Urgence d’adopter le modèle norvégien pour les ressources naturelles du Congo-Kinshasa 🇨🇩

Joseph Kamanda Kimona-Mbinga
11 min readApr 11, 2021

La République Démocratique du Congo 🇨🇩 doit urgemment adopter une réforme de l’exploitation et de la gestion de ses ressources naturelles qui s’inspire de la Norvège 🇳🇴. Ce modèle doit notamment réformer l’exploitation et la gestion des minerais pour mettre fin à la violence structurelle de masse qui permet les pillages de ces ressources. La réforme dans l’exploitation et la gestion des ressources naturelles du Congo se justifie aussi pour arrêter les pertes énormes sur le plan économique et financier qui privent l’Etat et l’économie nationale les moyens nécessaires pour livrer les services publics à la population tout en développant le pays. La réforme de l’exploitation des ressources naturelles au Congo est à la fois une urgence de sécurité nationale pour mettre fin à la violence structurelle de masse qui déstabilise le pays et ses institutions ainsi qu’une urgence stratégique dans le processus de la reconstruction de l’Etat et de l’économie du pays.

Il faut urgemment que le gouvernement congolais (Président de la République, Parlement et Gouvernement national) abolisse les lois, codes, concessions et contrats actuels dans l’exploitation et gestion des ressources naturelles du pays pour les remplacer tous par une loi cadre qui s’inspire du modèle norvégien appliqué dans les années 1970 pour des raisons de sécurité nationale mais aussi purement économiques et sociales.

La réforme installant une loi cadre des ressources naturelles que je propose va réintroduire le contrôle de l’Etat dans l’exploitation et la gestion des ressources naturelles tout en assurant le développement du secteur privé dans ces industries. Mais surtout il va permettre de mettre fin à la criminalisation des groupes armés et aux pillages de ces ressources tout en assurant des revenus en moyenne de 10 milliards $ à 20 milliards $ au gouvernement congolais chaque année.

Le Congo-Kinshasa 🇨🇩 est confronté à une violence structurelle depuis 1996 à ce jour à cause de l’exploitation de ses ressources naturelles, notamment les minerais. Les experts de Nations Unies 🇺🇳 documentent chaque année des faits et cas avérés des pillages et des violences de masse liés à l’exploitation minière en République Démocratique du Congo 🇨🇩 dans leurs différents rapports faits au Conseil de Sécurité des Nations Unies 🇺🇳. Le premier rapport des experts des Nations Unies à faire état des pillages des ressources congolaises date de 2000–2001 (voir le lien ci-après).

Le deuxième rapport des experts des Nations Unies 🇺🇳 sur les pillages des ressources congolaises fut publié en 2002.

Et depuis lors, c’est chaque année que les experts des Nations Unies 🇺🇳 documentent les pillages systématiques des ressources congolaises dans l’indifférence totale du monde, de l’Afrique et même du gouvernement congolais dont les actions de certains de ses officiels au fur du temps ont été mis en cause dans ces pillages.

Si les pillages du Congo 🇨🇩 ne se limitaient qu’aux actes de crimes économiques, on aurait peut-être compris le silence quasi unanime du monde, de l’Afrique et du gouvernement congolais lui-même. Mais les pillages des ressources naturelles du Congo 🇨🇩 ont des conséquences très graves. Il s’agit des crimes de génocide, des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité dont les viols de masse commis dans le contrôle de ces pillages. En 2010, les Nations Unies 🇺🇳 ont publié un “Mapping rapport” sur des faits des crimes de génocide, des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité commis en République Démocratique du Congo 🇨🇩.

Ce rapport expose juste quelques cas documentés des crimes de masse commis pour les pillages des minerais congolais. Mais depuis 1996 jusqu’à nos jours, il est très certain qu’une dizaine des millions en vies humaines ont été victimes de violence de masse à cause des pillages et de l’exploitation minière congolaise.

La violence dans l’exploitation des ressources naturelles du Congo est la conséquence directe du commerce triangulaire des esclaves qui débuta en 1619 en Afrique et de la colonisation qui le remplaça. Pendant la colonisation, il fut imposé un régime des concessions minières dont l’héritage façonne encore le modèle de gestion des ressources naturelles au Congo.

Depuis l’indépendance du Congo-Kinshasa 🇨🇩 en 1960, le pays a connu plusieurs législations et réformes de l’exploitation de ses ressources notamment les minerais et les hydrocarbures. La plus marquante de ces réformes et législations est l’ordonnance-loi No 81–13 du 2 avril 1981 qui en fait instituait le contrôle de l’Etat sur l’exploitation et la gestion des minerais et des hydrocarbures.

il faut comprendre l’ordonnance-loi de 1981 comme la suite logique de l’acte fondateur de la souveraineté et indépendance économique du Congo de 1967 avec la fin de l’Union Minière du Haut-Katanga et la naissance de la Gécamines. Après 1996, des actions et législations mises en place ont toutes eu un objectif: mettre fin au contrôle du Congo, notamment de l’Etat, sur l’exploitation des ressources naturelles du pays. Et tout le monde connaît les conséquences. Les arguments officiels évoqués pour la libéralisation de l’exploitation des ressources naturelles et les bénéfices escomptés ont été tous démentis par les faits.

Depuis presque deux décennies que le Congo 🇨🇩 a aboli le contrôle de l’exploitation et de la gestion des ressources naturelles par l’Etat, le pays exporte chaque année 3 fois plus des minerais et autres ressources. Mais les retombées financières échappent totalement à l’Etat et à l’économie du pays. Par exemple, en 2020, le Congo 🇨🇩 a exporté plus de 1,5 millions de tonnes de cuivre d’une valeur de plus de 11 milliards $. Mais les caisses de l’Etat sont vides. Pour comparaison, chaque année avant 1990, le Zaïre (Congo 🇨🇩) exportait moins de 500 milles tonnes de minerais et rapatriait plus de 2 milliards $ annuellement dans les coffres de l’Etat et les réserves de la Banque centrale. Aujourd’hui personne n’est capable de dire exactement les quantités des minerais comme l’or, le coltan, et plusieurs autres qui sont exploités et sortis du pays, le plus souvent sous contrôle des groupes armés criminalisés utilisant la violence de masse pour la contrebande de cette exploitation.

Même la dernière réforme des réformes du code minier du Congo de 2018 ayant pour but d’augmenter les revenus de l’Etat a été un total échec. Alors que chaque année plus de 20 milliards $ à 50 milliards $ sont systématiquement pillés au Congo; l’Etat ne parvient pas à récupérer au-delà de 800 millions $ du secteur minier.

Il est grand temps de réformer toutes les réformes du code minier et des autres législations sur les ressources naturelles de la République démocratique du Congo. Je propose une réforme qui assure à la fois le contrôle de l’exploitation et de la gestion des ressources naturelles du Congo par l’Etat tout en garantissant le développement de l’intervention des entreprises et capitaux privés dans le secteur. La loi norvégienne sur les hydrocarbures telle qu’elle était appliquée en 1974 est un modèle qui doit inspirer la réforme de l’exploitation et de la gestion de toutes les ressources naturelles congolaises pour atteindre l’équilibre que je propose.

Normand Mousseau résume bien l’équilibre que je propose en ces termes: “Il n’est pas facile de contrôler une industrie de l’extérieur, même en disposant d’une armée d’inspecteurs. Seule une participation directe de l’État dans les opérations elles-mêmes pouvait garantir le développement espéré. Comprenant ses responsabilités, le gouvernement norvégien décida donc d’imposer, dès 1974, une participation étatique d’au moins 51 % sur toutes les concessions accordées à partir de cette date, via une nouvelle société d’État, la Statoil, et toutes les phases d’opération, incluant l’exploration, la production, le traitement, l’exportation et la commercialisation. L’approche norvégienne permettait de préserver l’accès à l’expertise et aux réseaux des grandes pétrolières privées, tout en maintenant le contrôle de l’État. On évita ainsi la nationalisation, pourtant très en vogue à l’époque, (…) sans priver entièrement le gouvernement des droits d’exploitation.

Je propose donc que l’Etat congolais adopte d’urgence une loi cadre qui décrète une participation directe de l’Etat d’au moins 51% dans toute concession d’exploitation de toutes les ressources naturelles en République Démocratique du Congo 🇨🇩 dans toutes les phases d’opérations incluant l’exploration, la production, le traitement, l’exportation et la commercialisation. Pour donner au gouvernement le moyen de sa politique; au lieu de faire payer les concessions des ressources naturelles aux entreprises privées ayant les capitaux financiers et moyens techniques d’investir et d’exploiter ces ressources; l’Etat leur concéderait sans contrepartie financière ces concessions mais en contrepartie de prise de contrôle d’au moins 51% des parts du capital de l’entité bénéficiant de la concession. Bien évidemment il faut clairement bien identifier toutes ces ressources.

La réforme que je propose pourra générer en moyenne de 10 milliards $ à 20 milliards $ de revenus à l’Etat congolais, toute chose étant égale par ailleurs, à l’état actuel de la conjoncture mondiale des marchés de matières premières. Au-delà des gains financiers immédiats, la réforme que je propose pourra aider à mettre fin à la prolifération des groupes armés criminalisés dans l’exploitation des ressources naturelles du Congo. Ainsi on pourra discuter avec les pays voisins comme le Rwanda 🇷🇼, l’Ouganda 🇺🇬, le Burundi 🇧🇮 et la Tanzanie 🇹🇿 des dispositions communes d’éradication des pillages et d’exploitation illégale des ressources congolaises dont les retombées seront de loin positives pour leurs économies comparées aux pillages actuels qui utilisent leurs territoires comme comptoirs de transits.

Les réformes que je propose vont générer plus des revenus pour tous les intervenants dans la chaîne de la valeur de l’exploitation et gestion des ressources naturelles du Congo. Les crimes de masse commis dans les pillages de ces ressources impliquent un acte de souveraineté qui restaure le contrôle de l’Etat sur ces ressources tout en assurant le développement d’une économie et des industries de ressources naturelles sans violence ayant déstabilisé le pays pendant les deux dernières décennies.

Les multinationales ont accepté la loi en Norvège 🇳🇴 parce qu’elle permet au pays de bénéficier équitablement de l’exploitation de ses ressources naturelles. Il n’y a aucune raison politique, économique, légale, et surtout morale, qui justifierait que quiconque s’oppose à une réforme juste qui permettrait au peuple congolais de bénéficier équitablement de l’exploitation de resources de leur pays comme les norvégiens en bénéficient tout en permettant aussi équitablement la rémunération du capital privé investi dans cette exploitation. Tout le monde y gagne. Ce qui n’est pas le cas actuellement où les intérêts du peuple congolais sont littéralement ruinés dans l’état actuel des choses.

La réforme de la gestion des ressources naturelles du Congo que je propose peut se faire immédiatement sans endosser les dettes des entreprises minières existantes sur le dot du trésor public congolais.

À la fin des années 1990 et au début des années 2000; ce sont des institutions de coopération multilatérale et même bilatérale qui ont poussé le Congo 🇨🇩 à faire une réforme erratique du code minier d’avant 1996. Et les entreprises minières étaient supposées apporter des capitaux comme investisseurs, et non utiliser les actifs miniers congolais comme collatéraux des prêts auprès des banques. Donc les entreprises minières devraient prendre en charge les dettes qu’elles ont contracté sans aliéner les actifs miniers congolais dont l’Etat congolais devra confirmer la totale propriété à 100% comme d’ailleurs le stipulent les lois congolaises foncières et minières (le sol et le sous-sol appartiennent à l’Etat) tout en en faisant des concessions comme apport de 51% au capital des investissements pour leur exploitation. Les institutions multilatérales et bilatérales qui avaient imposé cette réforme erratique à l’Etat congolais doivent s’organiser pour aider les entreprises concernées à créer un fonds pour gérer leurs dettes qui doivent être totalement déliés des actifs miniers cédés en concession d’exploitation aux entreprises privées. Ce qui permettrait d’assurer l’implémentation de la réforme sans mettre sur le dos de l’Etat congolais des dettes des entreprises privées qui ont déjà réalisés d’énormes bénéfices au détriment des intérêts de l’Etat congolais. En réalité c’est l’Etat congolais qui aurait pu réclamer des indemnités pour dommages subis par une réforme mal conseillée, mal conçue et très mal appliquée par les parties.

Il y a 24 ans exactement cette année tombait le régime du premier et dernier maréchal du Zaïre, Joseph-Désiré Mobutu Sese Seko Kuku Ngwendu Wa Zabanga. Son régime fut remplacé par celui de Laurent-Désiré Kabila à qui succéda son fils Joseph Kabila Kabange, qui ouvrit la voie vers une succession pacifique avec Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo. Depuis la colonisation du Congo jusqu’aux événements ayant entouré l’émergence de différents régimes de l’ère postcolonial, la question de gestion de l’exploitation des ressources naturelles du pays est resté au cœur des intrigues du pouvoir.

Aujourd’hui loin de moi l’idée de soulever des polémiques stériles. Le pays est totalement par terre. Les 100 millions des Congolais sont dans leur majorité dans la misère la plus inhumaine sur la plus riche des terres de cette planète. Trouver l’erreur: les maudits minerais qui font le malheur de ce peuple pauvre sur une terre ultra riche.

Laurent-Désiré Kabila comprit très tard que Mobutu avait raison sur la question des ressources naturelles du Congo. Lorsqu’il voulut corriger ses erreurs. On sait ce qui arriva. Joseph Kabila comprit aussi tard que Mobutu avait raison sur la question des ressources naturelles du Congo. Et quand il prit une initiative très timide de corriger ses erreurs, tout le monde sait ce qui arriva.

Il faut adopter la stratégie de Mobutu qui est jusqu’à ce jour la seule qui a réussi pour donner au pays les moyens de gérer ses ressources naturelles. Mobutu aussi fit des erreurs. Mais ses erreurs étaient essentiellement de la mauvaise gestion des retombées ou revenus de l’exploitation des ressources naturelles du pays. Jamais Mobutu n’avait commis l’erreur monumentale de vendre aux plus offrants les actifs du pays, puis par après de vouloir les renégocier avec ceux à qui il les a vendus! Ça, c’est impardonnable, même dans les affaires. Et ceci est le cas dans les autres domaines au-delà des mines.

Nous congolais sommes nous mêmes les faiseurs de notre propre misère car nous n’avons pas appris le sens du bien commun. Nous ne savons pas privilégier l’intérêt général au-dessus de nos petits intérêts privés immédiats. Nous sommes prêts à trahir les nôtres pour une bouchée de pain. Tant que cet esprit nous habitera, nous allons mourrir de faim sur la terre la plus arable du monde; nous allons avoir la monnaie de singe sur la terre remplie de l’or; nous allons quémander de l’argent à l’extérieur dans un pays où des centaines de milliards de dollars sortent de toutes les frontières. Bref nous serons les dindons de la farce de toute l’humanité.

Je suis conscient, le fait que j’expose les faits ne m’attire pas beaucoup d’amis. Mais pour le Congo 🇨🇩, pour notre pays, pour notre peuple, personne ne me fera taire. C’est à ce prix que nous pourrons bâtir ensemble un pays prospère, équitable et paisible pour les générations futures.

Que le Dieu de nos ancêtres protège le Congo 🇨🇩.

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Joseph Kamanda Kimona-Mbinga

Economist, Author & Entrepreneur / Économiste, Auteur & Entrepreneur 孤家寡人 (😊😉😁)