’histoire : le transport aérien est très sûr (sauf quand il ne l’est pas) et en situation de crise mieux vaut couper BFM.

Le journalisme des portes fermées

En quoi consiste « le journalisme des portes fermées », cette exaspérante pratique plébiscitée par nos journaux télévisés et autres chaînes d’information à-la-BFM ?

Concrètement, un reporter se place devant une porte fermée et répond aux questions des journalistes en plateau. Ce qui est tout à fait ridicule vu que le reporter possède vraisemblablement autant d’information que les journalistes en plateau. Mais sait-on jamais ! Peut-être que quelqu’un va sortir par cette porte ! Peut-être que quelque chose va se passer (en direct) ! Typiquement cela donne ce genre de dialogues :

Laurent Delahousse : Vous êtes actuellement devant cette porte derrière laquelle il se passe des choses très importantes…

Le reporter : Effectivement Laurent, et elle va sans doute s’ouvrir !

Laurent Delahousse (en remettant sa mèche à l’endroit) : La tension est à son comble, je reviens vers vous très vite !

Ici, le vent sert de remplissage en attendant qu’un hypothétique évènement se produise.

Conclusion :

Nope, rien à ajouter

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