La créativité à un âge obsédé par la popularité

Jp Valery
4 min readFeb 9, 2016

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[Originellement publié sur mon blog : http://jpvalery.me/la-creativite-a-un-age-obsede-par-la-popularite/ ]

Pour entamer cette année 2016, je vous propose le visionnage d’un excellent court-métrage “Painting in the Dark: The Struggle for Art in A World Obsessed with Popularity”.

En 10 minutes, Adam Westbrook (aka Delve) nous propose un essai vidéo autour de la problématique de la créativité à un âge où nous sommes tous hyper-connectés et où les likes sont érigés en mètre-étalon. Prenant l’exemple de Vincent Van Gogh qui galéra pendant des années avant de rencontre le succès, il expose les difficultés des artistes à trouver la reconnaissance recherchée et l’audience méritée.

Une difficulté exacerbée à notre époque de saturation d’informations (infobésité) et de réseaux sociaux qui peuvent s’avérer contre-productifs. La difficulté pour obtenir une reconnaissance peut même devenir insupportable et briser un élan créatif. En effet, les auteurs s’attendent à une réponse à la hauteur des efforts déployés. Des milliers de likes, vues, et autres métriques des réseaux sociaux. Car ils ont une valeur perçue de jauge de popularité et de qualité.

Soulignant qu’il aura fallu 10 ans à Van Gogh pour vendre son premier tableau, Adam met l’accent sur le fait qu’on ne fait pas de l’art pour la reconnaissance, mais pour la création pure.

Cette vidéo est intéressante car elle met en lumière d’autres problèmes liés aux réseaux sociaux et à la créativité.

#1 Une source de déception

Comme évoqué ci-haut, l’attente est souvent forte pour un créatif qui partage sa dernière création pour la première fois. Après des heures de travail, satisfait du résultat, il attend un retour proportionnel au temps et aux efforts nécessaire pour la création de l’œuvre.

Malheureusement, il est extrêmement difficile de faire émerger un signal parmi tout le bruit ambiant que sont les réseaux sociaux. Et au delà de la quantité perpétuelle de messages, il faut également composer avec les algorithmes en charge de la portée organique d’une publication. Et il suffit de poster un peu trop tôt ou un peu trop tard pour ne pas bénéficier au maximum de son audience disponible et ainsi avoir une impression de raté.

Ainsi, les réseaux sociaux génèrent une déception et une frustration chez le créatif qui est toxique et contre productive.

#2 Une source d’uniformisation

J’en parlais récemment avec une amie photographe qui venait de s’inscrire sur 500px, et je lui disais que comme tout les réseaux basés sur l’image, il ne fallait pas trop se laisser influencer par les likes et autres métriques car elles dénaturent la créativité. Que ce soit sur 500px, Instagram, etc… ces outils de mesure finissent par truquer le système.

Je lui disais d’ailleurs :

Si tu veux avoir du succès sur 500px, tu fais soit des clichés de coucher de soleil, soit des chatons, soit des femmes nues. Si tu mets les 3 ensemble tu casses Internet

En effet, c’est ces genres de clichés qui récoltent généralement le plus d’engagement de la part de l’audience. Et donnant ainsi une fausse impression de popularité, ils laissent à penser qu’ils sont de qualité supérieure.

Pour les artistes frustrés par de piètre résultats en valeur de leur présence sur les réseaux sociaux évoqués ci haut, la tentation est alors grande de rentrer dans le moule et de produire du contenu fade mais qui plaira à coup sûr.

Ce faisant, on quitte la démarche créative pour entrer dans une démarche commerciale : “Je cherche à optimiser le retour sur investissement en obtenant un nombre d’interactions sur les réseaux sociaux le plus haut possible”. Au lieu d’une démarche naturelle artistique de “Je vais créer pour m’exprimer et je verrai bien si j’ai une audience qui aime”.

Et enfin, et pas des moindres, cela crée également un problème majeur en réduisant le champ des possibles et en tuant à petit feu un art. Une fois que tout le monde ne prendra plus que des chatons et des couchers de soleil en photo, que restera-t-il à la Photographie en tant que domaine artistique complet ?

#3 Tout ça pour quoi ?

Le pire dans tout ça étant que ces problèmes se créent sur du vent. Que ce soit l’égo d’un créatif, ou le nombre de likes sur Instagram, ce n’est pas ça qui est important. L’important c’est la créativité, la démarche artistique, le message transmis.

Est ce que le nombre de likes est un garant de la qualité d’une œuvre ? Non! La seule chose que cela garantit c’est un nombre de personnes ayant interagi avec le contenu. S’en souviendront-t-il une fois les applications fermées ? ou le lendemain ?

Les métriques d’interactions sur les réseaux sociaux sont piégeuses car ce ne sont que des chiffres. Il n’y a aucune échelle de valeur lié à ces dernières. Et un contenu liké des millions de fois n’aura peut-être pas l’impact d’un contenu qui n’avait pas suscité l’enthousiasme des foules.

En conclusion

Ne faites pas de l’art pour des likes Instagram. On s’en fout.

Faites de l’art et soyez créatifs pour vous. Et ne laissez pas des chiffres être vos juges.

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