Qui es tu Candice Delta ?

Josquin Debaz
4 min readFeb 14, 2017

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Elles (surtout) et ils (parfois) sont “passionnés”, aiment la musique, la nature, leur ville et voyager… travaillent déjà dans une startup ou ont pour projet d’en créer une. Elles et ils viennent à vous sur Twitter avec des profils irréprochables : des photos où elles et ils sont belles et beaux, quelques milliers d’abonnés et à peu près autant d’abonnements. 1000 ou 2000 tweets environs, toujours des retweets ou des tweets liés à de grands médias, jamais rien de personnel, la passion a disparu entre le profil et la timeline.

Prenons par exemple https://twitter.com/DeltaCandice

Capture d’écran du profil Twitter de “Candice Delta”

Elle semble avoir 15 ans et serait #DataScientist ? à #Dublin mais localisée à Courbevoie ? Mère de 2 enfants ? Fan de #Photographie et de #Mode, mais ne publie jamais en ce sens, ne propose pas de compte Instagram où présenter ses œuvres et ses trouvailles ?

La photo elle-même semble très professionnelle, trop en fait... elle vient de Wikipedia, comme une recherche rapide le montre.

Reverse image search de Candice par @taziden

Pourtant Twitter me signale que certains de mes abonnés sont eux-même abonnés à Candice, procédé des plus légitimant s’il en est, auquel je pourrais participer si je m’abonne en retour. Après tout, elle semble inoffensive, loin du darkweb, de ses “pédonazis” et autres “jeunes radicalisés par Internet”…

C’est ·.·¦·NicoladiaZ·.·¦· qui m’avait fait remarquer ce type de profil il y a quelques mois déjà, il avait repéré qu’ils retweetaient allégrement les articles de GrowthHacking France, une agence marseillaise de communication web. On en reparle hier, et je lance une petite recherche : à partir de quelques id de tweet de GrowthHacking France, dont je récupère la liste des 100 premiers retweeteurs, je ne garde que ceux qui présentent les caractéristiques suivantes : leur profil ne présente pas d’url (on exclut ainsi ceux qui affichent une page web pro perso ou un autre réseau social), et dans leurs 20 derniers tweets, il n’y a que des RT et où des liens vers des médias (pas de tweet “selfie” donc) et au moins 2 RT de GrowthHacking France. En utilisant a minima l’API de Twitter, je récupère rapidement une soixantaine de comptes, dont une majorité de femmes.

Ce qui me frappe tout d’abord, c’est que Twitter me signale très souvent que ces comptes sont suivis par des personnes auquel je suis moi même abonné. On a le “followback” facile, surtout quand les profils sont aussi “plats” : qui n’aime pas la musique, la nature, les jeux vidéos, la photographie… ? Quel utilisateur de twitter n’est pas vaguement intéressé par le web, le numérique/digital, ou tout simplement les réseaux sociaux ?

J’ai déjà eu l’occasion de traiter du faux et de la contre-enquête collective, en particulier autour du cas “A gay girl in Damascus”, dans un billet avec Ilaria Casillo (Performativité du virtuel et épiphanie du réel). C’était en 2011 : de l’ordre de l’antédiluvien donc. Ce qui frappe ici, c’est que les fakes restent sommaires (ce qui compte c’est leur nombre), mais qu’ils restent globalement assez crédibles pour ne pas donner prise à la vigilance lors de la procédure très rapide voir automatique de l’ “abonnement retour”.

Capture d’écran du profil Twitter de “Maxime Adive”

La société de comm’ sus-mentionnée promeut un outil qui vous aide à développer votre audience Twitter : Hackisitor.

Tiens on retrouve Maxime !

Vous pouvez en bénéficier sans payer, contre un like/retweet quotidien. Au sein de leur “armée” il y a donc des fakes plutôt réussis et des utilisateurs volontaires. Le jeu semble assez fin pour passer les algorithmes de contrôle de Twitter et la vigilance ordinaire de chacun, et in fine tenter de lancer la petite boule de neige de l’information virale.

Dans ce Fakebook, combien de vrai fakes ?

Au demeurant, le “Fakebook” qu’ils nous proposent a quelque chose de poétique dans la variation-répétition sur thèmes restreints. J’y vois une créativité certaine, probablement en s’inspirant des photos utilisées. En cherchant le “plat”, l’absence de relief dans les profils, ils nous donnent à voir une certaine représentation de ce qui doit attirer les utilisateurs du réseau Twitter : des individus “positifs”, passionnés et actifs, les femmes aiment la mode et la nature, les hommes sont sportifs, … mais surtout leur univers tourne autour d’un numérique dont ils sont inconditionnels.

À suivre dans Recherche Candice désespérément.

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Josquin Debaz

Now: dev. Was:researcher in sociology of controversies and history of science