Bordeaux : Peut-on tout autoriser en art ?

Joséphine Argence
6 min readSep 13, 2018

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Sept tentacules gargantuesques ont prit leurs marques dans l’immeuble du Conseil Interprofessionnel du Vin de Bordeaux (CIVB) à Bordeaux. En partenariat avec le festival Climax (du 6 au 9 septembre), elles ont pour but de toucher un maximum de personnes à la protection de la biodiversité et des espèces en voie de disparition d’après le CIVB. Les tentacules représentent chacune un des membres fondateur du conseil, une autre façon symbolique de montrer leur engagement pour l’environnement.

Le fameux CIVB et ses tentacules ©Aqui.fr

L’atmosphère de la place de la comédie est alors changée, les passants ont l’oeil attiré par ses étranges tentacules sortant de l’immeuble Gobineau.Cette structure imposante est crée par deux artistes anglais Pete Hamilton et Luke Egan.

Les tentacules se retrouvent dans un autre immeuble à Dublin ©Art Bridge

Fabriquée à partir de toile de parachute, l’oeuvre de Filthy Luker & Pedro Estrellas (les noms d’artiste de Pete Hamilton et Luke Egan) doit être constamment branchée à des ventilateurs. Ils lui propulsent de l’air afin qu’elle reste gonflée et stable. Mais les ventilateurs ont-ils pu apporter un certain désagrément à cause du bruit ? La vue de certains immeubles a t-elle pu être gâchée ?

Les tentacules du CIVB : une oeuvre d’art dérangeante ?

Les habitants bordelais des environs n’ont pas été dérangés au contraire : Usha possède un AirBNB vers la place de la comédie : « Je trouve cet événement très sympa pour la ville de Bordeaux. C’est super car c’est aussi pour une bonne cause ». Aucun des locataires vivant dans son logement ne s’est plaint de ces grandes tentacules.

Place des Quinconces ©Bordeaux Tourisme

De même pour Sophie travaillant à l’hôtel des 4 soeurs en face du CIVB « Nous n’avons eu aucun retour négatif sur les tentacules, les gens sont juste curieux de savoir ce que c’est et à quoi cela correspond ». Pas de retour négatif cette fois-ci pour notre mammifère marin mais qu’en ai t’il des autres oeuvres bordelaises ?

Bordeaux au coeur de l’art et de la polémique

Un vaisseau spatial a délicatement atterri aux bassins à flot en juin 2018. C’est l’oeuvre de l’artiste britannique Suzanne Treister. Pourtant celle-ci a bien failli passer à la trappe. La cause ? L’association de défense des intérêts du quartier de Bacalan s’est montrée très septique face au nom original de l’oeuvre « Le Vril ». Les membres de l’association y ont vu une connotation avec l’idéologie nazi et à la race supérieure.

La soucoupe volante installée aux Bassins à Flot ©Sud-Ouest

Suite à une pétition lancée par les bénévoles, Suzanne Treister a changé le nom pour la rebaptisée « Soucoupe volante ». La créatrice de l’OVNI n’avait pas pour objectif de choquer les moeurs, la soucoupe volante avait été conçue pour honorer les épaves de la Garonne coulées lors de la Seconde Guerre Mondiale.

« J’espère sincèrement que les intentions de ce projet pourront être expliquées à chacun, que l’on pourra écarter la crainte qu’il s’agisse là d’un projet ‘nazi’. Ce n’est réellement pas mon intention, et je suis horrifié que l’on puisse l’interpréter de cette manière. » comme Suzanne Treister le rapporte au quotidien Sud-Ouest.

L’artiste britannique Suzanne Treister ©Sud-Ouest

Les habitants des Bassins à flot se montre aussi très sceptiques face à la Soucoupe. Françoise vit dans le quartier de Bacalan depuis de nombreuses années et elle ne comprend pas le sens de l’oeuvre .“ Je l’ai découvert quand elle a été installée. Je ne vois pas l’intérêt d’une soucoupe volante aux Bassins à flot. Je n’étais pas non plus au courant de la polémique sur le nom et franchement ça ne m’intéresse pas. Je trouve cela assez dérisoire.”

“ Quand on remue des souvenirs du passé, je préférais en choisir des plus joyeux que celui-ci. Surtout que la filiation entre la soucoupe volante et la Seconde Guerre mondiale n’est pas claire. Il n’existe aucun de lien de cause à effet entre les deux. Un touriste quand il regarde la soucoupe, les années 39-45 ans ne lui saute pas aux yeux.” s’exprime avec énervement Katherine, résidente des Bassins à flot

Le renouveau de la place Adolphe Buscaillet

Plus récemment dans le quartier de Bacalan place Buscaillet, deux fontaines (dont une servant à se désaltérer) sont posées début septembre. Les fontaines sont la première étape des grands changements qui auront lieu sur la placette.

La fontaine composée de différentes formes sur la place Buscaillet©Joséphine Argence

L’artiste derrière ces oeuvres est Clémence van Lunen. Elle est professeur à l’école Supérieure du Mans et possède plusieurs cordes à son arc : sculpture, céramique, peinture… Tous ses talents qui ont permit de réaliser les deux nouvelles sources d’eau de Bacalan.

Hélène vient voir pour la première fois les fontaines et semble perplexe. “ L’aspect en volume de la plus grande fontaine me plaît vraiment mais la peinture beaucoup moins. Elle donne un air de travail pas terminé et fait à la va-vite. Cela me perturbe vraiment et me laisse un regard assez amer.”

La fontaine d’eau potable sur la place Buscaillet ©Journal de Bacalan

“ Clémence van Lunen s’est fait huer, quand elle est venue présenter le prototype des fontaines aux résidents.” raconte Aurélie. “ Ils étaient déçus et cela n’était pas à leur goût. Le point positif c’est que maintenant les enfants boivent boire, directement à la fontaine d’eau potable après s’être amuser.”

Evento : la binomiale bordelaise controversée

Une autre forme artistique a posé problème à Bordeaux : le festival Evento. Lancé en 2009 par la mairie, il promet « un rendez-vous artistique et urbain » en mettant en valeur des artistes internationaux. Aux yeux des bordelais les attentes n’ont pas été tenues. Ils reprochent le manque de visibilité et d’organisation des différents spectacles ou productions.

Une des différents animations du festival Evento dans Bordeaux ©Bernard Tocheport

Le projet d’Alain Juppé dont il est le principal investisseur s’est arrêté, après deux éditions en 2011. La troisième qui devait avoir lieu en 2013 puis en 2014 a été annulée. Pour Nathalie Vallez journaliste à Bordeaux, « Evento a fait la polémique car ils n’y avait pas d’artistes bordelais et cela avait posé problème aux locaux. ». La binomiale d’Evento (un évènement revenant tous les deux ans) n’aura pas su conquérir le coeur des habitants de Bordeaux.

Le lion bleu en sculpture de Stalingrad ou encore la maison des personnages vers la place Amélie Raba Léon, ont aussi donné lieu à de nombreux mécontentements. En particulier à cause du coût pour la création et l’installation. Les sept tentacules du CIVB elles ont eu la chance d’être épargnés de toutes représailles et ont eu un effet positif pour le festival Climax et pour la ville de Bordeaux.

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